À première vue, la Commission nationale d’élaboration de l’avant-projet de Code électoral (CNEAPCE) ressemble au Comité constitutionnel national (CCN). Disposera-t-elle du temps nécessaire pour aller au fond des débats ? S’ouvrira-telle au reste de la société ? Ou préfèrera-t-elle le travail en vase clos ? 

De par sa composition, la CNEAPCE ravive le souvenir CCN. Sans remettre en cause le pouvoir de nomination du CTRI, il aurait fallu s’ouvrir davantage aux praticiens des élections et aux militants de l’intégrité électorale. © L’Union

 

Comme un avatar du Comité constitutionnel national (CCN)… En tout cas, il lui ressemble à première vue. Censée procéder à la «révision des textes régissant les élections», la Commission nationale d’élaboration de l’avant-projet de Code électoral (CNEAPCE) a été mise en place il y a quelques jours, à l’initiative du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Disposant de 15 jours pour rendre sa copie, elle devra s’inspirer des conclusions du Dialogue national inclusif (DNI). Si sa composition a suscité peu d’enthousiasme, on jugera sur pièces. Au-delà des identités de ses membres, de leurs états de service ou de la réputation de certains d’entre eux, les délais paraissent courts. Quant au timing, il semble avoir été accéléré. N’empêche, le chronogramme de la Transition est toujours respecté. Mieux, cette réforme s’inscrit dans le plan de travail annoncé en novembre 2023.

S’ouvrir davantage

Mais, qu’est-ce qu’un Code électoral ? Quel est son objectif ? Que doit-il contenir ? Selon une définition classique, il s’agit de la compilation des lois et règlements relatifs aux élections. Pour chaque type, il fixe les étapes du processus. Pêle-mêle, il précise le mode de scrutin, les modalités d’établissement et de révision des listes électorales, les conditions d’éligibilité et d’inéligibilité, les incompatibilités, la gestion de la propagande, le financement de la campagne, le déroulement des opérations de vote, la gestion du contentieux, les dispositions répressives en cas d’infraction…  La CNEAPCE disposera-t-elle du temps nécessaire pour aller au fond des débats ? Fera-t-elle appel à d’autres intelligences, à des personnalités extérieures connues pour leur expertise ? Ou préférera-t-elle le travail en vase clos ?  Si on ne saurait être définitif, la probabilité de la voir tomber dans l’enfermement n’est pas à écarter.

De par sa composition, comme de par les modalités de désignation de ses membres, la CNEAPCE ravive le souvenir CCN. D’où les doutes et réserves entendus çà et là. Sans dénier au CTRI le droit de procéder à la sélection et sans remettre en cause le pouvoir de nomination, il aurait fallu s’ouvrir davantage aux praticiens des élections et aux militants de l’intégrité électorale. Les partis politiques signataires du Mémorandum pour une réforme du système électoral national, les organisations membres du Consortium de la société civile pour la transparence électorale et la démocratie au Gabon (Coted-Gabon) ou la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) auraient certainement apporté beaucoup de la profondeur aux échanges. Ayant déjà eu à confronter la théorie à la réalité, ils auraient permis de gagner en pertinence et en temps. Surtout au regard des délais impartis, unanimement jugés courts.

Agir loin de tout bonapartisme

Certes des études et travaux sur la question existent, nombreux. Certes, la CNEAPCE dispose de la liberté de les consulter, de s’en inspirer voire d’en user. Mais elle doit préalablement nouer un lien de confiance avec la société.  Autrement, son rapport pourrait être accueilli avec des arrière-pensées. Pour conjurer ce risque, il lui faudra élargir la consultation et le faire savoir. Sans se livrer à des indiscrétions à tout-va, elle devra se montrer plus transparente sur son fonctionnement. Sans violer le secret de ses délibérations, elle devra faire un point à mi-parcours. Même si la communication n’a pas vocation à tout régler, il faut concevoir une stratégie adaptée au contexte et à l’enjeu. «La méthodologie d’élaboration et d’adoption du Code électoral revêt une importance capitale pour la réussite de la Transition et l’établissement d’une démocratie véritable», a, d’ores et déjà, lancé Ali Akbar Onanga Y’Obégué, ancien ministre. Dans une telle ambiance, il faut faire montre de méthode.

Convaincu d’avoir trouvé la martingale gagnante, le CTRI entend reproduire la formule utilisée pour l’élaboration de la Constitution. De toute évidence, il veut rester droit dans ses bottes, fidèle à sa méthode. Mais, cette option tend à minimiser le sens et la portée des 801 propositions d’amendement formulées par les parlementaires. Tout comme elle résonne comme un refus d’analyser les causes profondes de la forte abstention constatée lors du référendum. Or, si l’on veut d’un Code électoral compris et accepté par les forces sociales, on ne peut banaliser ces deux éléments. Pour organiser des élections «libres, démocratiques et transparentes», il faut agir dans «la neutralité, la transparence», loin de tout bonapartisme.

 
GR
 

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