Il fut le prince des couloirs de la République, le maître du temps présidentiel, l’homme par qui les décisions passaient et les destins se scellaient. Tombé dans la poussière d’un empire effondré, Brice Laccruche Alihanga tente aujourd’hui de renaître, non plus dans les salons du pouvoir, mais dans le silence d’une foi retrouvée. À travers l’extraordinaire trajectoire d’un homme jadis appelé «le vrai président», c’est une page tragique, presque biblique, de l’histoire contemporaine du Gabon que nous revisitons, avec le souffle épique qu’elle mérite.
[
Réécriture par nos soins, d’un article de Gabonclic.info publié le 22 avril 2025.]

Souverain déchu des arcanes du pouvoir gabonais, Brice Laccruche Alihanga prouve que c’est parfois dans le silence de la prière que se forge la plus puissante des renaissances. © GabonReview (montage)

 

Son nom évoquait à la fois la crainte et l’admiration. Son ascension fut fulgurante, son autorité incontestée. Dans les arcanes du pouvoir gabonais, Brice Laccruche Alihanga ne marchait pas : il régnait. L’histoire du Gabon contemporain ne peut s’écrire sans passer par cette figure flamboyante qui, en quelques années à peine, a capturé l’appareil d’État et redessiné la carte des influences. Mais comme souvent dans les tragédies anciennes, plus l’ascension est haute, plus la chute est brutale et parfois la rédemption extraordinaire.

Du sommet absolu à la chute sans appel

Il fut, selon Gabonclic.info, «l’homme le plus puissant du Gabon après le président Ali Bongo Ondimba». Brice Laccruche Alihanga, ou BLA, ce nom claquait comme un tambour de guerre dans les palais ministériels. Directeur de cabinet du chef de l’État entre 2017 et 2019, il ne se contentait pas d’exécuter les ordres : il donnait le ton, imposait la cadence, façonnait les destins. Il régnait à travers un mouvement politique tentaculaire, l’AJEV (Association des jeunes émergents volontaires), qu’il érigea en véritable structure de pouvoir parallèle. À Libreville, on murmurait : «Le vrai président, c’est lui.»

Mais en décembre 2019, l’empire chancelle. Arrêté dans le cadre de l’Opération Scorpion, BLA devient l’ombre de lui-même. «Un empire s’est effondré. Un homme a été brisé», écrit Gabonclic.info. Quatre années en prison d’une inhumanité inénarrable. Mais, ce n’est pas tant l’enfermement physique que la condamnation sociale qui l’a crucifié. Car à sa sortie, ce n’est pas la liberté qu’il trouve, mais «le regard des autres, ceux-là même à qui il avait tout donné».

La trahison fut générale. Ils s’étaient tous volatilisés : Justin Ndoundangoye, Ike Ngouoni Aila Oyouomi, Noël Mboumba, Julian Engongah Owono, Geaurge Ndemengane Ekoh, Hermann Kamonomono, Tony Ondo Mba, Renaud Allogho Akoué. Ces lieutenants qu’il avait placés, ces affidés qu’il avait enrichis, n’étaient plus que des silhouettes fantomatiques. «Ils ont disparu. Comme une brume après la pluie», note Gabonclic.  Le sommet isole ; la chute excommunie.

La nuit intérieure : silence, foi, renaissance

Dans la pénombre de sa disgrâce, une étincelle. Sur sa page Facebook, Brice Laccruche Alihanga n’évoque plus le pouvoir. Il prie. Il invoque Jérémie et la résurrection du Christ : «Jérémie 31:17 – Il y a de l’espérance pour ton avenir, dit l’Éternel…». «Je prie que chacun d’entre vous expérimente la puissance de la résurrection de Jésus-Christ…»

L’homme de pouvoir s’est effacé derrière l’homme de foi. Le stratège est devenu pèlerin. Un autre chapitre s’écrit, moins tapageur, mais plus profond. Il ne réclame rien — seulement la grâce. Et Gabonclic.info pose cette question, poignante : «Doit-on tourner le dos à celui qui demande grâce ?» Non. Car même brisé, il demeure un fils du Gabon. Et le pardon, comme la prière, peut aussi être un acte politique.

Une leçon pour Oligui, un miroir pour la nation

Ce destin n’est pas qu’une tragédie personnelle : c’est un miroir tendu à toute la République. À Brice Clotaire Oligui Nguema, aujourd’hui au sommet, l’histoire adresse un avertissement muet : «Aujourd’hui, les vivats et les courbettes abondent. Mais demain ? Où seront-ils tous, quand viendra le jour de l’épreuve ?», interroge Gabonclic. La loyauté en politique est souvent un décor de circonstance. Quand les palais se vident, il ne reste que les souvenirs… et les regrets.

Brice Laccruche Alihanga, malgré ses erreurs, reste un fils du pays. Peut-être est-il même l’un des rares à avoir traversé toutes les strates du pouvoir sans jamais quitter la scène de l’Histoire. Qu’on le veuille ou non, son expérience est précieuse pour une République en reconstruction.

Dans le désert de sa solitude, une lumière faible mais tenace brille encore. Peut-être cette lumière est-elle celle d’un Gabon meilleur, plus humble, plus vrai. Un Gabon où le pouvoir ne sert plus à dominer, mais, comme le dit la dernière phrase de l’article originel, à «prendre les autres par la main et les faire grandir».

Il fut roi, il fut captif. Il fut craint, il a été un moment oublié. Mais il respire encore. Et cela suffit pour qu’un avenir soit possible. Brice Laccruche Alihanga n’est peut-être plus un acteur politique. Mais il est redevenu un homme. Et parfois, c’est à genoux qu’on bâtit les plus solides fondations.

[Article inspiré de Gabonclic.info, « Brice Laccruche Alihanga : La gloire, la chute et la grâce », publié le 22 avril 2025]

 
GR
 

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