Élaboration du Code électoral : Pour une CNEAPCE proactive
La Commission nationale pour l’élaboration de l’avant-projet de Code électoral (CNEAPCE) doit faire écho à «l’engagement du président de la Transition (…) à soutenir la consolidation démocratique.» Elle ne doit surtout pas faire le lit au soupçon, avec toutes ses conséquences.
Depuis un peu plus trois décennies, la fraude électorale pollue le débat politique. A l’origine de récurrentes tensions politico-sociales, elle a entraîné une dégradation du vivre-ensemble. Source de défiance populaire vis-à-vis des institutions, elle a conduit aux événements du 30 août 2023 : ce jour-là, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) affirma être intervenu pour mettre un terme à une «gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se (traduisait) par une dégradation continue de la cohésion sociale (…)». Pointant les irrégularités constatées durant les élections générales tenues quelques jours plus tôt, il dénonça des «résultats tronqués», prononçant leur annulation. En toute logique et dans la foulée de cette déclaration, le CTRI s’engagea à conduire des «réformes majeures sur les plans politique (…) et électoral», proclamant sa détermination à parvenir à des «élections locales et nationales libres, démocratiques et transparentes».
L’épreuve du feu
Si l’on s’en tient à ses engagements de départ, le CTRI doit œuvrer à l’établissement d’un environnement juridique et institutionnel propice à des élections sincères et crédibles. En annonçant la mise en place d’une Commission nationale pour l’élaboration de l’avant-projet de Code électoral (CNEAPCE), il n’a pas seulement ouvert un chantier juridique d’importance. Il s’est également attaqué à une question politique majeure. Pour lui, comme pour les autres organes de la Transition voire le reste de la société, il s’agit là de l’épreuve du feu, c’est-à-dire d’une entreprise délicate permettant de tester la solidité des convictions, de se faire une meilleure idée des intentions et d’anticiper la suite. Comme le dit l’ancien ministre Ali Akbar Onanga Y’Obégué, «une démarche précipitée, opaque ou excluant une partie des acteurs politiques ou de la société civile serait perçue comme une trahison des attentes légitimes de transparence et d’inclusivité. Elle compromettrait la Transition en cours et ferait peser de lourdes menaces sur l’avenir démocratique du pays».
Parvenir à un cadre électoral consensuel, en cohérence avec le reste de la législation et adapté au contexte, est une vieille exigence de notre société. A la veille de chaque consultation électorale, de nombreuses forces sociales ont essayé d’influencer la réflexion y relative. Acteurs politiques ou institutionnels, organisations de la société civile ou citoyens lambda, ils ont régulièrement formulé des propositions concrètes. En pure perte. Dans certains cas, ils ont pris part des concertations, intégré des groupes de travail, sans parvenir à faire bouger les lignes, le pouvoir déchu ayant systématiquement refusé de se plier aux recommandations du plus grand nombre. Eu égard à ces précédents, la mise en place de la CNEAPCE n’a rien de bien original. Elle n’est pas non plus de nature à susciter un optimisme débridé. N’empêche, au regard de la spécificité de la période et des missions assignés au CTRI, cet organe doit jouir du bénéfice du doute.
Sortir de l’auberge
La CNEAPCE dispose désormais de moins de deux semaines pour jeter les base d’une réforme du «système électoral». Elle doit tout autant faire écho à «l’engagement du président de la Transition (…) à soutenir la consolidation démocratique de la République gabonaise». Or, la consolidation démocratique ne dépend pas seulement des règles électorales. Elle découle aussi de l’ouverture de l’espace civique et des interactions entre forces sociales. Autrement dit, pour ouvrir la voie à un enracinement de la démocratie, il faut établir le lien entre loi électorale et droits civils et politiques, notamment le droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’association. Il faut aussi songer à donner aux partis politiques des raisons de croire en la transparence du processus. Comment y parvenir ? Certainement en s’ouvrant et en se montrant attentif aux contributions et avis extérieurs, peu importe leurs auteurs.
Pour construire «un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable», il faut accepter le principe d’alternance. Mieux, il faut créer les conditions de sa survenue. Sur la transparence des actes du ministère de l’Intérieur comme sur l’identification des organes impliqués dans le processus, leurs interactions, la gestion du fichier électoral, l’organisation des bureaux de vote, la publication des résultats, l’observation indépendante ou le contentieux, il faut impérativement parvenir à des positions compréhensibles et acceptables par tous. De ce point de vue, la CNEAPCE doit se montrer proactive. Autrement, elle pourrait faire le lit au soupçon, avec toutes ses conséquences. Le Gabon va-t-il sortir de l’auberge ? L’Histoire le dira…
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