L’incendie de la résidence de Jean-Pierre Lemboumba-Lépandou et les stratagèmes déployés en vue de saboter la tournée d’Alexandre Barro Chambrier contribuent à nourrir la haine interpersonnelle, élargissant les lignes de fracture entre communautés.

Subterfuges pour saboter la tournée de Barro Chambrier. Incendie de la résidence de Lemboumba-Lépandou. Les dérapages de ces derniers jours préfigurent-ils l’ambiance de la présidentielle de 2023 ? © Collage Gabonreview

 

Comme l’incendie de la résidence de Jean-Pierre Lemboumba-Lépandou, les stratagèmes déployés en vue de saboter la tournée d’Alexandre Barro Chambrier sont intolérables. On peut ne pas aimer l’ancien ministre des Finances. On peut ne pas apprécier son positionnement politique ou son soutien à Jean Ping, On peut tout autant ne pas se sentir concerné par les ambitions du président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM). On peut même être insensible à son discours et à sa démarche. Mais, les événements de ces derniers jours sont d’une extrême gravité. Attentatoires aux libertés individuelles, ils ne sont pas seulement de nature à nourrir la haine interpersonnelle. Ils peuvent aussi contribuer à élargir les lignes de fracture entre communautés. Pour freiner l’expansion des idées séparatistes, il convient de dénoncer ces pratiques aux antipodes de la République et de la démocratie. Sans se lasser, il faut réaffirmer les fondamentaux : à l’instar des autres provinces, le Haut-Ogooué n’est ni un château fort ni une province entièrement à part ; comme les autres villes, Okondja n’est ni un donjon ni une citadelle.

Rappel historique

Dans son dernier message à la nation, le président de la République indiquait : «Être patriote c’est communier dans la fraternité avec ses concitoyens. Les respecter, prendre soin d’eux (…)» Ali Bongo ne peut avoir tenu de tels propos et rester insensible à de tels dérapages. Or, ni lui-même ni le Premier ministre ni le secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG) ne sont exprimés, à ce jour. Par ce silence assourdissant, ils laissent le sentiment sinon de légitimer, du moins de soutenir les délinquants présumés. Au-delà, ils donnent l’impression de chercher à maintenir leur hégémonie sur le Haut-Ogooué, à y cadenasser le jeu politique voire à y empêcher toute expression démocratique. Après tout, lors des présidentielles de 2009 et 2016, cette province servit, à son corps défendant, de variable d’ajustement aux résultats électoraux. Les dérapages de ces derniers jours préfigurent-ils l’ambiance de la présidentielle de 2023 ? On a grand-peine à se le dire.

Pour l’heure, une réaction alimente le soupçon : celle du ministre de la Décentralisation. Dans un audio devenu viral, il présente Alexandre Barro Chambrier comme un «invité indésirable», ordonnant aux structures locales du PDG de ne pas «s’attrouper au passage de ces gens-là.» Au passage, il promet faire le déplacement pour voir «comment (…) appuyer ça.» Malgré la pluie de condamnations, l’homme se défend de tout mépris envers ses semblables. Selon lui, «dans (l’) environnement (politique) toute activité adverse est naturellement indésirable». Mieux, ses consignes avaient pour but de «contenir ses troupes» afin d’«éviter des incidents.» Si on a envie de le croire, on doit surtout l’inviter à méditer ce propos de Guy Nzouba-Ndama : «Il ne saurait exister des zones interdites à une catégorie d’acteurs. Le Gabon est un et indivisible.» On songe même à lui adresser ce rappel historique : en août 2016, durant l’assaut contre le quartier général de Jean Ping, le ministre de la Défense se nommait… Mathias Otounga Ossibadjouo.

