Plaidoyer rigoureux que celui livré par le Gabon à La Haye, le 2 octobre. Devant la Cour internationale de Justice, le professeur Guy Rossatanga-Rignault, l’un des représentants du Gabon, a exposé les fondements historiques et juridiques de la position de son pays dans le différend l’opposant à la Guinée équatoriale. Au cœur de son argumentation : un traité de 1974 que Libreville considère comme décisif, mais dont Malabo conteste l’existence même. L’essentiel de la présentation orale de la République gabonaise.

Guy Rossatanga-Rignault, le 2 octobre 2024, à la Cour internationale de Justice. © GabonReview (capture d’écran)

 

Ce 2 octobre 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) a été le théâtre d’une sorte de joute oratoire, alors que le Gabon présentait ses arguments dans le différend l’opposant à la Guinée équatoriale. Au cœur du litige : la délimitation terrestre et maritime ainsi que la souveraineté sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga. Le professeur Guy Rossatanga-Rignault, Secrétaire général de la présidence de la République gabonaise, a déroulé une plaidoirie minutieuse, décortiquant la genèse du conflit et réaffirmant avec vigueur la position gabonaise fondée sur un accord bilatéral de 1974.

La convention de Bata : clé de voûte de l’argumentaire gabonais

D’entrée de jeu, Rossatanga-Rignault a ancré le différend dans la profondeur historique : «Le différend territorial opposant le Gabon à la Guinée Équatoriale ne naît pas en 1972, comme on a tenté de le faire croire lundi. Bien au contraire, il n’est que la suite des divergences ayant prévalu entre la France et l’Espagne dans le golfe de Guinée lors de l’expansion coloniale des puissances européennes en Afrique.» La mise en perspective historique du professeur de droit public et spécialiste de sociologie politique gabonais souligne ainsi la complexité d’un conflit aux racines profondes, transcendant les indépendances pour ressurgir dans le contexte des ambitions maritimes et pétrolières des jeunes États.

L’argumentation gabonaise pivote autour d’un élément central : la Convention de Bata, paraphée le 12 septembre 1974. Rossatanga-Rignault a en effet mis en exergue la portée de cet accord, qui «reconnait la souveraineté gabonaise sur Mbanié, Cocotiers et Conga et […] trace la frontière maritime dans la baie de Corisco.» Pour Libreville, ce traité aurait dû clore définitivement le chapitre du contentieux territorial.

Citant les propos du président Albert Bernard Bongo, rapportés par le quotidien L’Union du 20 septembre 1974, le diplomate circonstanciel gabonais n’a pas manqué de rappeler l’optimisme qui prévalait alors : « »Tout (était) réglé ! avec la Guinée équatoriale »», selon une déclaration officielle du président gabonais d’alors, relayée par le journal. Une déclaration, empreinte d’un certain triomphalisme rétrospectif, soulignant le contraste saisissant avec la situation actuelle.

La résurgence du différend : un défi à la stabilité régionale

Malgré cet accord apparemment définitif, la fin des années 1980 a vu resurgir les revendications équato-guinéennes sur les îles disputées. Guy Rossatanga-Rignault a, de ce fait, minutieusement détaillé la succession de tentatives de médiation qui s’en est suivie, culminant avec la signature du Compromis de novembre 2016 à Marrakech. Le récit chronologique du membre de la délégation gabonaise à la CIJ indexe donc la persistance d’un conflit que d’aucuns croyaient résolu, soulignant les défis inhérents à la stabilité régionale dans le golfe de Guinée.

L’universitaire gabonais a également mis en exergue une divergence conceptuelle majeure entre les parties quant à l’essence même du différend soumis à la CIJ : «Il est apparu, tout au long de ces médiations, que la conception équato-guinéenne du différend était celle d’un différend territorial, insulaire et frontalier classique. […] Le Gabon a toujours estimé que la matière en cause ici était celle du droit des traités et non celle du droit des espaces

Subtile mais cruciale, cette distinction révèle les enjeux juridiques sous-jacents. Pour Libreville, l’unique question à trancher par la Cour est celle de la validité juridique de la Convention de Bata. Rossatanga-Rignault a été, à ce sujet, catégorique : «En réalité, il n’y a différend que du fait de la négation par la Guinée Équatoriale de l’existence de la Convention de Bata.»

Un plaidoyer pour le respect du droit international

En guise de péroraison, le représentant gabonais a réaffirmé l’attachement de son pays au principe Pacta sunt servanda (concept affirmant que les traités et les contrats conclus entre les parties doivent être honorés et exécutés de manière fidèle) et à la sécurité juridique, fustigeant au passage le «comportement récurrent de la Guinée Équatoriale consistant à revenir en permanence sur ses engagements »

Teintée d’une gravité mêlée d’ironie, sa conclusion a bien résonné dans l’enceinte de la Cour : «Nos frères de Guinée Équatoriale savent que nous savons qu’ils savent qu’un jour de septembre 1974 une Convention a bel et bien été signée dans leur bonne ville de Bata

En tout cas, la plaidoirie gabonaise devant la CIJ met en relief la complexité d’un différend aux multiples facettes, où s’entremêlent héritage colonial, enjeux économiques et interprétations juridiques antagonistes. La Cour se trouve désormais face à la délicate tâche de trancher entre la position gabonaise, arc-boutée sur l’existence d’un traité bilatéral, et celle de la Guinée équatoriale, qui en conteste la validité. L’arrêt à venir de la CIJ promet d’avoir des répercussions significatives, non seulement sur la souveraineté des îles contestées, mais également sur l’équilibre géopolitique dans la région stratégique du golfe de Guinée.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Shaq Hilaire dit :

    Attendons voir la decision de la CIJ, tout en esperant qu elle nous sera favorable.

  2. ACTU dit :

    Wait and see!!!

    Et ns reviendrons pour commenter !

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