Quatorze ans après sa disparition, le Gabon honore enfin la mémoire de son pionnier de l’industrie. Le 22 décembre dernier, le carrefour Acae de Libreville, non loin de là où il bâtit sa première usine, est devenu «Place Jean-François Aveyra». Un hommage tardif mais mérité à cet entrepreneur visionnaire qui, du football professionnel aux parfums ‘’Made in Gabon’’, en passant par la production de plastiques, révolutionna le paysage industriel gabonais. Portrait sommaire d’un self-made-man devenu légende.

Du geste symbolique d’Oligui Nguema faisant d’un carrefour la ‘Place Jean-François Aveyra’ émerge la rencontre de deux Gabon : celui qui bâtit aujourd’hui son avenir et celui qui, hier, osait rêver d’industrie nationale. © Flickr/Présidence Gabon

 

Le 22 décembre 2024, le président Oligui Nguema a présidé une cérémonie symbolique dans le 5e arrondissement de Libreville. Le carrefour Acae, situé à la lisière de la Commune d’Owendo, a été rebaptisé et se nomme désormais «Place Jean-François Aveyra», rendant ainsi hommage au premier industriel gabonais. Cette reconnaissance posthume rappelle l’empreinte indélébile laissée par cet entrepreneur visionnaire sur l’économie du pays.

Jean-François Aveyra, le précurseur industriel gabonais. © D.R.

Né le 6 avril 1937 à Libreville, Jean-François Aveyra incarnait l’esprit d’innovation et d’entrepreneuriat à l’aube de l’histoire économique du Gabon indépendant. Fils de Polycarpe Revignet et de Cécile Agnouret Anguile, il grandit dans la province de l’Estuaire, imprégné des traditions et des valeurs culturelles de son pays.

Très tôt international

Sa jeunesse fut marquée par une brillante carrière sportive. Athlète polyvalent, il excella tant dans la boxe que dans le football, où il se distingua comme attaquant de talent, portant notamment les couleurs du FC Nantes. Sa carrière internationale, s’étendant de 1954 à 1975, témoignait déjà de sa détermination et de son excellence.

C’est après sa carrière sportive que Jean-François Aveyra révéla pleinement son génie entrepreneurial. Visionnaire, il fonda l’Auxiliaire des Bâtiments Aveyra (ABA), première usine industrielle du pays, précisément aux abords de la Lowé, rivière passant sous le pont Nomba. Cette entreprise pionnière développa une gamme impressionnante de productions : des casiers pour boisson aux sacs de ciment, des peintures aux produits plastiques, sans oublier une ligne innovante de parfums ‘’Made in Gabon’’ utilisant les essences des bois locaux.

La première usine 100% gabonaise… et fragments de vie. © D.R.

Son impact sur l’économie gabonaise lui valut rapidement une reconnaissance internationale. En 1988, il reçut au Cameroun le premier prix du meilleur homme d’affaires africain, consécration d’un parcours exemplaire qui rayonna tant en Afrique qu’en Europe. Son engagement dans la vie économique du pays se manifesta également par ses fonctions de vice-Président de la Chambre de commerce et de premier vice-Président du Patronat gabonais (FESYPAG).

Un bâtisseur social combattu

Selon de nombreux témoignages de contemporains, dans un Gabon alors monopartiste, sans démocratie et un pouvoir incarné par Albert Bernard Bongo qui deviendra Omar Bongo, il n’était pas de bon augure de créer une fortune indépendante, échappant au contrôle du pouvoir ou n’ayant pas été générée par lui. Les affaires d’Aveyra subirent de ce fait de nombreuses entraves et coups bas les ayant amené à péricliter.

Mais l’homme d’affaires était aussi un bâtisseur social. Co-fondateur de l’Institut Privé Secondaire de Sibang (I.P.S.S.), devenu le Lycée Djoue Dabany, il contribua significativement à la formation de l’élite gabonaise. Ici encore, des entraves de gens très proches du pouvoir le contraignirent à s’en démarquer.

Des racines profondes dans les traditions

Sur le plan personnel, Jean-François Aveyra était un homme profondément ancré dans les traditions gabonaises. Son mariage en secondes noces avec Noëline Ebebele Nze, issue des tribus Fang de l’Estuaire, illustrait son attachement à l’unité culturelle du Gabon. Mélomane passionné de musique sud-américaine et amateur de pêche, il était reconnu pour sa générosité discrète et son humanité.

Le 8 mai 2010, ce patriarche respecté, père, grand-père et arrière-grand-père s’éteignit, laissant derrière lui le souvenir d’un industriel à l’élan brisée par la jalousie, les manigances d’autres opérateurs économiques et d’un pouvoir politique alors borné. La récente inauguration de la place qui porte désormais son nom réhabilite et perpétue la mémoire de celui qui fut non seulement le premier industriel gabonais, mais aussi un modèle de réussite entrepreneuriale alliant tradition et modernité, développement économique et engagement social, au service de son pays.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. MOULENGUE dit :

    Élève en classe de 3e au LEE, j’avais dans cette usine pendant les vacances scolaires pour préparer en entrée en 2nde S. C’était un homme très humaniste et respectueux, il savait encourager les efforts de ses employés.
    Presque toutes les ethnies du pays y travaillaient.
    Les produits sortis de l’usine ABA étaient de qualité, car lui-même y veillait.
    Paix à son âme !

  2. OKÉNGUÉ dit :

    Bonsoir à Vous !
    Correction : il ne s’agit pas de la rivière Nomba mais plutôt de Lowè. Nomba est l’espace géographique allant du pont vers la SNI Nomba-domaine.
    Merci.

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