La parole d’Ali Bongo attendue

Le zèle partisan du ministre de la Décentralisation ravive de douloureux souvenirs. S’il n’y avait pas eu fuite, l’homme se serait prévalu d’avoir dénoncé des «agissements rétrogrades.» Il se serait gargarisé d’avoir qualifié la tournée d’Alexandre Barro Chambrier d’«acte républicain» n’appelant «aucune effusion de violence.» Hélas, sa pensée profonde est désormais connue de tous. Dans la forme comme dans le fond, son audio va à rebours de sa réaction publique. Dans un tel contexte, le mutisme de sa hiérarchie n’est pas pour apaiser les tensions. Encore moins conjurer les peurs. Bien au contraire. Comme le martèle Marc Ona Essangui, le président de la République «ne peut pas avoir (appelé à l’) unité (…) et laisser les (militants) de son parti agir (de la sorte)» C’est dire si la parole d’Ali Bongo est fortement attendue. C’est aussi dire s’il a, là, l’occasion de préciser sa conception du civisme, défini par lui-même comme une «valeur fondamentale», la «condition du vivre-ensemble» et le «ciment d’un seul et même peuple

Le discours du 16 août dernier deviendra-t-il une péripétie sans lendemain, une incantation sans prise sur le réel ? On veut croire le contraire. Certes, la perspective d’une élection majeure induit toujours le risque de perdre des privilèges. Mais, ni la préférence partisane ni l’ethnisme et le régionalisme, encore moins la violence, ne sauraient y trouver justification. Malgré leurs imperfections, la démocratie et la République demeurent encore la meilleure protection des droits et libertés. En dépit de son appartenance partisane, le président de la République conserve une fonction tribunitienne.

 
GR
 

11 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Les Bongos et les fanatiques altogovéennistes sont prêt à tout ces égoïstes criminels. Si les altogoveens ou les Tékés étaient une majorité ou un groupe de plua grande importances l’avenir de ce pays serait celui de la violence avec le niveau de frustrations, des injustices et inégalités provoqués par l’éternité d’un pouvoir indû, immérité et Illégitime des Bongos.

  2. Serge Makaya dit :

    A qui vraiment la FAUTE PRINCIPALE si ce n’est qu’auç français qui nous ont imposé les Bongo pendant plus de 50 ans ? Pensez-vous que les mêmes habitants du Haut Ogouer auraient été aussi trinaristes si un des leurs nn’aurait jamais été « président » (pantin) ?

    Sachez aussi que nourrir le tribalisme dans nos états d’Afrique est plutôt une aubaine pour les mêmes français qui viendront jouer aux pompiers après ou sauveurs de nos nations. Cela s’appelle (ou se dit): diviser pour mieux régner. Telle est la devise des ces hyper hypocrites de français. Ouvrez bien les yeux.

    Autre chose qui n’a peut être rien à voir avec le sujet (ou juste un peu). Les mêmes français vont encore manipuler notre présidentielle de 2023 pour nous imposer leur candidat qui ne sera plus Ali Bongo (puisque je persiste et signe qu’il est bien MORT depuis octobre 2018 à Riyad,croyez moi même sans preuves svp). Supposons même que Chambrier devienne président du Gabon (supposons…), sachez que ce sera de nouveau un coup de la francafrique et non une quelconque réussite de « notre démocratie ». Les français sont des MANIPULATEURS, croyez moi sincèrement.

    Par contre, essayez de proposer une gouvernance en équipe de notre pays, vous verrez les mêmes français tout faire pour s’y opposer farouchement. Pourquoi ? Parce qu’ils n’auront plus jamais à la tête du pays leur fameuse marionnette ou pantin. Si on arrive à mettre en place une gouvernance en équipe, vous verrzverrez même ces mêmes français TOUT FAIRE pour CASSER cette proposition qui sera pour un plutôt un MAL qu’un bien.

    Je sais ce que j’écris pour avoir côtoyé ces hypocrites pendant longtemps.

    Bonne journée au peuple gabonais.

    • Gabonreviewadmin dit :

      Ça devient lassant et même exaspérant cette rengaine sur la France, Serge Makaya.
      Vous déplacez, à chaque fois, le sujet, biaisant également le débat. AVERTISSEMENT : nous ne validerons plus vos posts allant dans ce sens. Tenez-le pour dit et merci de continuer à nous suivre.

      • SERGE MAKAYA dit :

        A Ntare Nzame ! J’ai compris. Et pourtant, je suis toujours convaincu que la françafrique est notre principal CANCER.

