Cop27 à Charm el-Cheickh : Une villégiature
La 27ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations-unies pour les changements climatiques (Cop 27 – CCNUCC) n’apportera rien de nouveau. Elle ne changera ni les termes du débat ni l’approche stratégique.
On peut en prendre le pari : le Sommet de Charm el-Cheickh n’apportera rien de nouveau. Il ne changera ni les termes du débat ni l’approche stratégique. Comme lors des précédentes éditions, un objectif inavouable sera poursuivi : le maintien de l’ordre actuel avec ses rapports de forces, ses modes de production et de consommation. Comme à Glasgow, on parlera de transition vers une économie décarbonée, de financements innovants, d’énergies renouvelables, de sécurité alimentaire et même de résilience des communautés locales. Comme dans la métropole écossaise, les principaux dirigeants du monde seront de la partie. On parle de 90 chefs d’Etat et représentants de plus de 190 pays, notamment les Américains Joe Biden et John Kerry, le Français Emmanuel Macron, l’Allemand Olaf Scholz, l’Italienne Giorgia Meloni, le Turc Recep Tayyip Erdogan, l’Européenne Ursula Von der Leyen et même le Brésilien Lula. A priori, un tel aéropage aurait dû susciter l’espoir. Mais, plus personne n’est dupe.
Discours convenu et irréaliste
A compter d’aujourd’hui, 7 novembre, et jusqu’au 18 du mois en cours, les principaux dirigeants de la planète reprendront un discours convenu et irréaliste. Comme toujours, ils feront des promesses de financement, avanceront des chiffres astronomiques pour donner l’illusion d’un engagement. Comme souvent, ils s’efforceront de dépolitiser le débat pour mieux dégager la responsabilité de leurs Etats. S’ils évoqueront les conséquences des changement climatiques, ils se garderont d’en circonscrire les causes, éludant le débat sur les choix opérés depuis la Révolution industrielle. Naturellement, ils feront comme si les vulnérabilités résultaient de mécanismes naturels. Dans la foulée, ils égrèneront des fausses bonnes idées : crédit-carbone, certification, extension des surfaces sous statut de protection, Redd+ (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts) …
Pendant 11 jours, on parlera des solutions fondées sur la nature. Bien entendu, les pays du Sud feront mine d’y voir une voie vers un mieux-être pour leurs populations. Au nombre de ceux-ci, les pays du Bassin du Congo, réputés pour leur gouvernance hérétique, mélange d’arbitraire, de corruption, d’intolérance et d’irresponsabilité. Pour leurs dirigeants, ce sera une occasion de s’octroyer une reconnaissance internationale. Comme si la lutte contre le réchauffement planétaire pouvait se faire au détriment du combat pour un «contrôle démocratique des politiques, ressources, financement et moyens de production», pour reprendre le mot du World rainforest movement (WRM). Comme si la réalité écologique pouvait être déconnectée de la réalité politique, économique, culturelle et sociale. Comme si le développement durable pouvait se faire en sacrifiant les générations présentes ou, tout au moins, en confisquant leur destin. Comme si la cause écologique valait par elle-même et non par son rapport à l’homme.
S’appuyer sur la démocratie environnementale
Pour sortir ces négociations de cette «approche erronée», il faut s’attaquer aux racines du mal : «le transfert du pétrole, du charbon et du gaz du sous-sol à la surface», selon le mot du Groupe de travail sur la plateforme de Durban pour une action renforcée (GTPD). Pour donner à la lutte contre les changements climatiques une nouvelle légitimité, il faut articuler conservation de la nature et respect de la souveraineté des peuples. Autrement, ce combat apparaîtra toujours comme la bonne conscience des pays du Nord et, un moyen de légitimation pour les régimes en place dans le Bassin du Congo. Peut-on construire l’avenir du monde sur la négation de la réalité, le laxisme et la compromission ? Peut-on protéger la nature en niant les droits élémentaires des hommes ou en leur refusant le droit de choisir librement leurs dirigeants ? Dans la lutte contre les changements climatiques, il faut s’appuyer sur des principes, notamment ceux consignés par la Déclaration de Rio. Or, ce texte consacre les droits constitutifs de la démocratie environnementale : l’accès à l’information, l’accès à la justice et, la participation à la prise de décision. Exactement l’inverse de la gouvernance en vigueur sous nos latitudes.
Station balnéaire mondialement connue, Charm el-Cheickh pourrait demeurer fidèle à sa réputation de lieu de villégiature. Au train où vont les choses, cette 27ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations-unies pour les changements climatiques (Cop 27 – CCNUCC) ne devrait bénéficier ni à la nature ni aux communautés locales. Déjà, certaines organisations non gouvernementales parlent d’écoblanchiment, dénonçant les «restrictions» imposées aux militants écologistes par le pays-hôte. S’ils veulent marquer l’histoire, les participants doivent s’en souvenir : l’action pour le climat ne peut se résumer à des promesses de financement ou à de l’affichage. A tout point de vue, elle appelle des réformes en profondeur. D’aucuns auraient parlé de changement de paradigme.
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