Cenarest : L’amertume de Daniel Franck Idiata
Démis de ses fonctions de commissaire général du Centre national de la recherche scientifique et technologique (Cenarest), Daniel Franck Idiata a passé le témoin à son successeur le 14 novembre. Après 12 ans à ce poste, l’homme qui en sort visiblement amer, prévient son successeur. Son discours en dit long.
Daniel Franck Idiata (à droite) et Alfred Ngomanda le 14 novembre. © D.R.
«Mon cher Alfred, très cher cadet. Je te laisse le Cenarest, je te laisse une institution en très mauvais état et cela est indépendant de ma volonté, de mes forces et de ma conviction», s’est adressé l’ancien commissaire du Cenarest à son successeur Alfred Ngomanda, lors de la cérémonie de passation de charges le 14 novembre.
Démis de ses fonctions lors du Conseil des ministres du 7 novembre, le Pr Daniel Franck Idiata dit laisser, après 12 ans, une institution corrompue à plusieurs niveaux.
«J’étais devenu le seul avocat comme s’il s’agissait de mon patrimoine familial, sur l’autonomie de plus en plus affirmée des instituts que revendiquaient ostensiblement leurs directeurs respectifs, etc. Tout cela, dans des conditions financières de plus en plus dégradées» a-t-il dit, indiquant qu’en tant que commissaire général du Cenarest, il a été réduit à expédier les affaires courantes. «Les gens ne savent pas que l’indemnité de fonction du commissaire général du Cenarest, c’est 172.000 francs CFA. Ils ne le savent pas !», a-t-il révélé indiquant à son successeur qu’il fera face à plusieurs difficultés en tête desquels, «l’existence du Cenarest dans une réforme inachevée». Cette réforme initiée en 2010 n’aurait toujours pas abouti, mais a donné lieu à la mise en place d’une direction générale de la recherche au ministère de l’Enseignement supérieur. «Tu verras très vite que le commissaire général ne sert plus à rien ici» a-t-il soutenu, soulignant que l’ordonnance n°6/76 du 22 janvier 1976, créant le Cenarest, est aujourd’hui totalement obsolète.
«Le commissaire général du Cenarest attend « Godot » sur un quai de la gare», a-t-il poursuivi faisant allusion au Godot de Samuel Beckett qui n’arrivera jamais. «Tu comprendras mieux le burn-out dans lequel j’ai été plongé ces dernières années», a-t-il soupiré.
«Être ou ne pas être, telle est dorénavant la destinée du Cenarest» a-t-il estimé, remettant sur la table l’épisode des poissons morts à Lambaréné. «L’agent infectieux, responsable de la mort de ces poissons, était le virus TiLV et non une quelconque bactérie. Les résultats des chercheurs du Cenarest ont été confirmés par un laboratoire très spécialisé de l’Université d’Oslo. Des résultats solides et irréfutables», a-t-il fait savoir tout en regrettant qu’«à aucun moment, il n’a été fait mention des résultats du Cenarest dans aucun communiqué officiel». «C’est, comme si les chercheurs du Cenarest étaient des pestiférés qui ne peuvent donc rien trouver de bon» s’est-il irrité, affirmant que des rapports contre sa personne ont été envoyés aux plus hautes autorités, pour solliciter son bannissement.
Son message à son successeur est très limpide : cher Alfred, «en termes de patrimoine, je te laisse le bâtiment et tous les équipements obsolètes dans les différents services».
1 Commentaire
«…En termes de patrimoine, je te laisse le bâtiment et tous les équipements obsolètes dans les différents services» : une description assez juste de l’état du patrimoine dans toutes les administrations du pays. Cependant, j’aurais voulu connaitre le bilan de 12 ans de recherches au CENAREST avec Idiata, que je félicite de s’être sacrifié à faire un travail ingrat dont personne d’autre ne voulait. Un quelconque gars du G2 aurait-il accepté de le remplacer pour 172.000 FCFA de prime de fonction par mois ? Je regrette seulement que toutes les démarches visant la recherche, sinon l’enseignement supérieur au Gabon, connaissent une telle dévalorisation. Le CENAREST piloté par le Pr Idiata n’en était qu’une modeste illustration. En effet, voici les universités qui rouvrent leurs portes bientôt, mais les problèmes soulevés par les enseignants du supérieur (voire du secondaire aussi) depuis au moins une vingtaine d’années, vont à nouveau resurgir sur le devant de la scène, sans solution.