En réponse à la baisse inquiétante des réserves de change de la zone CEMAC, quatre chefs d’État de la sous-région ont adopté, lors d’un sommet extraordinaire à Yaoundé le 16 décembre, une série de mesures contraignantes visant particulièrement les entreprises extractives. La rencontre a débouché sur un nouveau calendrier pour le rapatriement des devises et un appel pressant aux partenaires internationaux pour soutenir la stabilité financière de la communauté. Ce qu’il faut retenir de cette session d’urgence.

Face à l’érosion des réserves de change, quatre chefs d’État de la CEMAC présents à Yaoundé ont décidé à l’unanimité de serrer la vis, notamment aux entreprises extractives. © 237online

 

Les dirigeants de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) se sont réunis le 16 décembre 2024 à Yaoundé pour une session extraordinaire consacrée à «l’évaluation de la situation et perspectives économiques, monétaires et financières de la CEMAC». Il était question de définir des mesures de consolidation de la résilience économique régionale.

État des lieux et orientations stratégiques

Le communiqué final de la session dresse un constat précis de la situation économique. «Le niveau des réserves de change, passé de 2,3 mois en 2016 à 4,6 mois en 2023 d’importations des biens et services, connaît depuis 2024 une tendance baissière». Autrement dit, en 2016, les réserves pouvaient couvrir 2,3 mois d’importations (situation critique), sept ans après, n 2023, elles s’étaient améliorées pour atteindre 4,6 mois (situation plus confortable) et depuis 2024, ces réserves diminuent à nouveau (tendance baissière).

Or, le seuil critique généralement admis est de 3 mois d’importations. En dessous, la situation devient préoccupante pour la stabilité monétaire de la zone. Cette diminution actuelle des réserves explique l’urgence de ce sommet extraordinaire et les mesures adoptées, notamment celles concernant le rapatriement des devises par les opérateurs économiques (voir plus bas). Cette évolution s’inscrit dans un contexte où «les perspectives des cours des matières premières et du commerce international s’annoncent défavorables».

Face à ces défis, les chefs d’État ont «réaffirmé leur attachement à la solidarité communautaire face aux chocs, à travers la poursuite d’une stratégie régionale cohérente et coordonnée pour préserver la viabilité des finances publiques, la stabilité du secteur financier et pour renforcer la position extérieure de la CEMAC».

Selon le communiqué final, le sommet a également souligné que «de nouveaux efforts collectifs et concertés s’avèrent nécessaires pour améliorer substantiellement le cadre macroéconomique de la sous-région, notamment en accélérant la diversification économique et la consolidation des finances publiques».

Un plan d’action à plusieurs niveaux

La Conférence a donc adopté une série de mesures concrètes. Les États membres sont appelés à «poursuivre une consolidation budgétaire ordonnée dans le cadre des discussions bilatérales avec les partenaires techniques et financiers», et à «produire et diffuser régulièrement les données budgétaires, économiques et financières fiables et complètes».

Dans le domaine financier, les dirigeants ont «réaffirmé l’application intégrale de la Réglementation des Changes». Cette décision implique notamment «le rapatriement diligent des devises par les Opérateurs économiques, et plus particulièrement la signature, avant le 30 avril 2025, des conventions de compte séquestre pour les fonds de restauration des sites (Fonds RES) par les entreprises extractives».

Les chefs d’État ont également «invité le FMI, la Banque Mondiale et tous les autres partenaires à accompagner les États et la Banque Centrale dans le processus de rapatriement et de domiciliation des revenus pétroliers». Ils ont par ailleurs «réitéré l’engagement des États en faveur de l’indépendance et du renforcement des capacités de la Banque Centrale, de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale et de toutes les autres institutions communautaires».

Mobilisation internationale et perspectives

Le sommet a exhorté les partenaires au développement à «œuvrer pour la conclusion des revues de leurs Accords avec la République du Cameroun, la République Centrafricaine et la République du Congo», et à «veiller à un ajustement budgétaire à dimension sociale et préservant l’investissement». Les autres États sont invités à «conclure, dès que possible, des programmes formels avec le FMI afin de bénéficier de son appui ainsi que de celui des autres partenaires techniques et financiers».

La Conférence s’est félicitée de «la reconstitution réussie des ressources de IDA21 du Groupe de la Banque Mondiale à hauteur de 100 milliards de dollars» et a appelé à «une allocation des ressources plus importantes en faveur de la Sous-région, pour réduire le déficit important des infrastructures sociales de base de la zone».

Dans une perspective de développement sectoriel, les chefs d’État ont validé «l’organisation en 2025, par le Groupe de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement d’une Conférence dédiée aux financements du secteur de l’énergie à travers la Mission M300».

Les États membres ont renouvelé «leur engagement en faveur d’une politique d’endettement prudente, privilégiant les financements concessionnels», tout en exhortant «les partenaires au développement à une mobilisation plus forte des ressources financières pour soutenir la transformation structurelle des économies de la sous-région».

L’efficacité de toutes ces mesures dépendra de leur mise en œuvre effective par les États membres et du soutien concret des partenaires internationaux dans un contexte économique mondial incertain.

Liste de présence :

Quatre chefs d’État sur les six attendus ont participé à cette session extraordinaire : Paul Biya du Cameroun, pays hôte ; Faustin-Archange Touadera de la RCA et président en exercice de la CEMAC ; Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de la Guinée Équatoriale, et Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition gabonaise. Le président congolais Denis Sassou-N’Guesso s’est fait représenter par son Premier ministre Anatole Collinet Makosso, tandis que le président tchadien Mahamat Idriss Deby Itno a délégué son ministre d’État aux Finances, Tahir Hamid Nguilin.

 
GR
 

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