Faisant fi des avertissements, le gouvernement de transition gabonais a dégainé, à l’issue de son conclave du 31 août dernier, un budget 2024 revu à la hausse, gonflant les dépenses malgré une économie jugée chancelante par la communauté économique et financière internationale. Entre promesses de transparence sujettes au doute et augmentation audacieuse des dépenses, le Projet de loi de Finances Rectificative 2024 a, sur les bords, des allures d’un dangereux cocktail. Tentative de décryptage d’un pari économique vraisemblablement téméraire.

Le projet de loi de finances rectificative 2024 apparaît comme un pari audacieux. D’un côté, il vise à stimuler l’économie et à financer les priorités de la transition politique. De l’autre, il accentue les déséquilibres budgétaires et financiers du pays. © GabonReview

 

Ainsi que communiqué dans le rapport du Conseil des ministres du 31 août dernier, le gouvernement de la transition a adopté un projet de loi de finances rectificative pour l’année 2024, augmentant le budget de l’État de 331,4 milliards de francs CFA pour atteindre 4 493,4 milliards de francs CFA. Présentée comme un «budget-vérité», cette révision budgétaire vise à financer les priorités du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) tout en faisant face aux défis économiques actuels.

Un contexte économique mitigé et des dépenses en hausse

Le Gabon table sur une croissance de son PIB réel de 3% en 2024, légèrement supérieure aux 2,9% enregistrés en 2022. Cette projection repose sur des hypothèses contrastées concernant ses principales ressources. La production pétrolière devrait augmenter de 3,4%, atteignant 11,4 millions de tonnes métriques, avec un prix du baril en hausse de 9,7% à 79 USD. En revanche, le secteur du manganèse connaît des difficultés, avec une baisse de 24% du prix de vente à 134,1 USD la tonne, malgré une légère hausse de la production de 2,2%.

Selon le communiqué final du Conseil des ministres, le gouvernement prévoit une augmentation significative des dépenses d’investissement, qui passent de 497,8 milliards à 589,7 milliards de francs CFA, soit une hausse de 18,5%. Ces investissements ciblent principalement les secteurs prioritaires définis par le CTRI : routes, éducation, santé et transports. Cette orientation budgétaire vise à stimuler l’économie et à répondre aux attentes de la population à l’approche d’échéances politiques cruciales, notamment le référendum constitutionnel annoncé.

Les dépenses de fonctionnement enregistrent également une hausse notable. Les biens et services augmentent de 40%, atteignant 396,6 milliards de francs CFA, en partie pour financer l’organisation du référendum (27 milliards de francs CFA). Les transferts progressent de 11,6% à 393,3 milliards de francs CFA, incluant un soutien accru aux prix des produits pétroliers.

Un effort de transparence dans un contexte financier tendu

Le gouvernement a affirmé sa volonté de présenter un «budget-vérité», reconnaissant des sous-budgétisations passées et s’engageant à améliorer la transparence des finances publiques. Cette démarche fait écho aux recommandations du FMI qui, en mai dernier, soulignait la nécessité d’améliorer la qualité des statistiques économiques du pays.

Dans le cadre de cet effort de régularisation, le budget 2024 maintient en solde plus de 2 600 agents publics recrutés en 2023 et prévoit la régularisation administrative de 8 000 personnels supplémentaires. Ces mesures, bien que coûteuses, visent à apaiser les tensions sociales et à consolider le soutien populaire à la transition.

Malgré ces ambitions, le nouveau budget soulève des inquiétudes quant à la stabilité financière du Gabon. Le déficit budgétaire devrait se creuser à 4,2% du PIB, contre 1,8% l’année précédente. Cette détérioration, couplée à une dette publique qui risque de dépasser le seuil communautaire de 70% du PIB, a déjà entraîné une dégradation de la note du pays par les agences Fitch Ratings et Moody’s.

Le retard enregistré en juin dans le remboursement d’échéances dues à la Banque mondiale, bien qu’attribué à des «retards techniques» par le gouvernement, a accentué les préoccupations des analystes. Fitch a notamment exprimé son inquiétude quant aux «tensions financières aiguës» susceptibles d’affecter la capacité du Gabon à honorer ses engagements futurs.

Un pari risqué mais nécessaire ?

Le projet de loi de finances rectificative 2024 du Gabon apparaît comme un pari audacieux. D’un côté, il vise à stimuler l’économie et à financer les priorités de la transition politique, répondant ainsi aux attentes immédiates de la population. De l’autre, il accentue les déséquilibres budgétaires et financiers du pays, s’éloignant des recommandations du FMI en matière de consolidation fiscale.

Dans ce contexte, la capacité du gouvernement à exécuter efficacement ce budget, à attirer des investissements et à diversifier l’économie sera cruciale. L’avenir dira si cette stratégie permettra au Gabon de naviguer avec succès à travers sa période de transition politique tout en préservant sa stabilité économique à long terme.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Cyr tiburce MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Hmm on croise les doigts. Amen.

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