Depuis la mi-janvier 2025, le système judiciaire gabonais est fortement perturbé par une double grève initiée par le Syndicat national des greffiers (Synagref) et le Syndicat national des magistrats (Synamag). Si leurs revendications méritent une attention particulière, la mise en place de services minimums drastiques soulève de vives préoccupations et entraîne de lourdes conséquences pour les justiciables et le barreau national du Gabon qui conteste leur légalité et réclame une indemnisation au gouvernement.

Me Raymond Obame Sima lisant la déclaration du barreau. © GabonReview

 

Au Gabon, le barreau national conteste les services minimums imposés par Syndicat national des greffiers (Synagref) et le Syndicat national des magistrats (Synamag) en grève depuis la mi-janvier. Le Synagref a pour ainsi dire, établi un service minimum qui réduit drastiquement l’accès à la justice : les dépôts de requêtes sont limités au lundi, les retraits de décisions au vendredi, et les audiences pénales se comptent sur les doigts d’une main. Plus grave encore, les greffiers prolongent arbitrairement les détentions préventives, bloquant ainsi des dossiers sans considération des droits des prévenus. Le barreau dénonce une prise en otage des justiciables bafouant les principes fondamentaux du droit et aggrave la surpopulation carcérale.

Le Synamag, de son côté, a adopté un service minimum encore plus drastique, suspendant toutes les audiences publiques, y compris celles en chambre de conseil et en référé. Les justiciables se retrouvent dans l’impossibilité de déposer des requêtes gracieuses, la délivrance des casiers judiciaires est interdite, et les dossiers en instruction sont laissés en suspens. De plus, il a été décidé qu’un seul déferrement aurait lieu par semaine, sans fixer de dates d’audience pour juger les prévenus, les maintenant ainsi en détention sans aucun contrôle judiciaire effectif. Une telle dérive constitue pour le barreau, une violation flagrante des droits humains et démontre un mépris total pour les principes de justice.

Accès à la justice drastiquement réduit

Le bâtonnier, Raymond Obame Sima, dénonce une atteinte grave aux droits fondamentaux et des mesures, jugées excessives, qui ont des répercussions directes sur les droits des justiciables tant la prolongation automatique des détentions préventives sans examen des dossiers constitue une atteinte grave aux libertés individuelles. De plus, l’engorgement carcéral s’accentue, exacerbant les conditions de détention et compliquant le travail des agents pénitentiaires. Une situation exposant par ailleurs, le Gabon à des critiques sur le respect des droits humains. Face à ce blocage, le barreau national du Gabon, composé de 170 avocats répartis dans 117 structures, alerte sur l’impact économique et judiciaire de la grève.

Plus de 2 500 personnes affiliées aux cabinets d’avocats se retrouvent sans revenus, tout en devant faire face à leurs charges professionnelles. Une situation consécutive à la mise en œuvre des services minimums actuels, taxés d’illégaux et contraires aux principes du service public. Raymond Obame Sima appelle les instances judiciaires et gouvernementales à prendre des mesures pour débloquer la situation. Il sollicite dans sa démarche, la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, la Cour des comptes et le Conseil d’État pour engager un dialogue avec le Synamag afin qu’il propose dans l’immédiat, un service minimum plus conforme à la loi.

Une crise aux lourdes répercussions

Le barreau national du Gabon a décidé de saisir le Conseil d’État afin de statuer sur la légalité des services minimums en vigueur et demande au gouvernement une indemnisation pour compenser les préjudices subis par ses membres. L’arrêt quasi total des activités judiciaires prive les avocats de revenus essentiels et le barreau estime que le gouvernement a le devoir d’apporter une réponse rapide à cette crise afin d’atténuer les conséquences dramatiques pour l’ensemble des acteurs du secteur judiciaire. Dans un appel au sens des responsabilités, le barreau exhorte les syndicats grévistes et les autorités à reprendre le dialogue pour trouver une solution républicaine.

«Le péril est là et il y a urgence à le neutraliser», a déclaré la bâtonnier estimant que si les revendications des magistrats et des greffiers méritent d’être entendues, elles ne doivent pas se faire au détriment des droits fondamentaux des justiciables. «Les juristes le savent tous, on ne peut dissocier le fond de la forme», a-t-il soutenu insistant sur le fait que la situation actuelle met en péril l’ensemble du système judiciaire gabonais, et des mesures urgentes doivent être prises pour éviter un enlisement aux conséquences irréversibles. «Le Gabon ne peut plus se permettre une nouvelle année judicaire blanche comme celle vécue en 2023», a-t-il conclu.

 
GR
 

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