Au Port d’Owendo où il a supervisé le débarquement sur le territoire gabonais de 1000 bœufs pour la relance du ranch de Ndendé et le développement de l’élevage bovin au Gabon, le Premier ministre s’est prêté, le 17 janvier, s’est ouvert à la presse. Le financement de ce projet, le choix des bovins brésiliens, la diversification de la base de production, la lutte contre le chômage et la vie chère ont été les sujets abordés. GabonReview livre ci-dessous l’échange avec Raymond Ndong Sima qui parle de «projet majeur» avec «de très grandes opportunités de travail».

Le premier ministre, Raymond Ndong Sima, au port d’Owendo, le 17 janvier 2025. © GabonReview

 

Monsieur le Premier Ministre, le projet d’élevage bovin de Ndendé prend forme avec l’arrivée des 1000 bœufs en provenance du Brésil. Quelle réaction alors que débarquent les premières bêtes ? 

Raymond Ndong Sima : Je suis très content parce que, comme je l’ai dit, ça fait quelques mois que je travaille d’arrache-pied sur ce projet, en liaison directe avec le président de la République. On a pensé à faire quelque chose qui a vocation à résoudre un problème majeur dans notre pays, celui de l’élevage. La quasi-totalité de ce que nous avons comme viande est importée. Il s’agit donc dans cette opération de relancer les élevages dans le pays et d’avoir à terme, dans quelques années, une production suffisante.

Quelques bovins devant fournir le ranch de Ndendé. © GabonReview

Quelqu’un me demandait à partir de quand va-t-on pouvoir manger ? Je réponds, on va pouvoir manger quelques-uns d’entre eux dans 6 à 8 mois. Mais pour l’instant, on cherche à augmenter le volume. Et toutes les bêtes que vous voyez-là sont des vaches. Elles ont vocation à se reproduire. On va continuer à les inséminer pour être sûr d’avoir le maximum d’animaux.

On parle d’un projet majeur pour la relance de la filière élevage. C’est en même temps un moyen de lutter contre la vie chère et de faire barrage au chômage des jeunes… 

Oui! c’est un projet majeur dans la mesure où nous avons dans ce secteur de très grandes opportunités de travail ; et à tous les niveaux de qualification. Il y a les ingénieurs, les vétérinaires, mais également les techniciens intermédiaires, les agents de maîtrise et les gens de la base. Tout le monde peut trouver du travail là-dedans. Par exemple, ces animaux qui sont là sont des vaches. Elles vont toutes produire du lait. Si on se met à récupérer ce lait, cela veut dire qu’il y a des gens qui vont être capables de faire autre chose que simplement la production de viande. Il y a des gens qui, dans quelques semaines à quelques mois, vont récupérer ce lait et peut-être se mettre à fabriquer un peu de beurre, peut-être fabriquer du lait caillé etc. Ce sont des dérivés de cet élevage qui vont permettre d’accroître les opportunités d’emploi.

Mais il y aura d’autres choses derrière. Si l’élevage augmente significativement, ça veut dire qu’au moment où on va commencer les abattages, on va récupérer les peaux. Qui dit peau, dit tannerie, dit capacités, possibilités de fabriquer des objets en cuir, des sacs, etc. Par conséquent, il y a, oui, beaucoup d’opportunités, même dans la restauration. Oui, c’est une opportunité majeure. Je pense que cela va donner un sens concret à ce dont on parle depuis tant de temps : essayer de diversifier la base de production.

Avant ce projet, il y a eu bien d’autres, de grande ampleur, mais qui ne sont pas arrivés à leur terme. Aujourd’hui, la question qu’on pourrait vous poser est celle de savoir comment faire pour le pérenniser. Et surtout, quel suivi derrière sa mise en oeuvre ?

