Dans la perspective des futures élections : Conjurer le pire
Loin de raviver le débat sur les buts de la récente révision constitutionnelle, il faut engager la bataille de la participation électorale. C’est la seule manière de réduire les risques d’illégitimité du prochain président de la République.
Au lendemain de la révision constitutionnelle, la 26ème depuis 1960, le 4ème depuis 2009 et la 3ème depuis 2016, la faute serait de se laisser impressionner par les bravades de la majorité ou les arguties de ses zélateurs. L’erreur serait de se laisser abattre par la pusillanimité des parlementaires ou de céder aux sirènes de la désespérance. D’ici à la prochaine présidentielle, il y aura les inscriptions sur la liste électorale. Avant l’annonce des résultats, il y aura le vote. Ces deux étapes détermineront la légitimité du prochain président de la République. Elles lui permettront de se doter d’une assise populaire, plus ou moins large. Fondement de sa relation au peuple, elles auront une incidence sur sa capacité à tisser un lien de confiance et, par ricochet, à impulser une dynamique de progrès. Au regard de l’ampleur de ces défis, eu égard à la nature de ces enjeux, nul ne devrait se soustraire du débat sur la participation électorale.
Responsabilité des acteurs
Dans les prochains jours, une seule question vaudra la peine d’être posée : quelles sont les répercussions de l’abstentionnisme ? N’est-elle pas le signe d’une rupture entre la société et la classe dirigeante ? Indépendamment de leur valeur légale, les décisions prises par des dirigeants élus dans un tel contexte sont-elles légitimes ? Peut-on encourager ou se satisfaire de cette défaillance citoyenne ? Pour mesurer la gravité des risques encourus, il faut revisiter les deux précédents scrutins. En 2009, Ali Bongo récolta 41,73% des suffrages exprimés, soit environ 17,58 % de la population en âge de voter. En 2016, ces chiffres s’établir respectivement à 49,80 % et 12,5%. Même en considérant les données officielles, le président de la République est, de toute évidence, sociologiquement minoritaire. Peut-on en tirer gloriole ? Est-ce un gage de légitimité ? Est-ce porteur de vitalité démocratique ? Sauf mauvaise foi, personne ne peut le soutenir.
Loin de raviver le débat sur la récente révision constitutionnelle, il faut en analyser les implications. Sauf par esprit de cour, nul ne peut le contester : l’étroitesse de l’assise populaire n’est un avantage pour personne. Se pose alors une question : comment y remédier ? En instaurant le scrutin uninominal majoritaire à deux tours ? Partout dans le monde, on y a répondu par l’affirmative. Au Dialogue national d’Angondjè, les participants l’avaient affirmé. Leur décision ayant été remise en cause, il faut maintenant trouver autre chose. Il faut en appeler à la responsabilité des acteurs, au-delà de leurs camps respectifs. Surtout, il faut rappeler le peuple à ses devoirs, en l’invitant à exercer sa citoyenneté. Autrement dit, chacun doit en avoir conscience et l’assumer : seul un accroissement de la participation électorale peut réduire les risques d’illégitimité du prochain président de la République.
Mobilisation générale
Cette bataille doit être celle des démocrates et républicains de tout bord. Comme le rappelle le collectif Appel à agir «seule une mobilisation générale de toutes les couches de la société» peut conjurer ce péril. En charge de la destinée commune, le pouvoir doit le comprendre, la participation étant, tout à la fois, un principe fondamental en démocratie et un élément constitutif de la bonne gouvernance. «Toutes les forces vives de la nation doivent participer à ce travail de modernisation et de refondation (…) afin de construire des institutions (…) davantage au service du développement», proclamait Ali Bongo, le 27 septembre 2016, durant son investiture. Or, le scrutin à tour unique n’incite guère à la participation.
S’il veut donner un minimum de cohérence politique à son mandat, Ali Bongo doit donner suite à son propos. Au lieu de prendre ombrage des appels de l’épiscopat en faveur de l’inscription sur les listes électorales, il devrait y faire écho. Et pour cause : là où la participation électorale s’effondre, la démocratie représentative recule, opérant un glissement vers la démocratie directe et ses formes d’expression voire pire. On le voit en France, la multiplication des crises et tensions sociales étant proportionnelle au taux d’abstention. On l’a vu en Italie : avec un taux d’abstention de 10 points de plus par rapport au précédent scrutin, les législatives de septembre 2022 se sont soldées par l’arrivée au pouvoir du parti post-fasciste de Giorgia Meloni. Instruits par tous ces précédents, les démocrates doivent s’accorder sur l’essentiel. Et, pour l’heure, l’essentiel réside dans la promotion de la participation électorale.
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