Un accord relatif à la rétrocession de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) a été signé le 30 décembre dernier entre l’Etat et la Gabon special economic zone (GSEZ). Cette rétrocession soulève des questions.

Au-delà des propos ampoulés sur le patriotisme économique, la rétrocession de la SNBG soulève des questions. Dans la forme comme dans le fond, tant de zones d’ombre subsistent. © GabonReview

 

«La SNBG de retour dans l’escarcelle de l’État», titrions-nous il y a quelques jours. Au terme d’une cérémonie réhaussée par la présence du président de la Transition, un accord relatif à la rétrocession de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) a été signé le 30 décembre dernier entre l’Etat et la Gabon special economic zone (GSEZ). Privatisée dans l’opacité la plus totale et dans des conditions rocambolesques, l’entreprise spécialisée dans le négoce du bois redevient propriété de l’Etat, un peu moins de sept ans plus tard. Saura-t-elle s’adapter aux évolutions, fluctuations et exigences du marché ? Pourra-t-elle jouer un rôle de catalyseur de l’’industrialisation ? Pourra-t-elle faciliter l’implication des nationaux ? Pourra-t-elle contribuer à la définition et à la mise en œuvre d’une politique d’aménagement durable ? On jugera sur pièces.

Réfléchir au mandat et au repositionnement

Au-delà des propos ampoulés sur le patriotisme économique, cette rétrocession soulève des questions. Dans la forme comme dans le fond, tant de zones d’ombre subsistent. Sur ses motivations comme ses objectifs, c’est la bouteille à l’encre. On peut, certes, pointer les entourloupes juridiques ayant jalonné le processus de privatisation. On peut dénoncer son extrême politisation. On peut même la rattacher aux outrances du régime déchu. Mais, cela ne mettra pas fin au débat de fond : engagée en 2004 suite à un accord de confirmation avec le Fonds monétaire international (FMI), la restructuration de la SNBG ira-telle enfin à terme ? Eu égard aux changements induits par l’interdiction d’exporter les grumes, l’entreprise aura-t-elle les moyens d’agir sur les coûts des facteurs, la formation et l’implication de la recherche ? Aura-t-elle les moyens de conduire les travaux d’inventaire ou de reboisement ? Pourra-elle porter une société de cautionnement mutuel pour exploitants artisanaux ?

A l’évidence, il va falloir réfléchir à son mandat. Dans l’immédiat, des usines et permis forestiers lui seront sans doute rétrocédés. Une subvention de démarrage et des avantages fiscaux lui seront certainement accordés. Un audit de son personnel sera probablement diligenté. Le cas échéant, il y aura de nouveaux recrutements. N’empêche, il ne faudra pas faire l’économie d’une réflexion sur son positionnement et son dimensionnement. Quelles seront ses missions, aux niveaux central et infranational ? Quel sera sa configuration au niveau central ? Quels sont les coûts induits par sa remise en route et son fonctionnement ? Quelles seront ses priorités ? Si l’on veut en améliorer la gouvernance, il faudra répondre à ces questions. Pour encadrer ses relations avec l’Etat, il faudra songer à la signature d’une convention, conformément aux dispositions de l’article 40 de la loi n°11/82 du 24 janvier 1983.

Des tentatives de restructuration menées avec la même fortune : l’échec

Redevenue société à participation financière publique, la SNBG n’est ni un établissement public ni une société d’économie mixte. Par conséquent, la tutelle et les interventions de l’Etat devront s’y exercer dans des formes particulières. Si les tutelles technique et financière seront assurées par les ministères en charge des Forêts et de l’Economie, les modalités de mise en œuvre devront être définies par un accord avec le Conseil d’administration. Cette exigence vaut aussi pour le plan d’affaires et la stratégie. C’est dire si l’organisation, la composition et le fonctionnement de ce conseil d’administration seront déterminants pour la suite. C’est aussi dire si ses membres devront être choisis avec le plus grand soin, loin de toute considération politicienne, mais sur le fondement de la compétence et de l’intégrité. Un organe délibérant indépendant, jouant pleinement son rôle ? C’est la condition sine qua non pour une SNBG viable.

Dans le passé, plusieurs tentatives de restructuration furent menées avec la même fortune : l’échec. En 1994, la SNBG obtenait le monopole de la commercialisation de l’okoumé et de l’ozigo. En 2006, le gouvernement revenait sur cette décision. Entre-temps, une étude sur la restructuration et le repositionnement de l’entreprise était lancée. Si les conclusions n’ont jamais été publiées, une chose est néanmoins sûre : les initiatives des partenaires techniques et financiers, notamment l’Union européenne et la Banque mondiale, n’ont rien facilité. Censées garantir la transparence dans le secteur et la traçabilité du bois, elles allaient à contre-courant des méthodes ayant cours sous nos latitudes. Instruit de cela, l’Etat gagnerait à n’éluder aucune question. Déjà, il ferait œuvre utile en soumettant GSEZ et ses complices d’hier à l’indispensable reddition des comptes.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Gayo dit :

    Notre pays est couvert à 85 % par des forêts. Avec un peu d’intelligence et de volonté, la SNBG pourrait devenir un moteur central de notre économie en se focalisant sur la transformation du bois en produits finis (quand est-ce qu`on fera le papier sur le continent)? Cela nécessiterait une ouverture de son capital aux investisseurs privés et une réduction significative de la présence étatique dans sa gouvernance et sa gestion.

    Cependant, dans un contexte d’administration corrompue et ultra-politisée, il est difficile de rendre une entreprise étatique performante et durable. La culture de la corruption et le clientélisme restent des fardeaux qui entravent le développement du Gabon, favorisant la médiocrité et la mauvaise gestion.

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