Les assises d’Arambo place le régime face à lui-même et à son bilan. Les populations ont là l’occasion d’apprécier son honnêteté et son sens des réalités.

Pour s’avancer sur le terrain de la vie chère, il faut se tenir prêt à s’attaquer aux monopoles et empires capitalistiques, à défaire des connexions entre le monde politique et celui des affaires, à remettre de l’ordre dans la machine étatique et, à lutter contre la corruption sous toutes ses formes. © Gabonreview

 

Depuis hier et jusqu’à ce soir, le pouvoir d’achat est au cœur des débats. Il est question d’évaluer la quantité et la qualité des biens et services à la portée des ménages. Théoriquement, les revenus d’activité, les prestations sociales, les charges fiscales et les prix sont au menu. A l’orée de la prochaine présidentielle, cet exercice doit permettre de se faire une idée de la dimension sociale des politiques économiques. Il doit aider à apprécier la capacité des pouvoirs publics à répondre aux besoins des populations. Il doit permettre d’évaluer la fonctionnalité des infrastructures et la qualité des services publics. C’est dire si le gouvernement est face à lui-même et à son bilan. C’est aussi dire si les populations ont là l’occasion d’apprécier son honnêteté et son sens des réalités.

Promesses tenues ?

Au terme des assises d’Arambo, le régime sera en capacité de dire s’il peut encore susciter l’espoir. Il saura si les promesses énoncées par le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), reprises ou corrigées par le Plan de relance de l’économie (PRE) et le Plan d’accélération de la transformation (PAT), ont été tenues. IL aura ensuite le choix ou de poursuivre sur sa voie ou de se doter d’une stratégie réaliste et à court terme. Dans cette optique, quelques rappels s’imposent : en juin 2022, l’inflation était de 3,5%, au-dessus du seuil de convergence de la Cemac ; fixé à 150.000 francs CFA, le revenu minimum mensuel (RMM) est peu pratiqué, victime de la cohabitation avec le Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig), de l’ordre de 80.000 francs. Les prestations sociales ? Nul besoin de revenir sur les déboires de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Dans la vie de tous les jours, la fiscalité est matérialisée par une Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 18%, pourtant reconnue comme un impôt injuste.

Les participants aux assisses sur la vie chère doivent aussi tenir compte d’autres éléments. Pêle-mêle, une croissance sans emploi du fait de la dépendance aux industries extractives ; un système éducatif en faillite et ne répondant nullement aux besoins des entreprises ; des lourdeurs bureaucratiques et une corruption endémique ; une chaîne des transports peu fonctionnelle et pas du tout articulée, avec des frais de logistique prohibitifs. Concrètement, les panélistes doivent l’avoir à l’esprit : sur la période 2023-2027, le taux de chômage devrait se situer à 22 % en général et à 38% chez les jeunes ; manquant de formateurs, sous-équipés ou dotés de matériels peu conformes aux réalités de terrain, l’enseignement technique et professionnel forme des personnels peu qualifiés ; entre lenteurs et contrôles intempestifs, l’administration crée des surcoûts répercutés sur les prix ; payant une électricité hors de prix, confrontés à des délais d’attente et de service d’environ 4 jours, à des taxes portuaires ou aéroportuaires très élevés, les importateurs sont contraints de s’ajuster. Dans le transport ou la logistique, les coûts présentent une structure insolite.

Un prétexte pour décaisser des fonds

Année après année, ces données ont été consignées. Etude après étude, ces informations ont été documentées. Banque mondiale, Banque africaine de développement (Bad), les partenaires du Gabon ont émis des recommandations. En pure perte, le gouvernement n’ayant jamais eu les moyens et l’autorité pour aborder cette question. A se laisser impressionner par les accointances des cadors du secteur privé, il a assisté, sans mot dire, à la mise en coupe réglée du port. A se laisser intimider par les intérêts de quelques-uns, il a laissé se développer une parafiscalité handicapante. S’il veut aller au fond du débat, le gouvernement doit faire montre de courage politique. Autrement, il étalera sa propre impuissance. Au-delà, il confortera les sceptiques : ces assises apparaîtront alors, au mieux, comme un moyen de meubler le temps et, au pire, comme un prétexte pour décaisser des fonds.

Sujet structurant, le pouvoir d’achat ne s’aborde ni à la faveur d’un raout mondain ni en fin de mandat. Il se traite froidement, au moment de concevoir une offre politique et avec l’appui d’experts aux compétences diverses et variées. Pour s’avancer sur ce terrain, il faut se tenir prêt à s’attaquer aux monopoles et empires capitalistiques, à défaire des connexions entre le monde politique et celui des affaires, à remettre de l’ordre dans la machine étatique et, à lutter contre la corruption sous toutes ses formes. En clair, une stratégie de lutte contre la vie chère commande de jeter un regard holistique et de se débarrasser de toute arrière-pensée personnelle ou partisane. Théâtre de plusieurs accords mort-nés, l’immeuble d’Arambo sera-t-il le lieu d’une fumisterie politicienne de plus ? L’avenir le dira.