        Je vais faire un effort…

      • Paul Bismuth dit :

        Laissez Makaya Serge accuser la France. Même si ce n’est pas le sujet de l’article, il a raison lorsqu’il dénonce l’ingerence française dans le jeu politique au Gabon.

        Mais si vous tenez tant à exercer vos talents de censeur sur ce monsieur, alors il serait intéressant de le faire aussi contre les nazillons et homophobes des tropiques qui interviennent sur ce forum pour eructer leur haine. Parce que je ne vois vraiment pas en quoi le propos de Makaya est plus choquant que celui de ces énergumènes.

  3. diogene dit :

    Que vient faire le soit disant séparatisme dans cette affaire ? Quel dommage qu’une journaliste de ce niveau s’abaisse à suivre la doxa macronienne !

    Après un demi siècle de crimes, Omar toujours vivace, fait encore et encore tourner le PDG…
    Pourquoi s’étonner ?

    Le haut Oogoué n’est pas une variable d’ajustement suffisante, l’annulation des votes du 2eme arrondissement de LBV fut nécessaire la dernière fois.

    Combien d’arrondissements seront effacés en 2022 ?

    On ne se débarrasse pas de la tyrannie avec des discours…
    Pas plus qu’on ne la maintient avec de la douceur.

    Quant au président, il n’a que faire de tout cela du moment qu’il continue d’usurper la trône, alors pourquoi attendre une réaction quelconque ?

  4. Fiona Fiona dit :

    @Diogene. C’est vous qui suivez Macron. Macron n’a pas inventé ce mot et ce mot désigne l’attitude de gens qui ne veulebt pas appliquer chez eux des règles admises dans un ensemble. Arrêtez de trop suivre la télévision et lisez plus de livres

  5. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Quand vous parcourez le 4eme paragraphe on a comme l’impression qu’on caresse dans le sens du poil. Mais mon Dieu nous savons tous (et le terme est employé le zèle ou pour utiliser un terme à la mesure « le je m’en foutisme des personnes que vous décrivez. Qu’attendre d’elles justement; Vous résumez en plus par vous mêmes l’étendue du désastre qui nécessite une intervention inespérée, jugez en « C’est dire si la parole d’Ali Bongo est fortement attendue. C’est aussi dire s’il a, là, l’occasion de préciser sa conception du civisme, défini par lui-même comme une «valeur fondamentale», la «condition du vivre-ensemble» et le «ciment d’un seul et même peuple.». Amen.

  6. Paul Bismuth dit :

    Le discours de Ali Bongo est le discours que ferait un responsable politique inquiet du sort de ses compatriotes.

    Mais on sait tous que les seules ambitions de Ali Bongo sont de se maintenir au pouvoir et faire en sorte que la présidence n’échappe pas à sa famille. Et il n’hésite pas pour cela à recourir à des méthodes plus que condamnables. Donc il faut s’attendre à un silence prolongé ou à une condamnation dénuée de sincérité.

  7. Steed dit :

    J’observe pour le dénoncer avec La plus grand énergie qu’un membre de notre gouvernement a donné a son groupe des instructions contraires aux lois et règlements en République gabonaise. Pire, l’article 7 de notre constitution y est proprement écaillé.

    Serait ce une réunion en bande organisée pour empêcher un homme politique gabonais reconnu par la loi, de se sentir chez lui à Okondja, en pleine violation des dispositions constitutionnelles et réglementaires? Seul un juge peut apprécier.

    Pire, le discours du Chef de l’Etat sur l’État de droit et l’unité nationale royalement ignoré. Pour un membre de gouvernement, cela est il un modèle d’exemplarité ???

    Et ça prétend être « viscéralement » attaché à la démocratie. Tout comme la nuit est viscéralement attaché au jour, mais sans jamais se rencontrer dans la même maison.

    Tout ceci est nauséabond et mérite la réaffirmation de l’État de droit et du devoir d’exemplarité pour les membres du gouvernements qui sont au service d’une Institution (le Président de la République) qui a juré de défendre notre Constitution.

    Cela fait désordre et en est nauséabond.

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