Crise au sein de la Chambre des Huissiers de Justice : un collectif dénonce un coup de force

La Chambre nationale des huissiers de justice du Gabon, censée garantir la bonne gouvernance et l’indépendance de la profession, traverse une crise sans précédent. Un collectif d’huissiers et de clercs dénonce des irrégularités flagrantes dans la gestion du bureau sortant, une mainmise illégale sur l’institution, ainsi qu’un détournement des procédures électorales. Face à ce qu’ils qualifient de « hold-up institutionnel », ils exigent un retour à la légalité et un encadrement rigoureux du fonctionnement de la Chambre.

Le maître Jean Kristian Nguema Meyo M‘Owone, le porte-parole du collectif, au centre. © GabonReview
Réunis au siège de la Chambre nationale des huissiers de justice du Gabon, le 4 mars 2025, les membres du collectif ont dressé un tableau sombre de la situation. Selon eux, le mandat du président sortant a expiré le 26 février 2024, mais celui-ci a prolongé son règne de manière unilatérale, convoquant une assemblée générale à sa guise et repoussant les échéances électorales à plusieurs reprises.
«Il n’y avait aucun cas de force majeure. Il s’est simplement octroyé du temps supplémentaire, sans consulter qui que ce soit, au mépris total des statuts de la Chambre», dénonce maître Jean Kristian Nguema Meyo M‘Owone, le porte-parole du collectif. Malgré les injonctions officielles de ses pairs, l’ancien président a ignoré les demandes d’assemblée générale, forçant le collectif à organiser sa propre réunion le 21 juin 2024. De cette rencontre est née une commission ad hoc, mandatée pour organiser une élection en toute transparence et dans le respect des règles.
Toutefois, au lieu de se conformer à cette initiative légitime, le président sortant a choisi la voie du passage en force. Le 7 février 2025, il a organisé une élection controversée, modifiant arbitrairement la composition du collège électoral en excluant les clercs d’huissiers, pourtant habilités par la loi à voter. Pour le collectif, cette action est un véritable coup de force qui remet en cause la légitimité de l’ensemble du processus électoral.
Une profession livrée à elle-même
Au-delà de la crise de gouvernance, les huissiers dénoncent un manque de cadre réglementaire clair et une organisation institutionnelle défaillante. Depuis la légalisation de la Chambre en 2022, aucun règlement intérieur n’a été adopté pour encadrer le fonctionnement des instances et garantir des pratiques saines.
Maître Jean Kristian Nguema Meyo M‘Owone a souligné l’urgence de la situation en affirmant que «Il est inadmissible que nous soyons encore aujourd’hui régis par des règles floues, laissant la porte ouverte aux abus. Sans cadre précis, les dérives actuelles étaient inévitables». Ce vide juridique a également favorisé des pratiques douteuses lors des élections de février 2021, notamment avec l’utilisation abusive de procurations. De plus, des dispositions non officielles interdisant aux huissiers retraités de voter ont été appliquées de manière sélective, ce qui a entraîné un traitement inégal et une rupture d’équité au sein de la profession.
Des nominations contestées et une intégrité en péril
Un autre sujet brûlant soulevé par le collectif concerne le manque de rigueur dans les enquêtes de moralité précédant la nomination des huissiers de justice. Certains professionnels actuellement en poste ne rempliraient pas les critères de nationalité imposés par la loi.
Un membre du collectif a clarifié leur position en déclarant que «Il ne s’agit pas de xénophobie, mais de respect des textes. L’accès à une profession réglementée ne peut se faire dans l’illégalité. Nous demandons que la lumière soit faite sur ces nominations douteuses».
Face à ces préoccupations, le collectif réclame un audit complet des recrutements afin de garantir que seuls les professionnels remplissant les critères légaux puissent exercer en toute légitimité.
Devant cette situation préoccupante, les huissiers et clercs mobilisés formulent plusieurs exigences. Ils demandent l’annulation pure et simple de l’élection du 7 février 2025, qui est jugée frauduleuse et entachée d’irrégularités. Ils réclament également l’organisation d’un nouveau scrutin respectant les principes d’équité et d’inclusivité, sous la supervision d’une commission indépendante.
En parallèle, ils appellent à l’adoption d’un règlement intérieur clair qui fixerait des règles précises pour les futures assemblées générales et éviterait toute dérive. Ils insistent aussi sur la nécessité de mettre en place une protection accrue des huissiers, afin qu’ils puissent exercer leur métier sans ingérence ni intimidation. Enfin, ils exigent un audit des nominations, pour s’assurer que toutes les procédures ont été respectées et que les postes sont attribués en conformité avec la loi.
Le collectif ne compte pas en rester là et envisage de saisir la justice et les instances internationales si ses revendications ne sont pas prises en compte. «Notre profession est en péril. Il est temps d’agir avant que cette institution ne perde toute crédibilité. Nous demandons aux autorités compétentes de mettre un terme à ce chaos», a conclu le porte-parole du mouvement.
Le bras de fer est lancé. Reste à savoir si la justice gabonaise et les autorités compétentes répondront à cet appel, ou si cette crise interne viendra fragiliser davantage une profession déjà sous pression.

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