Élection présidentielle : Glissement plébiscitaire

Contrairement à une idée reçue, Alain-Claude Billie-By-Nze n’est ni le principal ni le seul vaincu de ce scrutin.

Billie-By-Nze n’est ni le principal ni le seul vaincu de ce scrutin. Outre les six autres candidats, les partis politiques, les mouvements associatifs politiquement engagés et les institutions ont intérêt à engager une réflexion de fond sur le sens et la portée de ce scrutin. © GabonReview
Le plébiscite a eu lieu. Les Gabonais y ont massivement pris part. Sans s’en rendre compte, ils ont solennellement répondu par l’affirmative à une question posée de manière tacite. Selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur, le candidat-président, par ailleurs président du Comité pour la Transition et la restauration des institutions (CTRI) a remporté la présidentielle du 12 avril dernier avec un «score soviétique» de 90,35%, le taux de participation s’établissant à 70,4%. Implicitement, le coup de force du 30 août 2023 a, de ce fait, été validé dans les urnes. Dans les tout prochains jours ou semaines, Brice Clotaire Oligui Nguema deviendra officiellement le quatrième président de la République gabonaise. Il succédera ainsi à Ali Bongo, chassé du pouvoir par ses soins, après 14 ans d’un règne chaotique, marqué notamment par «cinq années d’absence» consécutifs à un accident vasculaire-cérébral survenu en octobre 2018 à Riyad en Arabie saoudite.
Remercié pour avoir conduit «le coup de libération»
Contrairement à une idée reçue, Alain-Claude Billie-By-Nze n’est ni le principal ni le seul vaincu de ce scrutin. Outre les six autres candidats, les partis politiques, les mouvements associatifs politiquement engagés et les institutions ont intérêt à engager une réflexion de fond sur le sens et la portée de ce scrutin. Pourquoi en est-on arrivé là ? Que dit ce vote de leur action depuis le décès d’Omar Bongo Ondimba et, peut-être même, depuis la fin de la Conférence nationale ? Comment doivent-ils se repositionner ? Même si cela parait peu évident, l’élection de Brice Clotaire Oligui est un séisme, une interpellation sur notre jeu démocratique, une invitation à interroger le fonctionnement de notre Etat. Comme la date fatidique du 30 août, comme le surgissement du CTRI, cet événement ouvre sur l’inconnu. Si on n’en cerne encore ni les contours ni les implications, une chose est déjà sûre : sous certaines conditions, ce Gabon en construction facilitera de curieuses porosités entre vie politique et vie sous les drapeaux, monde politique et monde judiciaire.
Certes, Brice-Clotaire Oligui Nguéma peut se targuer d’un bilan honnête. Héritier d’une situation difficile, il peut affirmer avoir «mis le pays en chantier». Il peut, tout autant, se prévaloir de s’être attaqué au fardeau de la dette, d’avoir racheté des actifs dans le secteur pétrolier, d’avoir repris la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) ou relancé une compagnie aérienne nationale. Mais, loin de toute mauvaise foi, il est resté au milieu du gué s’agissant de son engagement principal : la restauration des institutions. Pis, à entendre ses laudateurs, tout s’est passé comme s’il devait être remercié pour avoir conduit «le coup de libération». Conscient de cela, il en a d’ailleurs joué, transformant la rhétorique du CTRI en discours de campagne. En reprenant à son compte «l’essor vers la félicité», en parsemant son propos de références tirées de l’hymne national – «Edifice nouveau» -, il ne s’est pas posé en candidat à la présidentielle. Il a plutôt cherché à établir un lien avec le 30 août, facilitant un glissement plébiscitaire.
Une alerte de plus pour les démocrates
Jusque-là, les événements du 30 août 2023 pouvaient être considérés comme une initiative isolée, menée par le CTRI. Même s’ils ont été insérés dans la Constitution du 19 décembre 2024 et quand bien même ils furent accueillis par une liesse populaire, ils pouvaient toujours être tenus pour un «acte de trahison», selon la formule de Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, député de la Transition. Désormais, ils bénéficieront de l’onction du peuple souverain. Dorénavant, plus personne ne pourra remettre en cause leur bien-fondé ou leur caractère «salutaire». Était-ce l’enjeu caché de ce scrutin ? Sans être définitif, on peut le penser. De ce point de vue, on appellera à un examen de conscience.
Pour bâtir «l’édifice nouveau» dans les règles l’art, on invitera les élites traditionnelles à une réflexion approfondie sur le devenir de notre démocratie. On leur demandera de se poser les bonnes questions, sans tabou. Aux candidats défaits, on conseillera de chercher les raisons de l’extrême faiblesse de leurs scores respectifs. Aux partis politiques et mouvements associatifs, on recommandera une analyse froide et rigoureuse de notre corpus législatif, notamment la Loi fondamentale et le Code électoral. Aux institutions, on demandera de plancher sur les conséquences à long terme d’une application différenciée de la loi ou d’une interprétation à la tête du client. Même si elle peut être qualifiée de nette et incontestable, la victoire de Brice Clotaire Oligui Nguema est une alerte de plus pour les démocrates : d’une manière ou d’une autre, elle légitime un coup de force. Or, il faut nécessairement écarter et conjurer tout risque de récidive.

3 Commentaires
Ce qui est important est que le Nouveau Président ne se croie pas tout permis avec son langage dictatorial dont il a parfois fait usage.
Lu quelque part :
OBO (père 41 ans)
ABBO (fils 14 ans)
Aujourd’hui BCON (neveu/cousin) combien d’années ?
On ne sait pas.
Même système, mais gestion différente ?
Je reste septique en espérant fortement avoir tort.
D’où viennent tous les nouveaux inscrits ?
Au Gabon, 43 % de plus en moyenne par rapport à 2016 (892 057 / 620 167)
Jusqu’à 60 % dans le Woleu Ntem (87 293 / 54 662)
A l’étranger : 268 % de plus (28 143 / 7 638)