Éric Joël Békalé claque la porte du PDG et rejoint ‘Ensemble pour le Gabon’ (EPG). Ecrivain prolixe, l’ancien ministre et diplomate a officialisé sa démission à travers un poème cinglant, dénonçant un parti à la dérive. Plus qu’un adieu, son poème-démission est un réquisitoire politique et une affirmation de liberté. Décryptage d’une sortie en vers et contre tous… comme au lycée, commentaire de texte des passages les plus marquants dudit poème.

Éric Joël Békalé (à droite) rejoint Alain-Claude Bilie-By-Nze dans une nouvelle dynamique politique… pour écrire un autre chapitre du Gabon post-Bongo ? © news.alibreville

 

L’ancien ministre délégué aux Transports sous le régime d’Ali Bongo, diplomate chevronné, auteur reconnu et président de l’Union des écrivains du Gabon (Udeg), Éric Joël Békalé, a déposé, le 1er janvier 2025, sa démission du Parti Démocratique Gabonais (PDG) qui en a accusé réception le 6 février. Une décision marquante qui s’accompagne d’un texte au ton lyrique et cinglant, une véritable profession de foi politique habillée de vers incisifs.

Mais au-delà du simple départ, c’est un choix stratégique qu’il opère en rejoignant Ensemble pour le Gabon’ (EPG), la plateforme politique dirigée par Alain-Claude Bilie-By-Nze, lui-même ancien cadre du PDG et figure montante du nouveau paysage politique gabonais post-coup d’Etat du 30 août 2023.

Si l’annonce de sa démission retentit comme un coup de tonnerre, c’est d’abord par sa forme : loin des déclarations convenues, en bon écrivain Békalé a préféré la plume à la prose bureaucratique. Son poème de démission, à la fois puissant et empreint de mélancolie, fait office de réquisitoire contre un parti qu’il considère désormais vidé de sa substance.

Un adieu poétique et implacable

Dès les premières lignes, l’ancien ambassadeur itinérant annonce la couleur : il n’a jamais adhéré au projet politique du PDG. Un aveu surprenant pour un homme qui, pendant des années, a évolué dans l’orbite du régime. Il écrit : «Sur vos colonnes, je ne me suis jamais installé / À vos politiques et à vos projets… Jamais adhéré »

Ce rejet rétrospectif de l’idéologie du PDG est frappant. Il sous-entend que son engagement passé relevait plus d’un contexte professionnel que d’une réelle conviction politique. Le poème se fait ensuite plus dur, plus amer. Il décrit une attente vaine, une fidélité sans retour, une lumière espérée qui ne s’est jamais levée : « Jamais sur l’assemblée, le soleil n’a rayonné ! »

Une manière de dire que le parti n’a jamais été porteur de renouveau, jamais capable d’éclairer les aspirations du peuple et de ses propres cadres. Mais c’est peut-être dans ces vers que son diagnostic est le plus implacable : « Mes rêves perdus, coulés dans du marbre / Au loin, vous avez jeté la rose et ses pétales / À la place, cultivé ronces, orties et crotales » Ici, Békalé dénonce une trahison idéologique. Le parti, qui aurait pu être un espace de construction et d’idéal, s’est transformé en un terrain stérile et hostile.

Une rupture assumée et une nouvelle ambition politique

Ce départ n’est pas qu’un rejet, c’est aussi une réappropriation de soi. Békalé tourne la page avec une fermeté inébranlable : « Je me libère de vos liens et principes insensés / De vos nœuds, sur moi… Jamais attachés / De vos slogans, vos chants… Jamais dansés / De vos mensonges et illusions… À jamais arrachés ! »

Loin d’être une sortie en silence, cette démission est un acte politique à part entière. Il ne s’agit pas simplement de quitter une formation, mais de se libérer d’un carcan, d’un dogme qu’il rejette désormais en bloc. Mais surtout, il ne quitte pas la scène politique. En rejoignant Ensemble pour le Gabon (EPG), il opère un virage significatif et s’aligne sur une nouvelle dynamique politique incarnée par Alain-Claude Bilie-By-Nze. Ce dernier, lui aussi ancien cadre du PDG, ancien Premier ministre, ambitionne de fédérer les déçus du Bongoïsme dans une alternative politique post-putschiste.

La stature d’écrivain, d’intellectuel et de diplomate aguerri d’Éric Joël Békalé lui confère une aura particulière au sein de sa nouvelle formation. Son passage au sein de la Cellule d’Analyse et de Prévision (CAP) sous l’ère Bongo témoigne d’une capacité à penser la politique à long terme. Il pourrait ainsi jouer un rôle clé dans l’élaboration d’une doctrine politique et stratégique au sein d’EPG. En s’associant à Bilie-By-Nze, il ne fait pas qu’abandonner son ancien parti : il prépare l’avenir et inscrit son nom dans la recomposition politique gabonaise.

Une fin ouverte, un défi lancé

Le dernier vers de son poème de démission laisse entrevoir une suite, un rendez-vous futur avec l’histoire : « Nous nous retrouverons à nos rendez-vous !!! »

Ce départ en fanfare n’est pas une retraite. C’est une reconquête sous d’autres couleurs, avec d’autres alliés. Alors que le Gabon se cherche un nouveau cap, Éric Joël Békalé semble avoir trouvé le sien.

Le poème-démission d’Éric Joël Békalé. © D.R.

 

 

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GR
 

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