École supérieure de commerce de Port-Gentil : pour rats et reptiles ou pour étudiants ?
Neuf ans bientôt que l’idée de construction d’une école supérieure de commerce à Port-Gentil est sortie d’un Conseil des ministres. Huit ans bientôt que le chantier, après avoir pataugé un bon moment et même provoqué la fermeture momentanée d’une banque, n’est toujours pas achevé. Le gouvernement clame pourtant l’excellence dans des secteurs où il échoue.
Vue actuelle du chantier de l’École supérieure de commerce de Port-Gentil. © Gabonreview
C’est une ritournelle, un lieu commun : le Gabon a grandement besoin d’investir dans le capital humain. Vœu pieu allant dans ce sens, Ali Bongo prônait ou clamait, durant ses premières années au pouvoir, qu’il voulait un système éducatif tourné vers l’excellence. C’est à cet effet, que la décision de construire un complexe universitaire, plus exactement l’École supérieure de commerce de Port-Gentil, fut prise et entérinée lors du Conseil des ministres délocalisé à Port-Gentil, en mars 2010.
Ali Bongo, sur le chantier, en août 2013 [© D.R] et quelques vues du projet aujourd’hui. © GabonreviewPassée la cérémonie de pose de la première pierre, on devrait se rendre à l’évidence neuf (9) ans plus tard : ces déclarations ne reposaient sur aucune réelle volonté politique. Le projet d’une école supérieur de commerce dans le chef-lieu de l’Ogooué-maritime s’est retrouvé coincé dans un cycle infernal : les travaux sont lancés, ils s’arrêtent, reprennent et s’arrêtent toujours quelques jours après ; le matériel de construction est abandonné sur le chantier, au grand bonheur des populations sans civisme ni morale qui le chapardent à la nuit tombée pour bâtir leurs habitations. Les bâtiments sortis de terre, «à 60% des travaux d’exécution» selon une déclaration, en juillet 2016, du chef de projet Ulrich Monteiro, sont envahis par la haute herbe.
Micmac financier : l’argent ne provenait même pas de Chine
Tel le monstre du Loch Ness, le projet réapparait et disparait depuis… 2011, lorsqu’il a été confié à l’entreprise chinoise Sogad BTP, que l’on disait alors basée à Guangzhou (Chine) et spécialisée dans l’architecture et la gestion des grands projets. Une délégation venue de l’Empire du Milieu avait, à cet effet, effectué le voyage de la capitale économique gabonaise, se faisant recevoir par Bernard Apérano alors maire de Port-Gentil.
L’entreprise prétendument chinoise se fera remarquer, en mars 2017, à travers un micmac financier avec Orabank qu’elle fera fermer un tout petit moment. On découvrait alors qu’elle avait emprunté une cinquantaine de milliards de francs CFA à cette banque, intégrant également la construction d’un centre de formation professionnel au Cap Estérias. On apprenait alors qu’à court de moyens pour financer les projets, l’Etat gabonais avait demandé à l’entreprise adjudicataire de préfinancer les deux chantiers. Si l’argent ne provenait même pas de Chine, pourquoi donc avoir choisi une entrepris de ce pays ?
Pas vraiment un éléphant blanc
Au-delà de cet imbroglio et de ce que les Gabonais nomment maintenant «sorcellerie financière», le chantier de l’École supérieure de commerce de Port-Gentil a largement dépassé les délais de livraison annoncés. Sur le terrain, la réalité laisse penser à un projet qui ne sera plus jamais achevé. Le chantier de ce qu’on appelait déjà l’université de Port-Gentil (Ntchengue, 20 hectares, en images) intrigue et alimente les commentaires des apprenants des différents lycées et des populations de la capitale économique qui espéraient la mise à terme de l’obligation d’envoyer les jeunes étudier à Libreville ou ailleurs.
«L’herbe envahit le chantier, les plantes rampantes prennent d’assaut les murs, les rats et les serpents y ont élu domicile. Sans doute c’est pour eux qu’on a amassé toutes ces briques ; en tout cas l’état se fiche de former sa jeunesse. Un vivarium pour rats, serpents et araignées, voilà l’école supérieure de commerce à Port-Gentil», ronchonne un petit vieux ronchon rencontré non loin du chantier abandonné.
Le projet consistait en la construction de près de trente (30) bâtiments devant abriter des salles de classe et amphithéâtres, laboratoires, bureaux administratifs, réfectoire, dortoirs et logements du personnel d’encadrement mais aussi des aires de sports. S’il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un éléphant blanc comme les populations commencent à le qualifier, le chantier ressemble en tout cas à un mort-né d’un gris triste.
2 Commentaires
C’est plutôt le problème du complexe qui a toujours fait du tord à notre cher pays le Gabon. A t-on besoin de 50 milliards pour construire une institution universitaire ? Qui a préparé la faisabilité d’investissement, elle a été homologuée par qui avant de l’adjoindre à une faisabilité financière aussi énorme pour rien? L’efficacité de la formation, éducation et santé, ce n’est pas tant les structures d’accueils surévalués, mais la capacité à emmener l’homme à extérioriser ses capacités intrinsèques pour une mise en valeur en faveur d’un bien-être social ; nous devrons en prendre conscience et être décomplexé. Nous sommes tous humains et dotés des mêmes intelligences que les autres plus, ce n’est pas par autrui qu’on se développera mais plutôt par soi-même
Bonsoir,
Au Gabon il faut être footballeur et non étudiant