Candidatures en vue de la présidentielle : Une ombre sur la Transition

Edictées en réaction aux outrances de quelques-uns, les critères d’éligibilité risquent de compromettre la compétitivité du scrutin. Déjà, Jean-Rémy Yama a dénoncé une «mascarade».

Avec ces critères d’éligibilité, «on semble s’acheminer vers le scrutin le moins concurrentiel et le moins équitable de l’histoire démocratique nationale des 36 dernières années». © GabonReview
Lancé il y a quelques semaines, le processus de sélection des candidats à la présidentielle s’est achevé dimanche dernier, laissant l’opinion quelque peu circonspecte. S’il faut attendre pour se faire une idée définitive, une impression de verrouillage s’en dégage, faisant craindre pour la crédibilité de l’élection à venir. Comme l’affirmait, en février dernier, l’universitaire Romuald Assogho Obiang, on semble s’acheminer vers le scrutin «le moins concurrentiel et le moins équitable de l’histoire démocratique nationale des 36 dernières années». Et pour cause : les raisons évoquées pour justifier les différents rejets sèment le doute sur la pertinence des critères d’éligibilité. Implicitement, ils relancent le débat sur le réalisme de la Constitution du 19 décembre 2024, jetant une ombre sur les accomplissements de la Transition.
Un texte sur mesure pour une élection jouée d’avance
Pourtant, nombre d’observateurs l’ont dit : manifestement édictées en réaction aux outrances de quelques-uns, ces critères d’éligibilité risquent de compromettre la compétitivité du scrutin. Au-delà, ils sont de nature à instiller l’idée d’un texte sur mesure pour une élection jouée d’avance. Depuis le début, l’obligation de fournir les pièces d’état-civil des ascendants apparaissait comme un gageure. À l’épreuve des faits, elle se révèle difficile à honorer pour les personnes d’un certain âge ou pour celles ayant perdu leurs parents depuis longtemps. N’eût-il pas été plus commode d’exiger un jugement supplétif d’acte de décès et non d’acte de naissance ? Et même… De plus, pourquoi demander l’acte de mariage à tous les candidats ? N’eût-il pas été plus juste d’adapter la liste des pièces constitutives du dossier à la situation matrimoniale de chacun ? Après tout, par éthique ou par respect pour la mémoire de son conjoint, un veuf ou une veuve peut décider de demeurer célibataire pour le restant de ses jours. Doit-on l’en blâmer ?
Comme l’a rappelé le ministre de l’Intérieur, les recalés ont jusqu’à mercredi prochain pour intenter des recours devant la Cour constitutionnelle. Mais le soupçon s’est déjà installé, Jean-Rémy Yama ayant tôt fait de dénoncer une «mascarade», comme si l’Histoire repassait les plats. À cette accusation se greffe une autre curiosité : le rejet de la candidature de Michel Ongoundou Loundah sur le fondement d’une requête introduite par Persis Lionel Essono Ondo, comme si la Commission nationale d’organisation des élections et du référendum (CNOER) avait compétence pour connaître des conflits internes aux partis politiques. Saisi sur cette question en décembre dernier, le juge des référés avait pourtant affirmé ne pas être en mesure de la traiter au fond. Pourquoi la CNOER s’est-elle avancée ? En quoi une querelle de leadership constitue-t-elle un cause d’inéligibilité ou une incompatibilité au sens de l’article 87 du Code électoral ?
Une élection vidée de tout sens démocratique
S’étant livré, selon les cas, à une interprétation rigoriste, orientée ou spécieuse de la loi, le ministère de l’Intérieur n’a pas donné des garanties d’inclusion, de compétitivité et de de responsabilité. Le résultat n’est ni à son avantage ni à celui de notre démocratie et, encore moins, de la Transition : entre un ancien Premier ministre d’Ali Bongo, honni pour ses bravades et propos tout à trac, un zélateur du Parti démocratique gabonais (PDG) aux états de service controversés et à la réputation professionnelle sulfureuse et un parfait anonyme, aucun candidat n’est à mesure de donner le change au président de la Transition. Du coup, d’aucuns parlent de promenade de santé ou d’élection arrangée. D’autres en arrivent à suggérer d’enjamber cette étape. «C’est même pas la peine d’aller en campagne. Faisons des économies en investissant directement Oligui Nguéma. Gagnons du temps», a-t-on notamment pu lire. Bon gré mal gré, une telle sortie laisse croire à une élection vidée de tout suspens et de tout sens démocratique. Était-ce l’objectif visé par la CNOER ? On ne peut le croire.
Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) s’étant engagé, d’une part, à «bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif» et, d’autre part, à organiser des «élections (…) libres, démocratiques et transparentes», personne ne doit se satisfaire d’une telle situation. Eu égard aux procédures en vigueur, les espoirs d’un scrutin crédible reposent désormais sur la Cour constitutionnelle. À équidistance du juridisme et du laxisme, elle devra faire son travail. Si elle devra tenir compte de l’esprit et de la lettre des textes, elle devra ainsi intégrer le caractère particulier du scrutin à venir et les enjeux y associés. Si elle échoue, elle pourrait alors rejoindre sa devancière dissoute dans les abysses du discrédit et de la défiance populaire.

1 Commentaire
Je viens de lire avec beaucoup d’intérêt ce poste de GR, Bravo , ce scrutin ne sera ni libre , ni démocratique ni transparent, encore moins équitable, je suis d’avis de ceux qui pensent que c’est de l’argent gaspiller 100 milliards de nos francs pour une élection dont le résultat est connu d’avance, avec un président sortant qui dispose de l’argent et des moyens de l’état pour battre campagne, je remarque que c’est la première fois q’une élection se tiens au Gabon avec seulement 4 candidats.