Coup de force au Gabon : «Un référendum contre le système», estime Séraphin Moundounga
En exil en France où il suit les changements intervenus au Gabon avec le coup de force du 31 août dernier, l’ancien vice-Premier ministre, président de l’ONG Unité, Séraphin Moundounga, était sur le plateau de TV5 monde, le 24 septembre. Il y a décliné sa lecture des faits : le gouvernement de la Transition, le cas Sylvia Bongo et son fils, la plausible candidature d’Oligui Nguema à l’élection présidentielle et, naturellement, son propre avenir dans les prochains jours à Libreville. Une analyse originale à bien des égards.
Ancien baron du régime d’Ali Bongo Ondimba jusqu’en 2016, vice-Premier ministre, Séraphin Moundounga avait démissionné du gouvernement cette même année avant de prendre la route de l’exil en France où il a passé 7 années. S’il compte, comme de nombreux autres compatriotes forcés à l’exil, rentrer au pays pour apporter sa contribution à la construction d’un Gabon nouveau, il s’est entretenu, le 24 septembre, avec la journaliste Denise Epoté, sur l’émission «Et si… vous me disiez toute la vérité» de TV5monde. Les récents bouleversements, singulièrement le coup d’État du 30 août dernier au Gabon, ont servi de base à cet échange ayant permis à l’ancien cadre du Parti démocratique gabonais (PDG) de livrer sa lecture de l’actualité de son pays.
«Ça n’a pas été une révolution de palais. C’est plutôt, la révolte, la révolution nationale»
Alors qu’il lui est demandé s’il a été surpris par le coup de force du 30 août, Séraphin Moundounga répond par la négative. «Je n’ai pas été surpris par l’effondrement du régime Ali Bongo étant entendu que les mêmes causes produisent les mêmes effets», a-t-il dit péremptoire.
L’ancien vice-Premier ministre avait déjà dénoncé ces causes en 2016, «lorsque Ali Bongo avait décidé de manipuler les résultats», contrairement à ce qui avait été enregistré et acté par l’ensemble des observateurs aussi bien Européens, Américains que de qu’Africains. «Et cette dénonciation, a-t-il rappelé, je l’ai faite le 30 août 2016. Sept années plus tard, le 30 août 2023, ce sont les forces de défense et de sécurité qui ont protesté contre cette énième manipulation des résultats électoraux, en décidant cette fois-ci, non plus de se ranger du côté du dictateur comme en 2016, mais plutôt du peuple gabonais, en refusant de tirer sur le peuple comme le leur demandait Ali Bongo Ondimba, mais plutôt pour le déposer et mettre en place un processus de restauration de la démocratie, de façon progressive dans notre pays».
Nouvelle génération des forces de défense et de sécurité. Accompagnement de la volonté populaire
Amené à confirmer la rengaine ambiante estimant qu’il ne s’agit que d’«une révolution de palais ?», celui qui également été ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique estime qu’il n’en est rien : «Ça n’a pas été une révolution de palais. C’est plutôt, la révolte, la révolution nationale».
Pour Moundounga le changement de régime à Libreville est «une révolution de l’ensemble du peuple gabonais qui a été soutenu, dans cette démarche, par les forces de défense et de sécurité. Il faut le dire, par la nouvelle génération des forces de défense et de sécurité». «Pour moi, en ce qui me concerne, il ne s’agit pas d’une simple révolution de palais. C’est un accompagnement de la volonté populaire qui s’exprimait dans les urnes. Mais malheureusement était, à la limite, prise en otage par un bourreau qui utilisait les forces de défense et de sécurité qui ont refusé, cette fois-ci, de le suivre pour se mettre du côté du peuple gabonais», explique-t-il résumant l’essence dudit coup de force.
«Un référendum contre le système»
Interrogé sur les choix et le gouvernement d’union nationale ne faisant pas forcément l’unanimité, l’ancien ministre de la Justice, Garde des sceaux estime que «le plus important lorsqu’on rentre dans un processus de transition. Pour le cas du Gabon, c’est de parvenir à réconcilier les Gabonaises et les Gabonais avec eux-mêmes et réconcilier le Gabon avec l’ensemble de la communauté internationale, notamment nos partenaires économiques et au développement».
Pour lui, ce processus de réconciliation devrait faire en sorte que «tout ce qui est mis en œuvre soit fondamentalement inclusif». Une inclusivité d’ailleurs contenue dans la Charte de la Transition, faisant dire au président de l’ONG Unité que «cette nécessaire inclusivité voudrait qu’on mette tout le monde autour de la même table pour, ensemble, regarder les voies et moyens pour remettre le Gabon sur les rails d’une démocratisation qui parviendra à un développement inclusif où chacun jouera un rôle». Ce, «quel que soit le fait qu’il ait appartenu au système sortant sans jamais le dénoncer, sans jamais démissionner».
