Cop15 biodiversité : Une lourde hypothèque
En n’établissant aucun lien entre les promesses internationales et les options offertes par la législation nationale, le gouvernement milite pour l’assistanat au lieu de conduire une réflexion sur une stratégie de financement durable.
Comme toujours, les négociations ont buté sur l’argent. Comme souvent, le Sud a tendu la main, se laissant imposer des objectifs aux confins de la mystification. Au terme de la 15ème Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (Cop15 – CDB), il a été décidé de protéger 30% des terres et océans à l’échelle mondiale. En outre, 30% des écosystèmes terrestres et marins dégradés devront être restaurés et le taux d’introduction des espèces envahissantes devra diminuer de 50%. En contrepartie, le Nord s’est engagé à mobiliser 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, puis 30 milliards de dollars par an d’ici 2030. Même si d’aucuns l’ont qualifié d’«historique», cet accord n’a rien de révolutionnaire : il met en lumière un manque de vision stratégique de la part des pays en développement, notamment le Gabon.
Un seul objectif : plaire à la communauté internationale
Désireux de se poser en «bon élève», notre pays a salué ces conclusions. «Nous serons exemplaires dans l’application de cet accord», a réagi Ali Bongo, donnant l’impression de ne pas se souvenir des nombreuses promesses non-tenues. Au passage, il a laissé le sentiment de ne pas songer à un mécanisme national de financement. Pourtant, en son article 250, le Code forestier prévoit la création d’un fonds dédié au «financement des opérations d’aménagement durable des forêts, (…) de reboisement, (…) de conservation et de protection». En son article 30, la loi relative aux parcs nationaux offre à «toute personne morale de droit public ou privé, nationale ou internationale» la possibilité de «conclure des contrats de fiducie.» Présentée lors de la Cop21 de Paris, la Contribution prévue déterminée au niveau national annonce «la mise en place d’un Fonds national de développement durable.» De tout cela, le président de la République n’a dit mot.
A l’évidence, le Gabon poursuit un seul objectif : plaire à la communauté internationale. Mais cette obsession ne fait pas une politique nationale. Elle ne garantit pas non plus la pérennité du financement. Elle laisse plutôt croire à une forme de suivisme voire à une mise sous tutelle. Pourtant, en février 2010, notre pays créait un Fonds forestier national (FFN). En mai 2013, il en lançait les activités. Dans son discours de circonstance, le ministre des Forêts d’alors rappelait «la nécessité de disposer d’une entité à même de mobiliser les ressources additionnelles au financement des projets et programmes de développement du secteur forêt-bois.» Quelques années plus loin, précisément en novembre 2018, le gouvernement annonçait la «suppression» du FFN, au nom de la «rationalisation des établissements publics personnalisés conformément aux orientations du Plan de relance de l’économie.» Un pas en avant, deux pas en arrière…
«Moins d’argent disponible pour nos pays»
Sur les parcs nationaux, le processus n’est pas allé aussi loin. Mais, il a confirmé les limites d’une gouvernance où le désir de reconnaissance internationale supplante la volonté de développement. En avril 2011, des experts étaient invités à «explorer les enjeux et opportunités de mise en place d’un mécanisme de financement, conformément à la législation nationale.» «Cette fondation (doit avoir) une couverture globale sur l’ensemble des aires protégées et non seulement pour les parcs nationaux», indiquait le secrétaire exécutif adjoint de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) de l’époque. Il était ainsi question d’assurer le financement des activités de protection sur à peu près 20% du territoire national. Depuis lors, le dossier est resté en plan. Du coup, on peut douter de la capacité de notre pays à tirer le meilleur parti des initiatives internationales. Eu égard au mutisme du ministère des Finances, on peut même imaginer certaines ONG internationales bénéficier de cet argent afin d’apporter des appuis ponctuels, sans vision d’ensemble ni cohérence.
En n’établissant aucun lien entre les promesses internationales et les options offertes par la législation nationale, le gouvernement fait peser une lourde hypothèque sur sa capacité à faire des choix conformes à la réalité nationale. «On galère sur les questions de financement», avait lancé Lee White à Charm-el Cheick durant la Cop27-climat, ajoutant : «La réalité est donc qu’il y a beaucoup moins d’argent disponible pour nos pays.» Or, il ne faut ni demander l’aumône ni militer pour l’assistanat. Avant de chercher des financements internationaux, il faut conduire une réflexion de fond. En un mot, il faut développer une stratégie de financement durable. «Qui paie, commande», nous apprend une maxime. Sauf à n’avoir aucune politique à défendre, à moins d’accepter de subir tous les diktats, on doit s’en souvenir.
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