Motivés ou par la volonté de nuire ou par l’envie de se faire un nom, les audios à controverses n’ont pas été le fait de la presse. Ils n’ont pas non plus été diffusés par elle. S’ils ont été analysés, c’était dans le but de tirer la sonnette d’alarme.

«En mettant dans le même sac activistes et journalistes, on compromet les chances de parvenir à cette clarification si nécessaire au travail de sensibilisation pour une citoyenneté responsable et une authentique république démocratique et sociale.» © GabonReview

 

Comme le mélange des genres, le confusionnisme n’a jamais été bon conseiller. S’il entretient la confusion dans les esprits, il finit toujours par empêcher l’analyse objective des faits et idées. On l’a vu dans le passé, de nombreux activistes et militants associatifs s’étant avancé sur le terrain politique. On vient de le revoir avec le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), le communiqué n° 62 du 28 juin 2023 ayant brouillé les frontières entre presse et réseaux sociaux, activisme et journalisme, propagande et information.  Pourquoi assimiler des professionnels de l’information ou des organes de presse ayant pignon sur rue à des «esprits séditieux» ou à des «groupuscules tapis dans l’ombre» ? Pourquoi donner à la police le droit de conduire une «veille» médiatique ? N’est-il pas plus indiqué de recourir aux services de la Haute autorité de la communication (HAC) ?

Pas du goût de tout le monde

Dès après le 30 août, nombre d’observateurs avaient attiré l’attention du CTRI sur les risques inhérents aux liaisons soutenues avec certaines personnalités réputées pour leur langage truculent ou leurs commentaires sommaires. «Le CTRI est-il sur le bon chemin ?», questionnait Petit-Lambert Ovono en janvier dernier, invitant les activistes à davantage de rigueur, au risque de voir leurs propos «considérés comme de la simple délation». «Que gagne le président de la Transition à s’afficher avec tous ces professionnels des live, de l’injure et de la diffamation ?», «Que peuvent-ils lui apporter aux plans idéologique ou conceptuel ?», «Ne sait-il pas qu’entre eux-mêmes, ils entretiennent des relations orageuses, évoluant au gré d’intérêts personnels ?», pouvait-on lire sur les réseaux sociaux. En pure perte.

Lors de son dernier séjour en France, le président de la Transition a publiquement devisé avec l’un des activistes les plus controversés, connu pour ses audios décapants où se mêlent injures gratuites, accusations indémontrées et attaques ad hominem. Pas du goût de tout le monde, cette rencontre a poussé d’autres citoyens à réagir avec virulence, quitte à sombrer dans la xénophobie, l’ethnisme ou le régionalisme. Sur les origines de certaines personnalités, comme sur leurs états de service, l’âpreté au gain supposée de communautés ethniques, leur prétendue appétence pour le pouvoir ou leur rapport aux autres, tant de choses ont été dites et véhiculées. Visiblement motivés ou par la vengeance ou par la volonté de nuire et, pourquoi pas, par l’envie de se faire un nom, ces dérapages verbaux n’ont pas été le fait de la presse. Ils n’ont pas non plus été diffusés par elle. S’ils ont été analysés, c’était dans le but de tirer la sonnette d’alarme.

Distinguo entre médias sociaux et médias

Depuis de nombreuses années, certains s’interrogent sur le rôle des activistes et sur leur plus-value dans la vie publique. D’autres s’intéressent à l’influence des réseaux sociaux, à leur apport dans la diffusion de l’information et la conscientisation des masses. Il s’en trouve aussi pour essayer de comprendre les interactions. Mais, jamais l’activisme n’a été assimilé à du journalisme. Même si on les a parfois rapprochés, le distinguo entre médias sociaux et médias a toujours paru évident. En les mettant dans le même sac, on compromet les chances de parvenir à cette clarification si nécessaire au travail de sensibilisation pour une citoyenneté responsable et un authentique république démocratique et sociale, où les citoyens sont libres et égaux en droits. Après tout, les pouvoirs publics n’ont pas les moyens de réguler ou contrôler les réseaux sociaux. Ils n’ont pas non plus la possibilité de contraindre les créateurs de contenus, souvent basés hors du pays. De ce point de vue, ils n’ont pas intérêt à installer la confusion. Sauf, bien entendu, s’ils ne redoutent pas d’assister à la prolifération de fake news et autres discours divisionnistes.

Vu sous cet angle, et pour conjurer le pire, il semble plus sage de ne pas accorder trop de crédit à certains activistes et à leurs propos. Au-delà, il peut sembler utile d’inciter les internautes à ne pas relayer ces audios à controverses. De même, il peut paraître nécessaire de rappeler la presse à son devoir, de l’inviter à une meilleure auto-régulation puis de s’en remettre à la Hac, en charge de la «régulation du secteur de la communication audiovisuelle, cinématographique, écrite, numérique et de la publicité». S’il ne peut plus être annulé ou revu, le communiqué  n° 62 du 28 juin 2023 doit être mis en œuvre dans le strict respect de la loi, singulièrement le Code de la communication.

 
GR
 

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