Charly Minko, 20 ans déjà !
Il est des gens qui traversent la vie comme des comètes, laissant un sillage lumineux difficile à oublier. Ami des rédactions, frère en Rock’n Roll du directeur de Gabonreview, influence de nombreux adultes d’aujourd’hui, Charly Minko, figure de la scène musicale gabonaise des années 80-90, est de ceux-là. Presque confidentiel, il n’a pas moins marqué son époque au Gabon. Lokua Kanza, P.C. Akendengué, François Ngwa, Batchiellilys, Frédéric Gassita, feu Jean-Yves Mensah, Jérémie, Okili Family et bien d’autres s’en souviendront. Vingt ans déjà que Minko a quitté la terre des hommes. Copinage d’outre-tombe…
Notre Jaco Pastorius national, le génie gabonais de la basse jazz s’en est allé il y a bien longtemps dans les étoiles. Comme on dit, il a tiré sa révérence… il y a vingt ans maintenant. C’était le 2 août 2003 à Libreville. Gabonreview a raté son éphéméride. Ses obsèques avaient constitué l’événement culturel de la semaine du 3 au 9 août 2003. Le tout Libreville musical, du moins les artistes de cabarets, de piano-bars, des studios d’enregistrement et bien d’autres avaient livré un véritable festival au quartier la Campagne, QG des obsèques. Du jamais vu au Gabon avant son décès. Jamais en effet avant lui, à Libreville, un artiste n’avait eu de telles obsèques. Et pour cause : Charly Minko était non seulement un guitariste émérite mais, tout au long de sa vie, il avait permis le croisement de gens d’horizons divers, prêté main forte à tout le monde et incarné, durant les 15 dernières années de sa vie, le caractère outlando’s d’un artiste vrai, tout en forçant le respect de tous et de chacun.
Un «Monsieur comme il le faut»
Minko Menzü Yves-Paul Bonaventure, de son vrai patronyme, était né le 28 novembre 1959. On remarquera que le plus grand guitariste de tous les temps, Jimi Hendrix, était lui aussi né un 28 novembre.
On raconte qu’il faut qu’un petit nègre aille à l’école pour qu’il devienne pareil aux Messieurs de la ville, pareil au «Messieurs comme il le faut». Aussi, Charly, né dans une famille de la petite bourgeoisie Woleu-Ntemoise immigrée de longue date à Libreville, fera l’école jusqu’à l’université. N’ayant jamais voulu être un «Monsieur comme il le faut», il se contente alors d’un Diplôme universitaire d’études littéraires, niveau 1 (Duel 1), option Philosophie.
Original digne de l’épithète, Charly disait qu’il voulait réussir sa vie et non réussir dans la vie. Aussi avait-il adopté cette démarche si caractéristique des artistes pur sang : à la bureaucratie, il avait préféré la scène et ses spot-lights ; au costume-cravate, il préférait le blue-jean et les shorts de tennisman ; à la coupe de cheveux bon enfant, il avait préféré les dreadlocks. Il était d’une grande culture et dévorait toutes les lectures lui tombant sous la main, de Nietzsche ou Arthur Schopenhauer à Astérix ou le quotidien L’union, en passant par le Talmud et même les traités d’économie politique.
La guitare à 12 ans et le nom «Capo Sound»
Sa vie d’artiste commence lorsqu’il apprend la guitare à 12 ans. Très tôt, à 14 ans, il intègre l’orchestre du Lycée Technique Omar Bongo qu’il contribue d’ailleurs à baptiser «Capo Sound». Sa virtuosité précoce intrigue ses aînés. Il y fait des jaloux. Les François N’Goua et autres Oliver Ngoma – Paix à son âme – en savent quelque chose. Partout où il aura presté, que ce soit avec ses amis de Batterie IV (Okili Family, Jérémie, Frédéric Gassita, etc.), dans les concerts, les studios d’enregistrement ou les pianos-bars, sa compétence, sa virtuosité comme on dit dans le métier, n’a jamais souffert de contestation.
Soliste de formation, il maîtrisait aussi bien la guitare d’accompagnement que la basse et taquinait les claviers. L’absence d’un bon bassiste de Jazz à Libreville l’obligera à se consacrer à la quatre cordes Jazz. Pierre-Claver Akendengué lui dira un jour qu’il était déjà le meilleur guitariste de sa génération et qu’il n’avait rien à lui apprendre. Aussi, lui avait-il confié, au Carrefour des Arts, l’encadrement ou l’accompagnement d’autres jeunes musiciens. Et Charly Minko en aura coaché ou soutenu dans l’apprentissage ; entre autres, Annie-Flore Batchiellilys. On notera que de passage à Libreville alors qu’il accompagnait la chanteuse Abeti Masikini, Pascal Lokua Kanza, artiste Congolais internationalement connu, apprendra de Charly Minko le jeu en arpèges et la méthode à Dadi. Si Minko a participé à de nombreuses sessions de studio, il n’en avait pas moins plus de 200 œuvres personnelles qu’il n’a pu graver ou faire éditer. C’était donc une sorte de Socrate, le philosophe Grec ayant enseigné mais n’a rien écrit.
«Peuple du changement». Mauvaise conscience des fossoyeurs du Gabon
Outsider, Charly Minko haïssait le système. Dans le Landerneau musical gabonais, il rencontre celui que l’on nomme alors Ali Ben Bongo, musicien lui aussi à ses heures perdues, et en devient un ami. Mais leur connivence qui n’ira d’ailleurs pas très loin s’arrêtera au niveau strictement musical. Durant la grande période de l’effervescence démocratique du début des années 90, en tant que membre du «peuple du changement», Charly est de tous les meetings, de toutes les marches, tous les sit-in de protestation. Dissident social, l’attitude de ce petit bourgeois marginal était une injure, un défi perpétuel au système Bongo, au grand dam de Paulin Obame Nguéma, ancien Premier ministre, dans la maison de qui il a terminé son adolescence. Pour le Gabon d’alors, du moins pour ceux qui le connaissaient ou l’avaient remarqué, Charly Minko, c’était Bob Dylan, c’était John Lennon, c’était Bob Marley : des artistes dont la verve, les vers et la posture sociale empêchent les bourgeois, capitalistes et compradores de tous bords de dormir tranquille. Il était la mauvaise conscience des fossoyeurs de la nation.
S’il y a un Bon Dieu ou une Sainte Vierge, on espère qu’ils l’ont accueilli à leur enseigne, parce toute sa vie et bien avant de passer sur l’autre berge ou de se tirer dans les étoiles, Charly Minko, baptisé et communié à l’église Saint-Michel de Nkembo, croyait en Dieu et était un chrétien pratiquant. Comme on dit chez les musiciens «The show must go on !» Et le spectacle continue sans lui depuis lors. Mais on n’a pas oublié.
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2 Commentaires
Un bon musicien et un monsieur très discret
Merci pour ce joli témoignage
La valeur des hommes est parfois un enseignement,un exemple à suivre, qui nous incitent à nous engager
D avantage que des leçons ou diatribes
Oui,un très grand artiste. La dernière fois que je l’ai vu et que nous avons échangé, c’était à l’immeuble le Président. Je n’ai pas oublié. Nous avons, un tout petit peu, parlé de mes livres. RIP à toi bro! 😭😭😭🙏🙏