Crise dans le secteur éducation : Le regard de René Mezui-Menie
Président de la Fédération nationale des associations des parents d’élèves et étudiants du Gabon (Fenapeg), René Mezui Menie, analyse dans cette interview la crise qui gangrène le système éducatif gabonais, avant d’inviter tous les partenaires à se remettre en question pour une reprise rapide des cours.
Gabonreview: Lors de votre sortie du 12 novembre, vous aviez regretté le fait que les cours n’aient pas repris jusqu’à ce jour. A qui la faute ?
René Mezui-Menie : Je ne suis pas sûr que ce soit de cette manière que vous devez me poser cette question. D’abord la fédération nationale des associations des parents d’élèves a pour rôle de contribuer entre autres, à l’amélioration des conditions d’études de nos enfants. Celles-ci exigent qu’on remplisse plusieurs conditions. La première condition concerne les parents eux-mêmes parce que ce sont eux qui assurent la première éducation des enfants. Et l’Etat a le devoir d’instruire ces enfants. Alors, quand ces enfants arrivent à l’école, ils doivent avoir des encadreurs pédagogiques. Or, aujourd’hui, les encadreurs pédagogiques ne se sentent pas à l’aise. Donc, les conditions d’études des enfants ne peuvent pas être assurées. Par ailleurs, les structures d’accueil ne sont pas celles qui devraient être, pour que les enfants apprennent dans les meilleures conditions, notamment les tables bancs et les salles de classes. Alors quand on regarde tout cela, c’est l’Etat qui a le devoir d’éduquer nos enfants.
Vous estimez que l’Etat n’a pas rempli sa part du contrat ?
Ce n’est pas moi qui estime. Je ne suis pas là pour estimer. Je suis le troisième partenaire. Vous avez les deux autres partenaires : c’est à dire les enseignants et l’Etat. Alors, si ces deux partenaires ne s’entendent pas, c’est qu’il y a un problème. Quel que soit le côté où vous allez vous mettre, vous vous rendrez compte tout de suite qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Mais ce que nous disons, c’est que ces deux partenaires se mettent d’accord sur une plate-forme. Et à partir de là, nous allons voir celui qui ne joue pas son rôle. Que chacun respecte ses engagements.
Quelle attitude doivent adopter les parents ? Pensez-vous qu’ils doivent contribuer à l’achat des bancs par exemple ?
Vous savez, depuis pratiquement trois décennies, ce sont les parents qui font pratiquement tout. Nous sommes victimes avec nos enfants. Parce que nous accompagnons les établissements. Regardez un cas d’école. Nous avons en dehors des établissements publics, des établissements privés confessionnels. J’ai envie de vous dire que ce sont ces établissements qui ont vu le jour avant les indépendances. Ces ordres d’enseignement recevaient des subventions de l’Etat. Environs 600 millions pour le cas des catholiques. Aujourd’hui, ils ont moins de 150 millions. Même au moment où ils percevaient les 600 millions, vous avez constatez qu’à Bessieux, les parents continuaient de payer. Aujourd’hui en diminuant ces subventions, les parents sont obligés de mettre la main à la poche. Et on dit au Gabon que l’école est gratuite. Ce ne pas possible. Personne ne peut le croire aujourd’hui.
Vous dénoncez le fait que l’Etat ait orienté les élèves dans les écoles privées. Quelles sont les solutions que vous préconisez ?
Nous ne sommes pas là pour préconiser des solutions, nous sommes là pour donner des pistes de solutions. Mais qu’on nous explique aujourd’hui si l’Etat a arrêté d’investir dans l’école. Parce que quand on dit qu’on transforme les écoles primaires en collèges et lycées, il y a quelque chose qui ne va pas. Et d’ailleurs, depuis quelques années, on nous parle de la construction des salles de classes. Ça veut dire quoi ? Qu’on n’investisse plus sur l’école, c’est à dire dans les écoles qui existent, il faut seulement ajouter les salles de classes ? Parce que ces écoles ont une capacité d’accueil. Parce qu’à l’intérieur, il y a des aires de jeux et tout ce qui va dans le sens de l’épanouissement des enfants. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Vous allez au lycée Léon Mba, les stades sont détruits. Donc, le championnat scolaire ne peut plus avoir lieu. Il n’y a plus d’épanouissement.
