D’ici à la proclamation des résultats, le ministre de l’Intérieur doit évoluer dans la transparence et la légalité.

Même si on peut légitimement le croire favorable au Oui, Hermann Immongault gagnerait à se tenir à bonne distance des deux positions. Il ne doit pas se laisser impressionner par la rhétorique imprudente consistant à assimiler le Oui à un soutien au CTRI. © GabonReview

 

À l’aube de la campagne référendaire, un point suscite de l’appréhension : la transparence du scrutin. Comme sous le régime déchu, les zélateurs du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) fanfaronnent, annonçant une victoire écrasante du Oui. Comme toujours, ils vantent une élection jouée d’avance, se gargarisant de tout verrouiller. Comme avant un certain 30 août, ils serinent la même antienne : «On n’organise pas une élection pour la perdre». Et comme pour en rajouter, le ministre de l’Intérieur vient d’annoncer l’ouverture d’une «d’une période exceptionnelle de réclamations sur toute l’étendue du territoire». Affirmant avoir obtenu un «avis» de la Cour constitutionnelle, Hermann Immongault donne aux électeurs «la possibilité de solliciter le changement de bureau de vote». Même s’il s’en défendra, il s’agit là d’une révision de la liste électorale en dehors de la période indiquée.

Faut-il risquer le parallèle avec les expériences antérieures ?

D’ici à la proclamation des résultats, le ministre de l’Intérieur doit évoluer dans la transparence et la légalité. Avant, pendant et après le vote, il doit se garder de toute attitude équivoque. S’il ne doit pas altérer la vérité, il doit éviter de se lancer dans des interprétations spécieuses de la loi ou de convoquer la Cour constitutionnelle à la moindre occasion. Au-delà, il doit avoir à cœur de ne pas se laisser happer par le débat politicien : même si on peut légitimement le croire favorable au Oui, il gagne à se tenir à bonne distance des deux positions. Par-dessus tout, il ne doit pas se laisser impressionner par cette rhétorique imprudente consistant à assimiler le Oui à un soutien au CTRI. Déjà, la désignation du Premier ministre comme coordonnateur national de campagne est de nature à nourrir le soupçon.

Pour mesurer les risques encourus, un effort de réminiscence s’impose. Depuis 1993 et davantage depuis 2009, toutes les élections ont été marquées par certaines dérives : opacité du processus, partialité de l’administration et de la Cour constitutionnelle, manipulation du fichier électoral, existence de bureaux de vote pirates, violations répétées des lois, violences, financement inégale… On connait la suite : désabusés, les Gabonais en avaient perdu toute confiance dans le bulletin de vote, au point d’en appeler aux mécanismes alternatifs de prise du pouvoir, comme en témoigne la liesse consécutive au coup de force du 30 août 2023. Or, jusque-là, il était question de conserver le pouvoir. Cette fois-ci, il s’agira d’adopter une constitution et non pas de choisir les prochains dirigeants. Faut-il, pour cela, risquer le parallèle avec les expériences antérieures ? Un référendum n’étant pas un plébiscite, certaines méthodes seraient encore plus infamantes.

Présence de l’Union européenne et des Etats-Unis

D’ici au 16 novembre prochain, chacun gagnerait à réfléchir aux conséquences d’une élection suspecte ou douteuse. Sans sombrer dans le procès d’intention, le rigorisme ou le juridisme, il faut le rappeler : au nombre des engagements pris par le CTRI, figure «l’organisation des élections locales et nationales libres, démocratiques et transparentes». Or, ce référendum est la première élection d’une liste comprenant une présidentielle, des législatives, des locales et des sénatoriales. Nécessairement, son déroulement et son issue auront un impact sur la suite. Pour ainsi dire, ce sera un test grandeur nature. En tout cas, il permettra de détecter les potentiels dysfonctionnements. Si les électeurs avaient la possibilité de se faire une idée de la fiabilité du processus, les organisateurs pourraient identifier les défaillances afin d’envisager les corrections. Quant au CTRI, il aura l’opportunité d’apporter la preuve de sa bonne foi, de manière à envisager l’avenir dans un climat de confiance.

Comme chacun peut le deviner, les partenaires de notre pays ne seront pas indifférents au déroulement et à l’issue de ce référendum. Parmi eux, l’Union européenne et les Etats-Unis. Même s’il n’est nullement question d’observation électorale au sens strict, leur présence permettra à la communauté internationale d’apprécier le processus. Pour cette raison, le gouvernement a intérêt à s’inscrire dans la rupture avec un certain passé, la présidentielle de 2016 étant encore dans tous les esprits. Cette année-là, la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE) rendit un rapport accablant. Dénonçant des «anomalies», elle les jugeait de nature à remettre «en question l’intégrité du processus de consolidation des résultats et du résultat final (…)» Est-on disposé à revivre pareil opprobre ? Sans hésiter et, en dépit des intérêts du moment, chaque Gabonais doit répondre par la négative.

 

 

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Cyr tiburce MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Une seule chose pourrait permettre le retour des vieux démons de la mal gouvernance en matière de gestion des élections au Gabon, il s’agit de la trop forte proximité physique des acteurs actuels. Certains peuvent ils se déjuger. maitriser les mécanismes et le timing de l’issue de ce referendum est un fait, mais qu’en est il du fait majoritaire qui s’appuie davantage sur des données immatériels.

    Autrement dit, Gustave LEBON s’appuyant sur son ouvrage « la psychologie de la foule » dira ceci : le fait que dans un stade les spectateurs applaudissent cela ne signifie pas toujours que cela s’adresse à leur équipe fanion ».

    Comprenne qui pourra, que la justice l’emporte. Amen.

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