En donnant suite à la procédure, le ministère public a laissé le sentiment de minimiser les fautes des officiers de police judiciaire, alimentant les soupçons d’instrumentalisation à des fins politiciennes.

Si Nzouba-Ndama doit répondre de ses actes, rien n’exonère la justice du respect de ses droits. Rien ne l’oblige à démultiplier les procédures, à valider ou couvrir les fautes des officiers de police judiciaire. © Gabonreview

 

Confrontée à la défiance populaire, la justice aurait pu transformer l’affaire Nzouba-Ndama en une opportunité. Accusée d’être inféodée au pouvoir politique, elle aurait pu en profiter pour apporter la preuve du contraire. Soupçonnée de servir des intérêts partisans ou privés, elle aurait gagné à faire la démonstration de son professionnalisme, de son indépendance et de son impartialité. Las. En raison d’une accumulation de fautes et vices de procédure, elle sombre, chaque jour un peu plus, dans les abysses du discrédit. Du fait d’une propension à faire la loi au lieu de la dire, elle envoie des signaux toujours plus inquiétants. Deux juridictions ne pouvant se saisir de la même affaire au même moment, pas grand monde ne comprend le traitement réservé au président du parti Les Démocrates, tantôt accusé de «contrebande de marchandises», tantôt de «blanchiment de capitaux», tantôt de «collusion avec une puissance étrangère.» Personne ne sait si l’affaire a réellement été dépaysée. Le tribunal de Franceville a-t-il été dessaisi au bénéfice de la Cour criminelle spéciale ? Nul ne peut trancher.

Procédure viciée à la base

Dans un contexte où l’exécutif a la haute main sur tout, ces questions font sens. Dans un environnement où la politique se confond avec la politicaillerie, elles revêtent un intérêt particulier. En tout cas, elles traduisent des inquiétudes pour l’État de droit et le vivre-ensemble. Si Guy Nzouba-Ndama doit répondre de ses actes, rien n’exonère la justice du respect de ses droits. Rien ne l’oblige à démultiplier les procédures, à valider ou couvrir les fautes des officiers de police judiciaire. Rien ne la contraint non plus à faire dans le zèle, quitte à donner l’impression de chercher à ruiner une carrière politique. Une peine d’emprisonnement avec sursis ? Dans tous les cas, elle serait inscrite au casier judiciaire, mettant fin à toute velléité de candidature à la présidentielle. De même, une amende de 2,3 milliards de nos francs le rendrait insolvable, réduisant ainsi sa capacité à financer une campagne électorale. Est-ce le but poursuivi ? Avec force et conviction, certains l’affirment.

Révélée au grand public de façon théâtrale voire en violation de tous les principes, l’affaire Nzouba-Ndama aurait pu avoir un meilleur traitement. Malheureusement, la justice semble avoir choisi de faire comme si la gendarmerie n’avait pas accumulé des bourdes, comme si une procédure viciée à la base était recevable. Comme si des officiers de police judiciaire pouvaient effectivement en imposer au ministère public. L’audience de mardi 17 octobre dernier ne doit pas faire oublier le spectacle servi par des gendarmes quelques semaines auparavant. Elle ne doit pas non plus occulter le débat sur le dépaysement de cette affaire. Pourtant, la procédure initiée le 17 septembre dernier suit son cours. A Franceville, le tribunal de première instance a formulé ses réquisitions sans tenir compte des multiples entorses aux règles. Dans quelques jours, le juge d’instruction spécialisé pourrait lui emboîter le pas, comme si des manquements n’avaient pas été relevés.

Soupçons d’instrumentalisation à des fins politiciennes

Tout se passe comme si les magistrats avaient décidé de prendre sur eux les abus et dérapages des gendarmes. Comme s’il n’avaient cure du qu’en dira-t-on ou comme s’ils étaient en mission commandée. Certes, un classement sans suite aurait eu de lourdes répercussions. Politiquement et moralement, elle aurait été du plus mauvais effet. Techniquement, elle aurait envoyé l’image d’une justice pas toujours au fait des procédures ou lois en vigueur. Mais, le ministère public aurait quand même eu la possibilité de contester, quitte à ouvrir une nouvelle enquête. Il aurait aussi eu l’opportunité de remettre les Douanes en scelle en les laissant prendre la main. En donnant suite à la procédure, il a laissé le sentiment de minimiser les fautes des officiers de police judiciaire, alimentant les soupçons d’instrumentalisation à des fins politiciennes.

Dans l’affaire Nzouba-Ndama, l’immixtion de la gendarmerie a eu pour conséquence le mutisme des services des Douanes, pourtant concernés au premier chef. Elle a aussi entraîné la pénalisation d’une faute administrative. Pour une partie de l’opinion, c’est la preuve d’une manipulation voire d’une volonté de se servir de cet événement pour disqualifier un potentiel candidat à la présidence de la République. Peut-on s’accommoder d’une telle déduction ? Peut-on la laisser s’installer ? Peut-on ne pas en tenir compte ? Pour les magistrats, il est encore temps de se poser certaines questions. Rendez-vous dans quelques semaines, au moment de l’énoncé du verdict final.

 
GR
 

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