Alternée par les délestages, l’obscurité enveloppant actuellement Libreville comporte une lueur d’espoir. Elle pointe au large des côtes gabonaises. Une centrale électrique flottante, promise comme remède miracle aux maux énergétiques du pays, soulève autant d’espoirs que de questions. Entre promesses alléchantes et défis colossaux, examen sommaire d’un projet qui pourrait redessiner le paysage énergétique du Gabon, ou s’avérer n’être qu’un coûteux mirage dans le désert électrique de la capitale.

La centrale flottante louée au turc Karpowership par l’Afrique du Sud. © Karpowership

 

Au large des côtes gabonaises, une centrale électrique flottante attend son heure. «Il y a deux bateaux Powership : l’un déjà en attente dans les eaux territoriales gabonaises, l’autre au large de Guinée Equatoriale», soutient un diplomatique Turc ; cette solution ayant été acquise en Turquie. Littéralement promise comme la panacée aux maux énergétiques qui paralysent Libreville, cette solution miracle pourrait bien n’être qu’un mirage dans le désert électrique de la capitale.

Un raccordement complexe : le parcours du combattant technique

Depuis des semaines, les Librevillois vivent au rythme des délestages. La Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG), dépassée, peine à répondre à une demande croissante face à des infrastructures vieillissantes. Dans ce contexte, les promesses d’un retour à la normale «dans les trois prochaines semaines», avancées par Jean Liévin Idoundou Manfoumbi, administrateur provisoire de la SEEG, sonnent comme un vœu pieux.

C’est dans cette atmosphère électrique que le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, en plus d’avoir fait état de l’existence de «10 groupes de 2,5 mégawatts» en attente de branchement, a annoncé l’arrivée imminente d’un ‘’Powership’’, cette centrale flottante censée illuminer l’horizon énergétique gabonais dès novembre ou décembre. Une solution séduisante sur le papier, mais qui pourrait se heurter à la réalité du terrain.

Car si ces unités ont fait leurs preuves ailleurs en Afrique, leur mise en œuvre au Gabon s’annonce complexe. Le raccordement d’un Powership nécessite en effet des infrastructures spécifiques dont le pays ne dispose pas nécessairement : ligne de transmission haute tension, port adapté, installations de stockage de carburant, infrastructure de refroidissement, substation (station électrique pour transmission). Autant de maillons manquants qui pourraient transformer les semaines promises en mois d’attente.

L’expérience d’autres nations africaines est édifiante. Si le Ghana a réussi à connecter son Powership en un temps record de deux mois, la Sierra Leone a dû patienter plus d’un trimestre, le temps de construire les infrastructures portuaires nécessaires. Le Gabon, dont les installations sont loin d’être optimales à ce que l’on sait, pourrait bien connaître un sort similaire.

La facture salée du miracle : quand l’électricité pèse sur les finances

Mais au-delà des défis techniques, c’est l’aspect financier qui soulève le plus d’interrogations. Le montant du contrat avec la société turque Karpowership reste un mystère, alimentant les spéculations les plus folles. Les exemples voisins donnent le vertige : en Afrique du Sud, un projet similaire a été chiffré à 26 milliards de dollars (15 600 milliards de francs CFA) sur 20 ans, soit environ 780 milliards de francs CFA par an. Pour le Gabon, les rumeurs et les révélations du média spécialisé en informations confidentielles – Africa Intelligence – évoquent 46 milliards de francs CFA pour deux ans, une somme pharaonique qui fait grincer bien des dents.

Cette facture salée s’accompagne d’un coût environnemental non négligeable. Les Powerships, gourmands en fioul lourd ou en gaz naturel, sont en contradiction flagrante avec les engagements climatiques du Gabon. Un paradoxe qui pourrait ternir l’image verte du pays sur la scène internationale.

Plus inquiétant encore, cette solution d’urgence risque de détourner l’attention des réformes structurelles dont le secteur électrique gabonais a cruellement besoin. En concentrant ses efforts sur ce pansement flottant, le gouvernement pourrait négliger le traitement de fond nécessaire pour assurer un approvisionnement électrique stable à long terme.

Au-delà du court-terme : repenser l’avenir énergétique du Gabon

Dans ce tableau peu reluisant, que peuvent espérer les Librevillois ? Certainement pas un retour à la normale dans les prochaines semaines, comme promis par l’administrateur provisoire de la SEEG. Même une fois opérationnel, le Powership ne sera pas la baguette magique qui dissipera définitivement les ténèbres de la capitale.

Jean Liévin Idoundou Manfoumbi, l’administrateur provisoire de la SEEG, se retrouve ainsi face à une équation complexe. Avec seulement six mois pour faire ses preuves, il devra jongler entre les attentes d’une population exaspérée, la pression du CTRI et la nécessité de mettre en place des solutions pérennes.

Car c’est bien là que réside le nœud du problème. Au-delà des solutions d’urgence, c’est une refonte complète du secteur électrique gabonais qui s’impose. Modernisation des infrastructures, développement des énergies renouvelables, meilleure gestion de la SEEG : autant de chantiers titanesques qui attendent le gouvernement de transition.

L’heure est venue pour le Gabon de repenser sa stratégie énergétique à long terme. L’hydroélectricité, l’énergie solaire et la biomasse sont autant de pistes à explorer pour diversifier un mix énergétique trop dépendant des combustibles fossiles.

En attendant, les Librevillois, las des promesses non tenues, attendent des actes concrets et des résultats tangibles. La route vers un approvisionnement électrique stable et durable s’annonce longue et semée d’embûches. S’il peut apporter un soulagement temporaire, le Powership ne doit pas occulter l’ampleur du défi qui attend le Gabon.

Dans les rues de Libreville, où l’obscurité le dispute à la lumière, une question demeure : la centrale flottante sera-t-elle le phare qui guidera le pays vers un avenir énergétique plus radieux, ou simplement un feu follet dans la nuit gabonaise ? Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : la lumière au bout du tunnel n’est pas pour dans trois semaines.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Serge nm dit :

    Texte très plaisant à lire, avec des rimes et des analogies pertinentes 😀👍

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