Pourtant l’Etat estime que c’est l’une des solutions
J’ai envie de vous dire que c’est de n’importe quoi. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on est en train de détruire l’école publique au détriment de l’école privée et c’est ce qui se passe. Parce que quand on enlève les enfants dans les écoles publiques où vont-ils ? Dans les écoles construites par des gros bonnets de ce pays. Nous savons qui sont ceux qui sont derrière ces écoles. Qu’ils nous disent clairement qu’on ne veut plus de l’école publique et que c’est l’école privée qu’il faut privilégier comme ça on comprendra.
Quel est votre regard sur les revendications des syndicats ?
Vous savez, il y a eu tellement des choses depuis les élections. Ceux qui ont observé cette élection ont vu que beaucoup d’argent est sorti juste pour couvrir ces échéances. Alors, ces gens sont en droit de se poser de questions. Il y a de l’argent dans notre pays et on le gaspille, alors qu’il y a l’essentiel ? Et cet essentiel c’est quoi ? C’est l’instruction. Moi j’ai un âge aujourd’hui, si je vais à la retraite demain ça veut dire que le Gabon doit s’arrêter de fonctionner ? Ce sont les jeunes qui doivent prendre le relais. Mais si ces jeunes ne sont pas formés, qu’est-ce qu’on fait ? Ça veut dire qu’on va à la déroute. Ces enfants doivent assurer le développement de notre pays. C’est le Gabon de demain. Le gouvernement l’ignore-t-il ?
Certains parents d’élèves que vous représentez estiment que le projet d’harmonisation des coefficients tirerait l’école gabonaise vers le bas. Quel est votre avis ?
Vous savez, je ne peux pas dire que j’ai été partie prenante, mais j’ai envoyé des observations. Parce que ce qu’ils ont fait, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Ce n’est pas la première préoccupation que les parents relèvent aujourd’hui. Nous disons que lorsque la puissance publique représentée par le ministère de l’Education nationale veut entreprendre des réformes, si ces réformes sont constructives, nous sommes partants. Mais si c’est contreproductif, nous sommes obligés de leur demander d’arrêter et c’est ce qui a été fait. Malheureusement personne ne nous écoute.
Le ministre de l’Education nationale reçoit actuellement les syndicalistes. Votre Fédération a-t-elle été conviée à ces rencontres ?
C’est le reproche que nous faisons toujours au ministre, surtout ceux qui ne veulent pas travailler avec la Fédération. Parce que nous avons connu des ministres qui ont travaillé avec nous et nous avons fait notre travail. J’ai envoyé au ministre de l’Education nationale actuel au moins quatre demandes d’audience. Il ne nous a jamais reçus. Mais je ne vais pas aller loin, ce qu’il ne sait pas c’est que nous avons résolu un des problèmes qui se posaient à son niveau parce que l’année 2014 on était à deux jours de la proclamation de l’année blanche. Nous avons entrepris toutes les démarches en écrivant à toutes les institutions de la République. Et c’est le sénat qui nous a reçus pour audition. Et nous avons proposé au sénat d’avoir une commission qui devait statuer sur les questions relatives à l’éducation dans notre pays. Une commission qui n’existait même pas et ils l’ont créée. Et le présidant de la République a pris connaissance du travail que nous avions fait.
Je citerais également volontiers le cas de la radiation de 2500 jeunes qui devraient passer leur examen de baccalauréat. Et si nous n’étions pas là, je ne suis sûr que ce problème n’allait pas être résolu. Nous avons saisi président de la République pour nommer Mboumbou Miyakou pour diriger la commission de réhabilitation de ces jeunes. Deux jours après, les enfants sont allés passer leur examen. Nous ne sommes pas là pour dire tout ce que nous faisons. Tout ce que nous posons comme acte, nous le faisons dans la discrétion mais avec une efficacité qui confère à notre association sa vocation de partenaire de secteur de l’Education.
Propos recueillis par Jean-Thimothé Kanganga
2 Commentaires
On n’attend pas les crises pour sortir de son lit.
J’apprecie M. Le président de la fenapeg pour ses interventions. Que celui(le ministre de l’education nationale) qui a des oreilles entende et réagisse pour le bien des enfants et du système éducatif dans son ensemble.