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GR
 

6 Commentaires

  1. Gayo dit :

    La parafiscalité, comme la taxe sur les appareils de communication importées au Gabon. Une taxe qui ne vas pas au trésor mais dans les poches de Lin Nombo, le petit copain de Mbourantsuo la faiseuse de rois Bongo au Gabon.

    • Fiona Fiona dit :

      @Gayo. Merci là-bas. Billie By Nze peut il, par exemple, faire annuler cette taxe ? Faut être con pour le croire. Comme faut être con ppur croire qu’il peut mettre fin au désordre au port, le royaume d’Oprag et Ali Bongo, ou à l’aéroport, le royaume d’Olam et Ali Bongo. En fait, il fait du bruit pour rien et veut juste trouver un peu de pognon pour Ndemezo’o et lui-même

  2. Moussavou Ibinga Jean dit :

    Ancien ministre de l’énergie, Billie By Nze à t il mis fin aux coupures ? Visiblement, il ne sait pas que ces coupures ont un impact sur les prix. Il ne sait pas qu’un commerçant qui perd une partie de son stock à cause des coupures est obligé de chercher à rattraper le manque à gagner en argumentant les prix. Il ne sait pas qu’un commerçant qui paie ou soudoie des contrôleurs venus de nulle part est obligé de chercher à rattraper le manque à gagner. Il ne sait rien et fait du bruit avec son ami Ndemezo’o

  3. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour,

    Selon Roxanne Bouenguidi : « … il faut se tenir prêt (…) à défaire des connexions entre le monde politique et celui des affaires… ». C’est un constat amer mais bien réel. 80% des ressources du Gabon sont détenues par 20% de sa population. Ce sont eux les principaux investisseurs et acteurs politiques. Vont-ils scier la branche sur laquelle ils sont assis? Contrairement à ce qui dit, la TVA est une taxe juste (en théorie) parce que tout le monde la paye (contrairement à l’impôt sur le revenu). En revanche, les entreprises qui la collectent devraient la reverser au Trésor public. Et je comprends l’inquiétude de Gayo. On ne peut pas s’affranchir de cette obligation. C’est le début des privilèges et des dérives opportunistes.

    Lutter contre la vie chère, c’est réformer en partie la fiscalité des entreprises. Nécessairement une baisse de la TVA (ou l’impôt sur les sociétés) peut en être l’accélérateur. Surtout sur les produits de première nécessité (y compris le transport) et de consommation courante aussi. Le véritable défi réside dans le fait que tous les acteurs jouent le jeu des réformes. La règle doit s’appliquer à tous, en tous lieux et en tout temps. Pour citer Roxanne Bouenguidi, la lutte contre la vie chère, c’est dépasser les intérêts « … personnelle et partisane… » Cette formule est très intelligente.

    Une faiblesse évidente de notre économie est sa grande dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Cela crée des déséquilibres structurels. Une absence d’industrie agro-alimentaires de base est aussi à constater. Avec 17780km2 environ de territoire maritime, le Gabon devrait se doter d’une entreprise nationale de pêche et former ces marins pêcheurs. Ca nous évitera de consommer et de sur-payer du poisson congelé que les chinois nous revendent (comme d’autres produits). C’est une piste à suivre. Nous avions une bananeraie en Ntoum, des surfaces agricoles d’ananas dans sud du pays. Où est donc passer cette politique agricole que nous avions dans les 1980? Est-il normal que le Cameroun soit le grenier du Gabon? Lutter contre la vie chère, c’est aussi investir et inverser cette mentalité opportuniste (et partagée) qui nous anime.

    Cordialement.

  4. Fiona Fiona dit :

    La TVA est injuste parce qu’elle frappe indistinctement les gens et ne tient pas compte du revenu. Très pauvres, pauvres, riches ou milliardaires, tout le monde la paie et avec la.meme taxation. Toit le monde paie le même montant. D’où son caractère injuste

  5. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour Mlle Fiona,

    Dans certains pays, il existe différents niveaux de TVA. En France, il y a la TVA à 5.5% pour les produits de première nécessité; la TVA à 10% pour les travaux; la TVA à 20% pour les produits courants et la TVA majoré pour les produits de luxe. Plus vous êtes riches, plus vous consommez et plus vous payer de TVA. C’est qui est juste. En revanche, si vous êtes modeste, votre consommation s’en trouverait réduite et donc vous payez moins de TVA. Sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques, seules les personnes d’un certain revenu le paye. Pour des raisons de justice sociale, les personnes ayant un revenu faible n’en paient pas.
    Le débat sur la lutte contre la vie chère est un débat sur la justice sociale. Et la fiscalité peut jouer un rôle dans la résolution de ce problème.

    Bonne continuation.

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