Cinéma gabonais : L’inoubliable Prince de Capistran tire sa révérence
Prince de Capistran, figure légendaire des planches et du grand écran, s’est éteint ce dimanche, à 75 ans. Celui que des générations de Gabonais connaissaient sous le tendre surnom d’«Oncle Didine» a livré son ultime représentation à l’hôpital militaire Omar Bongo Ondimba, terrassé par la maladie après une carrière flamboyante marquée par 29 films et trois séries télévisées. Le rideau est ainsi tombé sur une vie d’exception qui aura marqué l’histoire culturelle du Gabon.
Dans la matinée de ce dimanche 5 janvier 2024, s’est éteinte une brillante étoile du firmament culturel gabonais. Prince de Capistran, cet homme que des générations entières ont affectueusement appelé «Oncle Didine», a rendu son dernier souffle à l’hôpital d’instruction des armées Omar Bongo Ondimba dit hôpital militaire de Libreville. L’information a été confirmée par Serge Abessolo, directeur de l’Institut gabonais de l’image et du son (Igis). Selon une rumeur persistante, il souffrait d’un cancer et attendait une relative stabilisation de la maladie en vue d’une évacuation sanitaire à l’étranger. «Le président gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema, a donné de l’argent et des instructions en vue de cette évacuation», assure une source proche de l’acteur.
Comme un dernier acte d’une pièce magistralement jouée pendant plus de quatre décennies, son départ va absolument laisser le public orphelin d’un talent rare, d’une présence irremplaçable ayant marqué l’histoire du septième art gabonais de son empreinte indélébile.
De l’église Sainte Thérèse aux projecteurs : l’histoire d’un destin extraordinaire
Le destin de Prince de Capistran semblait écrit dans les étoiles dès sa naissance, le 5 mars 1950, dans l’humble église Sainte Thérèse d’Angone, un village aujourd’hui absorbé par la ville d’Oyem. Son nom complet, Adrien James Prince de Capistran, résonnait déjà comme un présage de grandeur, fruit d’une promesse sacrée entre son père, l’un des premiers diacres du Gabon, et Monseigneur Adam. Né d’une mère novicienne, Hélène Ntsame-Engone, il a grandi en étant bercé par la spiritualité qui allait imprégner toute son existence.
Dans ce qui apparaît aujourd’hui comme une magnifique ironie du destin, cet enfant de l’église devint une figure emblématique des arts dramatiques. Pendant plus de quarante-cinq ans, il a illuminé les écrans de sa présence charismatique, transformant chaque rôle en une performance mémorable. De son interprétation magistrale dans «L’Auberge du salut» à son rôle pionnier dans «Le Singe fou» (1984-1985), chacune de ses apparitions était un don au public. Son talent a même transcendé les frontières nationales lorsqu’en 1988, il devint le premier acteur gabonais à jouer dans une production internationale, incarnant le personnage de Joseph dans la série allemande «Albert Schweitzer».
L’héritage d’un prince : entre grandeur et amertume
Prince de Capistran laisse derrière lui des souvenirs aussi riches que complexes. Car, derrière les projecteurs et les applaudissements, se cachait une réalité plus sombre. Celui qui, en octobre 2023, confiait sur l’émission Gab’Kulture, être comme un «paria dans son propre pays» a porté jusqu’à ses derniers jours le poids d’une reconnaissance trop tardive.
Les dernières années de sa vie ont en tout cas été un combat contre diverses maladies dont celle de Parkinson et une hernie ayant touché sa prostate et nécessité une intervention chirurgicale au Centre hospitalier universitaire d’Owendo (CHUO). Il menait ainsi une lutte silencieuse ayant mit en exergue la fragilité de la condition d’artiste au Gabon. Mais, la mobilisation d’une chaîne de solidarité en mai 2023 et le soutien récent du président Brice Clotaire Oligui Nguema pour une évacuation sanitaire n’ont pu empêcher l’inexorable.
Alors que Serge Abessolo, directeur de l’Igis, le recevait à son bureau il y a moins de six mois, ravivant un certain soutien de sa corporation, le destin en voulu autrement. Avec son décès, c’est tout un pan de l’histoire culturelle gabonaise qui s’effondre. Prince de Capistran emporte avec lui non seulement des décennies de souvenirs précieux, mais aussi les rêves et les espoirs d’une génération d’artistes qui voyaient en lui un phare dans la nuit.
Comme on dit dans l’industrie du spectacle «The show must go on ! » (le spectacle doit continuer).
0 commentaire
Soyez le premier à commenter.