S’il espère susciter l’adhésion populaire, le gouvernement ne doit ni proférer des menaces, ni s’adonner à un décompte macabre, encore moins se satisfaire des dons. Il doit plutôt parler des spécificités du vaccin réceptionné le 12 mars dernier, y compris de ses effets indésirables, De même, il doit nouer des partenariats à sa propre initiative.

Sous prétexte de lutte contre la covid-19, toute idée contraire à la doxa gouvernementale doit être réprimée. Mais, au train où vont les choses, le plan de vaccination pourrait se heurter à la défiance populaire. © Gabonreview/Shutterstock

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En traitant la « Révolution des casseroles » avec brutalité, le pouvoir a fait d’une pierre deux coups. D’une part, il a confirmé son refus de l’écoute, quitte à se couper du peuple. D’autre part, il a rappelé sa détermination à faire respecter les restrictions, au risque de sombrer dans une répression aveugle. Au vu des griefs retenus contre Philippe Arsène Owono, Jeff Blampain et Dimitri Ombinda, chacun peut être, un jour ou l’autre, accusé d’avoir nui aux « intérêts fondamentaux de la nation« . Eu égard aux peines encourues, nul n’est à l’abri d’une réclusion criminelle à perpétuité. En attendant le fin mot de l’histoire, les choses sont désormais, claires : sous prétexte de lutte contre la covid-19, toute idée contraire à la doxa gouvernementale doit être réprimée. Et de la manière la plus sévère.

Défiance populaire

Même si elle donne du Gabon l’image d’une sécurocratie rétrograde, cette ligne de conduite est défendue au nom d’impératifs de santé publique. Officiellement, il s’agit de lutter contre un « incivisme (capable de) remettre en cause les stratégies mises en (œuvre) (…) pour infléchir la courbe évolutive de la (…) covid-19. » N’empêche, à trop tirer sur la corde, elle pourrait casser. En refusant de se mettre à l’écoute des populations, le gouvernement a accentué la fracture politique. En faisant appel aux instruments de la répression, il a déplacé le débat. Sans s’en rendre compte, il a brouillé son message, ruinant sa propre stratégie. Le ministre de la Santé insiste-t-il sur le respect des mesures barrières ? On lui exige une campagne de proximité pour un dépistage massif. Évoque-t-il la vaccination ? On le somme de demander au président de la République de donner l’exemple.

Au train où vont les choses, le plan de vaccination pourrait se heurter à la défiance populaire. Déjà, chacun rappelle volontiers cette réalité : la lutte contre covid-19 a été source de dépenses pour tout le monde, y compris les plus démunis. Ni les maques ni les tests PCR n’ont été pris en charge par la puissance publique. Pourtant obtenus grâce à la coopération internationale, ils ont été facturés. Échaudé par ce précédent, paupérisé par les restrictions d’activité, le petit peuple ne s’intéresse guère à la vaccination.  A la limite, il espère voir cette opération faire chou blanc. Comment le gouvernement compte-t-il s’y prendre pour inverser la tendance ? Fera-t-il payer ou optera-t-il pour la gratuité ? Au-delà des dons et autres initiatives internationales du type Covax, aura-t-il les moyens de se procurer les doses en quantité suffisante ? Pourra-t-il choisir le vaccin en toute souveraineté ?

Traitement plus raisonné

Comme toujours, le gouvernement pêche par absence de rigueur. Comme souvent, son discours ne correspond pas à ses actes. En raison de la persistance des zones d’ombre, son plan de vaccination pourrait se fracasser contre le mur de la réalité. Sur l’approvisionnement en vaccins, comme sur la sécurisation d’un financement endogène, le renforcement des capacités et la mobilisation des personnels soignants, tout reste à clarifier. Le même constat vaut pour l’implication des populations. Le Gabon va-t-il passer un contrat avec Sinopharm ou va-t-il se contenter des opportunités offertes par la solidarité internationale ? Comment compte-t-il garantir le financement des imprévus liés à la lutte contre la covid-19 ? Quelles professions seront habilitées à administrer le vaccin ? De tout cela, le gouvernement ne dit mot.

S’il espère susciter l’adhésion populaire, le gouvernement doit parfaire sa copie. Au lieu de proférer des menaces, il doit parler des spécificités du vaccin réceptionné le 12 mars dernier, y compris de ses effets indésirables. Au lieu de s’adonner à un décompte macabre, il doit rechercher le consentement libre et éclairé. Au lieu de se satisfaire des dons ou de promesses en ce sens, il doit nouer des partenariats à sa propre initiative. Pour tout dire, il doit abandonner la logique sécuritaire pour miser sur la responsabilité individuelle et collective. Il doit sortir de la dramatisation pour promouvoir la transparence et l’éthique médicale. Surtout, il doit cesser de croire en la charité pour concevoir la stratégie de ses moyens. Loin de tout calcul politicien, il est peut-être temps de revenir à la crise sanitaire. Loin de toute manœuvre d’arrière-cour, le moment est venu d’appliquer un traitement plus raisonné.

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Jones dit :

    Beaucoup de gabonais sont asymptotiques au COVID-19 et ont guéri pour autant. Avant toute vaccination, il faut procéder aux tests pour voir si celui qui va se vacciner ne présente pas déjà des anticorps anti covid19 donc d’une réponse immunitaire que le vaccin est sensé susciter.

  2. Bassomba dit :

    Le retour à la vie normale au Gabon et dans le monde passe par la vaccination de tout le monde. Ne pas se vacciner c’est repousser encore dans le temps la fin des mesures restrictives, donc retarder le retour à la vie normale.

  3. diogene dit :

    Lorsque l’on n’a pas de moustiquaire chez soi, pas la peine de se faire vacciner !

    Imbibés de séries propagandaires débiles, abreuvés de twits, de posts sans fondements, repus de kongossas éthérés,abruties par les religieux nihilistes, endoctrinés par l’éducation psittaciste (répéter sans comprendre) comment voulez vous que nous ayons les idées claires ?

    Sans compter la méfiance légitime à l’égard de nos dirigeants illégitimes !

  4. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. En effet, l’article a toute son utilité ici. Parce que à ce stade il faut le consentement de chaque individu pour se faire vacciner. Or le désamour entre les Gabonais et ses dirigeants est elle que s’il faille envisager par exemple une stratégie porte à porte pour cette vaccination je vous assure que l’Etat va faire des agents vaccinateurs des victimes. A ce stade des charges il serait plutôt judicieux de faire en sorte que la vaccination soit gratuite, que soit présenté un seul et pas deux vaccins, qu’il soit précisé de façon claire nette et précise les conditions de prise en charge en cas d’inconvénients après administration. Là il s’agit de santé publique pas de politique politicienne. Amen.

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