COP16 : Bassin du Congo, un géant qui défie les cases des hot spots
En cours à Cali, en Colombie, la COP16 pour la biodiversité attire l’attention mondiale sur la préservation des écosystèmes critiques pour la survie de notre planète. Au cœur des débats, les «hot spots» de biodiversité, ces zones à la fois riches en espèces et menacées, occupent une place centrale. Pourtant, un écosystème crucial échappe à ces classifications : les forêts du bassin du Congo, le plus grand puits de carbone terrestre. Adrien NKoghe-Mba* plaide, ici, l’urgence d’adapter les mécanismes de protection environnementale pour inclure les écosystèmes essentiels avant leur dégradation critique.
Alors que la COP16 pour la biodiversité se tient actuellement à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre, les discussions mondiales se concentrent sur la préservation des écosystèmes essentiels pour notre planète. C’est une opportunité pour rappeler le rôle fondamental des hot spots de biodiversité, ces zones qui concentrent une exceptionnelle richesse écologique mais qui sont également en grand danger. Pour être classé comme hot spot, un écosystème doit répondre à des critères stricts : il doit abriter au moins 1 500 espèces végétales endémiques et avoir perdu 70 % de sa végétation d’origine. Ce sont des zones menacées où l’action est urgente pour préserver les espèces qui y vivent.
Cependant, un écosystème immense et vital reste en marge de cette liste de hot spots et, par extension, des priorités de conservation mondiale : les forêts du bassin du Congo. Cette forêt tropicale africaine est pourtant bien plus qu’un écosystème riche en biodiversité. Elle est aujourd’hui notre premier puits de carbone terrestre. Dans son émission Élément Terre sur France 24, Audrey Racine a récemment souligné ce paradoxe : malgré son rôle crucial pour le climat et son abondance en espèces uniques, le bassin du Congo n’attire pas la même attention que les hot spots de biodiversité comme l’Amazonie ou les forêts d’Asie du Sud-Est. Pourquoi ? Parce qu’il ne remplit pas les critères établis ; cette forêt n’a pas encore perdu 70 % de sa couverture végétale.
Or, à l’heure où les puits de carbone terrestres voient leur capacité de capture s’effondrer, passant de 9 milliards de tonnes de CO₂ en 2022 à seulement 2 milliards en 2023, le bassin du Congo se distingue par une résilience silencieuse mais essentielle. Il absorbe environ 600 millions de tonnes de CO₂ chaque année, soit près de 30 % de toute la capacité d’absorption terrestre restante. Ce n’est donc pas seulement un refuge pour des espèces rares ; c’est un régulateur climatique mondial.
Et c’est là toute l’ironie — et l’urgence — de sa situation. Parce que le bassin du Congo est encore partiellement intact, il ne coche pas toutes les cases pour figurer parmi les hot spots. Résultat ? Il ne bénéficie ni des mêmes financements, ni de la même attention que d’autres écosystèmes, malgré son rôle crucial. Pourtant, cette forêt incarne l’interdépendance du climat et de la biodiversité : sa richesse en espèces soutient son équilibre écologique, et cet équilibre permet à la forêt de capter du carbone et de réguler le climat. Lorsque la biodiversité est en danger, c’est également la capacité d’absorption de CO₂ de cette forêt qui est menacée.
Alors, que faire ? Peut-être que cette COP16 peut amorcer une nouvelle approche de la conservation, une approche qui inclut les écosystèmes comme le bassin du Congo dans nos priorités mondiales, même s’ils ne correspondent pas exactement aux critères actuels de hot spots. Parce que protéger le bassin du Congo, ce n’est pas seulement préserver une forêt tropicale. C’est protéger un pilier climatique pour la planète entière, un écosystème qui, en tant que premier puits de carbone terrestre, soutient aussi bien la biodiversité que la stabilité climatique.
En définitive, la COP16 nous rappelle peut-être que certains écosystèmes ne rentrent pas dans les cases. Ils ne sont pas toujours les plus endommagés, mais ils sont tout aussi vitaux pour notre survie collective. Le bassin du Congo mérite une place au sommet de nos priorités mondiales.
*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.
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