Vous savez, c’est le propre de l’homme de commencer, d’échouer et de repartir en se disant que j’ai loupé, je vais tirer la leçon de l’expérience. Oui, il y a eu des projets, il y a eu des projets qui ont échoué, etc. Ce que je crois, c’est qu’on va tirer la leçon. Par exemple, je voudrais promouvoir dans ce projet des éleveurs individuels qui vont s’installer en privé, qui vont recevoir, en crédit, les animaux pour pouvoir se trouver à la tête d’un cheptel et d’être capables de rembourser ce cheptel, non pas en argent, mais en bêtes qui naissent. Si vous donnez 20 bêtes à quelqu’un, l’année d’après, il va commencer à avoir des veaux. Il peut rembourser deux, et puis l’année d’après, deux, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on arrive à une période où il a remboursé la totalité des animaux qu’il a reçus. La première chose, le premier objectif est d’avoir un appui très important pour que ce soit des privés, des jeunes Gabonais et Gabonaises qui s’installent pour faire ce travail.

La deuxième chose c’est qu’il faut penser, il faut  s’appuyer sur un modèle économique sérieux. Un modèle économique sérieux veut dire qu’il faut qu’on voit comment les gens peuvent gagner de l’argent, avoir un revenu qui s’étale dans le temps et qui soit acceptable, qui permet de convaincre d’autres gens que ça vaut la peine de s’impliquer là-dedans.

Ce projet est-il une initiative du gouvernement gabonais ou un partenariat avec un autre pays ou une entreprise ? 

Non, non et non ! C’est un projet gabonais. Il y a un an et demi, quand le CTRI -Comité pour la transition et la restauration des institutions- a pris le pouvoir, on a trouvé des sommes d’argent qui traînaient à gauche et à droite. Chacun a vu qu’on m’avait remis un chèque de 7,2 milliards. Avec le président, on s’est concerté. Le président a pensé qu’il était bon de faire quelque chose d’utile qui serve à tout le pays et dont on pourrait se souvenir comme ayant été le produit de l’argent qui traînait et qui avait été mal utilisé. Voilà le projet ! On finance ce projet avec des fonds propres gabonais. Il n’y a pas de prêt. C’est tout l’argent qu’on avait remis. Pour l’instant, le projet est financé avec cet argent.

Vous avez choisi le Brésil. Mais on aurait pu par exemple choisir le Tchad ou le Niger qui sont plus proches et qui sont de bien grands producteurs bovins.

La plupart de ces producteurs utilisent des boeufs qui sont soit des bossus zébus, mais qui ne sont pas adaptés à la trypanosomiase, soit qui sont des Ndamas de plus petite taille.  Quand vous regardez ici, vous voyez que ce sont des zébus, des animaux qui sont plus gros, qui ont une bosse derrière. Et le Brésil a fait des efforts très importants sur le plan de la lutte contre la maladie et ces animaux sont normalement résistants à la trypanosomiase. C’est pour cela que nous sommes allés chercher vers le Brésil et non vers les autres. Et puis quand vous regardez en volume, je pense que vous voyez que ce sont des animaux qui vont faire entre 700 et 800 voire une tonne en viande. Par conséquent, par rapport au Ndama qui pèse entre 400 et 500 kilos, nous avons un avantage, par bête, d’aller chercher des animaux qui sont beaucoup plus costauds.

Quel est le message que vous lancez aux jeunes Gabonais qui vous regardent à l’arrière-pays, justement avec ce projet ? 

Ce que je dis aux jeunes Gabonais, c’est que quand on parle souvent de projets, on en parle en l’air. On en parle comme ça. Là, nous sommes dans le concret, dans le dur. La semaine prochaine nous allons essayer d’amener tous ces animaux à Ndendé et on va organiser des visites sur le site. Je pense que les jeunes Gabonais doivent essayer de s’adapter. Comme je le dis toujours, ce qui commande sur le marché du travail, c’est la flexibilité. Vous avez peut-être fait des études de ceci, vous pensez à aller dans un bureau, voilà un endroit où vous pouvez vous retrouver avec un revenu considérable. Je peux vous assurer que tous les éleveurs qui vont entrer dans ce projet sont des gens qui vont avoir un modèle économique qui est viable, c’est-à-dire un niveau de revenu qui sera acceptable.

Propos recueillis par Désiré Clitandre Dzonteu

 
GR
 

1 Commentaire

  1. evariste dit :

    Vous parlez de boeufs alors que ce sont des vaches !!!

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