Faire bien avec peu – L’innovation Jugaad au service du nouveau pacte environnemental
Lorsqu’un président déclare la transition écologique priorité nationale et qu’un premier ministre rappelle la rigueur budgétaire en affirmant : « faire bien avec peu », on entrevoit un défi aussi complexe qu’urgent. Mais si la contrainte financière devenait un levier d’innovation ? S’inspirant du Jugaad indien, Adrien NKoghe-Mba* explore ici comment une frugalité créative pourrait transformer les ambitions du pacte environnemental en réalités concrètes, accessibles et durables.
Lors du Conseil des ministres du 5 janvier, le Président de la Transition a fixé comme priorité nationale la mise en œuvre d’un nouveau pacte environnemental, une ambition stratégique pour répondre aux défis environnementaux. Quelques jours plus tard, lors des vœux au gouvernement, le Premier ministre de la Transition a rappelé les contraintes budgétaires en affirmant avec force : « La rareté de la ressource budgétaire nous impose de faire bien avec peu. » Cette déclaration, loin de limiter l’élan de cette transition écologique, invite à repenser notre manière d’agir face à ces défis.
Mais comment concilier cette ambition environnementale avec des moyens limités ? Une réponse pourrait venir d’une philosophie d’innovation née de la contrainte : le Jugaad. Inspirée de l’Inde, cette approche propose des solutions ingénieuses, simples et peu coûteuses, capables de transformer des défis en opportunités.
L’art de faire mieux avec moins
Le mot Jugaad n’a pas de traduction exacte en français, mais il incarne une manière d’innover avec créativité et frugalité. Dans des contextes où les ressources sont rares, cette philosophie a donné naissance à des solutions comme des pompes à eau actionnées par des bicyclettes ou des réfrigérateurs en argile fonctionnant sans électricité. Le Jugaad prouve que l’ingéniosité humaine peut triompher des contraintes matérielles. Ce modèle d’innovation offre des leçons inspirantes pour concrétiser le pacte environnemental avec des moyens modestes.
L’énergie verte : des solutions décentralisées et abordables
Le Jugaad démontre qu’il n’est pas nécessaire d’investir massivement dans des technologies coûteuses pour accélérer la transition énergétique. Des exemples tels que des micro-centrales solaires fabriquées à partir de matériaux recyclés ou des panneaux solaires d’occasion reconditionnés montrent qu’il est possible de démocratiser l’accès à l’énergie propre à moindre coût.
En encourageant des initiatives locales et autonomes, le gouvernement pourrait permettre à chaque communauté de produire sa propre énergie. Cela ne réduirait pas seulement les coûts, mais renforcerait également la résilience des territoires face aux défis énergétiques.
Une agriculture durable, locale et résiliente
L’agriculture, au cœur de notre économie et de l’enjeu environnemental, est un domaine où le Jugaad peut avoir un impact immédiat. Dans plusieurs régions du monde, des solutions ingénieuses comme des systèmes d’irrigation à base de matériaux recyclés permettent d’économiser jusqu’à 70 % d’eau. Ces pratiques pourraient être adaptées à nos propres réalités locales, réduisant à la fois les coûts et l’empreinte environnementale.
De plus, les coopératives agricoles pourraient jouer un rôle clé en mutualisant leurs ressources et en adoptant des techniques agroécologiques simples mais efficaces, issues des savoir-faire traditionnels. Ces innovations frugales offriraient des solutions durables pour produire davantage avec moins de ressources.
Sensibilisation et mobilisation citoyenne
L’un des piliers du Jugaad est l’implication des populations dans le processus d’innovation. Pourquoi ne pas mobiliser les citoyens à travers des campagnes numériques peu coûteuses et des plateformes collaboratives ? Ces outils permettraient de partager des idées, des initiatives locales et des bonnes pratiques en matière de transition écologique.
Par exemple, une application simple pourrait recenser les innovations environnementales portées par les communautés et faciliter leur reproduction ailleurs. En responsabilisant les citoyens, le gouvernement ne se contente pas de sensibiliser : il crée un mouvement collectif en faveur du pacte environnemental.
Changer de paradigme : l’audace d’un leadership frugal
Le Jugaad n’est pas un compromis sur la qualité, mais une manière de réinventer notre manière de concevoir et d’agir. Cela exige un leadership audacieux, capable de transformer les contraintes en opportunités. Dans un contexte de rareté budgétaire, cette approche devient une stratégie incontournable.
Mettre en œuvre le pacte environnemental selon cet esprit, c’est reconnaître que l’innovation ne dépend pas toujours des moyens financiers, mais de la capacité à faire preuve de créativité et de pragmatisme.
Faire confiance à l’ingéniosité collective
Le nouveau pacte environnemental, voulu par le Président de la Transition et rappelé par le Premier ministre lors des vœux au gouvernement, est une ambition forte. Mais cette ambition ne doit pas être paralysée par la contrainte budgétaire. Au contraire, elle peut trouver dans ces limites un moteur d’innovation.
En adoptant l’esprit du Jugaad, chaque difficulté peut devenir une occasion de repenser nos façons de faire. Faire bien avec peu, c’est non seulement possible, mais essentiel pour bâtir un avenir durable. Ce défi, loin d’être une entrave, est une invitation à mobiliser l’ingéniosité collective et à écrire une nouvelle page de notre histoire environnementale.
*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.
0 commentaire
Soyez le premier à commenter.