Il aura fallu un tour de passe-passe administratif pour que le chef de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, officialise enfin son ambition : briguer la présidence gabonaise lors du scrutin du 12 avril prochain. À l’issue du dépôt de sa candidature, l’ancien général s’est félicité de son « aptitude » politique, obtenue après une mise à disponibilité actée par le ministère de la Défense. Mais au-delà de la manœuvre, ce sont les contours de sa stratégie électorale qui interpellent : un « indépendant » qui se veut rassembleur, à la tête d’un « Mouvement des bâtisseurs » aux allures de machine électorale tout-terrain. Entre légitimité contestée et volonté de perpétuer son règne, Brice Clotaire Oligui Nguema lance ainsi la bataille pour le pouvoir.

Si Oligui Nguema avance en terrain conquis, la présidentielle du 12 avril ne sera pas une formalité. Plusieurs figures de l’opposition et de la société civile dénoncent une compétition biaisée, où le chef de la transition bénéficie d’un appareil d’État encore largement sous son influence. La mise à l’indisponibilité militaire ne suffit pas à effacer les liens persistants avec les cercles du pouvoir en place. © D.R.

 

«Je suis heureux aujourd’hui de vous informer que le ministère de la Défense nationale a répondu favorablement à ma mise à disponibilité. C’est dire qu’aujourd’hui et depuis le 27 février 2025, je suis apte à faire de la politique et même à occuper la fonction suprême», a déclaré Brice Clotaire Oligui Nguema, ce 8 mars 2025, officialisant ainsi la rupture (symbolique) avec ses fonctions militaires. Une formalité juridique attendue, mais qui ne dissipe pas les soupçons d’une transition taillée sur mesure pour son accession au pouvoir civil.

Son entrée dans l’arène électorale sonne comme l’aboutissement d’un scénario écrit d’avance. Dès son coup de force contre Ali Bongo le 30 août 2023, l’homme fort de Libreville avait laissé planer le doute sur ses véritables intentions. Se posant d’abord en garant d’une transition « restauratrice », il s’était finalement octroyé le droit de briguer le fauteuil présidentiel, malgré les engagements initiaux du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).

Un « indépendant » bien entouré ?

Loin de vouloir s’embarrasser d’un parti politique, Oligui Nguema a choisi une approche plus pragmatique : «Je pense qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de raison à créer un parti. Le temps ne nous le permet pas. Mais comme tous les autres, j’irai en indépendant». Une indépendance toute relative, puisque l’ancien militaire lance dans la foulée le « Mouvement des bâtisseurs », une plateforme où il invite «toutes les forces vives de la Nation» à le rejoindre : associations, partis politiques, syndicats, jeunesse, intellectuels et bien sûr, ceux qui ont accompagné son ascension depuis le début de la transition.

Ce mouvement ressemble fort à une coalition déguisée, lui permettant d’absorber des soutiens sans s’embarrasser des lourdeurs d’un parti structuré. Une tactique qui pourrait lui assurer une assise électorale large, en récupérant aussi bien des soutiens de l’ancienne majorité que des figures de l’opposition en quête de repositionnement.

Une élection sous tension

Si Oligui Nguema avance en terrain conquis, la présidentielle du 12 avril ne sera pas une formalité. Plusieurs figures de l’opposition et de la société civile dénoncent une compétition biaisée, où le chef de la transition bénéficie d’un appareil d’État encore largement sous son influence. La mise à l’indisponibilité militaire ne suffit pas à effacer les liens persistants avec les cercles du pouvoir en place.

Ses adversaires dénoncent une confiscation du processus électoral. «Comment croire à une élection juste quand l’un des candidats est à la fois juge et partie dans l’organisation du scrutin ?» s’interrogeait encore l’acteur de la société civile, le professeur Noël Bertrand Boundzanga qui a choisi de renoncer à participer à ces joutes électorales qualifiées de pipés d’avance. Il justifie son retrait en mettant en avant l’incompatibilité entre sa candidature et la présence du président de la Transition dans la course électorale. Selon lui, cette situation fausse le jeu démocratique et remet en cause la crédibilité du scrutin. «Le 4 septembre 2023, le président de la Transition avait promis de remettre le pouvoir aux civils grâce à une élection libre, transparente et crédible. Aujourd’hui, en annonçant sa candidature, il renie sa parole et trahit la confiance du peuple gabonais».

Le défi est donc double pour Brice Clotaire Oligui Nguema : convaincre qu’il n’est pas le simple héritier de la transition et prouver que son « indépendance » n’est pas une façade. Dans un contexte où le Gabon peine encore à se remettre des décennies de gestion dynastique des Bongo, l’ex-général sait qu’il joue gros. Son pari électoral pourrait bien être une nouvelle épreuve de vérité pour le pays.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Kobbe dit :

    EUROPE: UNE ADULTE QUI REFUSE DE GRANDIR…
    Étonnez que vous allez certainement en êtres, les dirigeants/leaders les plus faibles et les moins performants au monde ne se trouveraient pas en Afrique, au Moyen-Orient ou encore moins en Asie mais…en Europe. Ce beau continent sur lequel trop des falsifications ont été faites dans les écrits nous oblige à revoir l’Histoire pour que les générations futures ne tombent pas dans la frauduleuses falsification intellectuelle et scientifique de notre temps, par les dogmes idéologiques. Mais tel chapitre si fondamental sera un sujet d’un autre jour (…)

    Tenez bien, en ce jour ça fait totalement …quatre-vingts (80) années que ce qu’on appelle communément l’Occident vit sous la parapluie militaire de la première puissance mondiale, les USA (!) Ainsi durant huits (8) décennies les protégés pays occidentaux dorment à l’aise sous la protection de Pappa. Fort de cette ‘’protection parentale’’ certains de ces pays se permettent nos seulement de savourer les retombées économiques de cette avantageuse couverture protectrice de l’Oncle Sam mais aussi fomenter des poches d’instabilités dans le Grand Sud (dit le Sud Global), surtout en Afrique et au Moyent-Orient (deux continents que la nature avait doté des richesses naturelles). A la manière d’un enfant gâté, ces pays occidentaux se permettent presque tout car protégés par un parrain Papa puissant qui aussi bénéficient et participe aux bavures de ses enfants protégés. On pille et on prêche l’homosexualité plutôt que le développement économique et l’industrialisation des autres pays.

    Il a fallu avoir à la tête des USA un président radical (Trump)pour que la face de l’Europe Occidentale soit enfin dévoilée. Soutenant les valeurs familiales traditionnelles entre homme et femme, et contestant cette protection militaro-defensive qui n’a que trop duré et coûté cher au Papa Protecteur, les pays occidentaux voient en Trump le diable en personne. Et quand la Russie et les USA veulent la paix en Ukraine, les leaders politiques européens veulent la poursuite de cette guerre qui décime la population Ukrainienne.

    L’Europe montre une curieuse attitude d’une personne majeure qui veut pas grandir. 80 années d’une protection militaire absolue sont largement assez suffisantes pour tout pays ordinaire de s’émanciper hors de la tutelle protectrice d’un autre pays. Avec cette présentation, quelle leçon les dirigeants européens donneraient-ils aux africains et asiatques? Aucune. Ce cas nous apprend à être humble car une place au soleil est à tour de rôle: des milliers de siècles auparavant c’était l’Afrique, aujourd’hui où est-elle ? (…)

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