A ce propos, l’ancien vice-Premier ministre a relevé que le coup de gueule ou la démission n’était pas évident pour de nombreux PDGistes. Et de rappeler, en effet, qu’en démissionnant en 2016, sa vie avait été menacée à plusieurs reprises, pendant 10 jours, à Libreville, avant qu’il ne soit aidé par un ensemble d’amis à quitter le Gabon et de se retrouver «en exil forcé en France».
Tous les PDGistes n’avalisaient pas
Séraphin Moundounga est d’ailleurs catégorique lorsqu’il affirme que «le maximum de PDGistes qui était encore resté dans le système n’avalisait pas ce qui se faisait par Ali Bongo et la petite troupe autour de lui. Vous pouvez le constater par les résultats qui commençaient à sortir dans les différentes provinces».
Toute chose l’ayant amené à déclarer que «dans la plupart des provinces du Gabon, aussi bien en 2026 qu’en 2023, Ali Bongo a été battu à plate couture avec des scores astronomiques». Et «cela signifie, selon le Docteur en Droit international et européen et diplômé en Droit des affaires et en Sécurité internationale et Défense, que beaucoup de PDGistes ont voté contre Ali Bongo Ondimba en 2016, en faveur de Jean Ping, en faveur d’Ondo Ossa en 2023. Dans tous les cas, c’est le peuple gabonais qui est déterminé à changer ce qui ne pouvait plus continuer. C’est un référendum contre le système».
Réconciliation. Planche parfois savonnée dans les cas de mandat non reconductible
Interrogé sur le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui pourrait vraisemblablement se présenter à l’élection présidentielle devant se tenir au terme de la Transition, et d’autant plus que la Charte de la Transition ne le lui interdit pas clairement, Séraphin Moundounga argumente : «dans tout système et même système démocratique, généralement, il y a la possibilité pour un dirigeant de se présenter à une élection, d’être rééligible au minimum une deuxième fois». «Encore qu’en Allemagne on peut être élu ad vitam aeternam et pourtant c’est une démocratie au cœur de l’Union européenne, au cœur du monde occidental».
Si la Charte de la Transition n’indique pas expressément si le président de la Transition est en droit de se présenter lors de la présidentielle projetée, pour Moundounga «cela ne dit pas pour autant qu’il a une envie de se présenter. Cela n’interdit pas également de se présenter. Ce silence de la loi, puisqu’on doit l’appeler loi, est utile pour le premier responsable d’un pays, d’un exécutif», a-t-il expliqué prenant des exemples en Europe où, en cas de mandat non reconductible, la planche est parfois savonnée au président sortant, durant les derniers moments, par ceux de son propre camp ayant des velléités de prise de pouvoir. Ce qui obère absolument les dernières réalisations du chef de l’Etat sortant. Le mutisme, dans la Charte de la Transition, au sujet de la candidature d’Oligui Nguéma à la présidentielle annoncée, est donc stratégique.
Quant aux urgences du gouvernement de la Transition, l’ancien vice-Premier ministre estime, en ce qui le concerne, que l’objectif central c’est la réconciliation des Gabonaises et des Gabonais entre eux, la réconciliation du Gabon avec l’ensemble de ses partenaires économiques et au développement.
Sylvia et Noureddin Bongo : «Il revient aux intéressés de prouver leur innocence»
Le sort de Sylvia Bongo Ondimba et de son fils Nourredine Bongo Valentin, encore en détention, a de même été évoqué. «Je ne sais encore le sort qui peut être réservé aux uns et aux autres, étant entendu que nous avons tous suivi, sur l’annonce du Comité de Transition, que monsieur Ali Bongo était libre de ses mouvements notamment pour des raisons purement humanitaires au regard de la fragilité de sa santé», a-t-il rappelé.
Pour le reste, indique-il, ce sont les citoyens comme les autres. S’il leur est reproché un ensemble de choses, la justice est saisie puisqu’il y a des poursuites engagées à son encontre et à l’encontre de leur fils. «Il revient à la justice gabonaise d’examiner la question et il revient aux intéressés de prouver leur innocence. Et leur culpabilité est établie, c’est la justice qui se prononce en toute indépendance comme dans tout système qui se veut démocratique. Cette Transition s’inscrivant dans un processus progressif de démocratisation, nous pensons que l’exemplarité voudrait que la justice puisse agir en toute indépendance», a-t-il.
S’il entend retourner prochainement à Libreville, Séraphin Moudounga rappelle que «dans ce processus, les uns et les autres, tous les Gabonais et Gabonaises et tous les amis du Gabon doivent, d’une façon comme d’une autre, doivent être des forces de contribution en faisant des propositions aux différents responsables, à tous les niveaux où ils situent, pour que cette transition soit une réussite».
2 Commentaires
Merci mon fils Séraphin Moudounga. Tu as bien parlé. Merci.
Ce n’était pas évident, il a pris un risque fou. C’était les premières fissures dans l’édifice. Il aurait pu comme tant d’autres continuer à se taire et jouir des avantages du système. Combien ont eu ce courage ?