Adoption du nouveau Code électoral : Comme un retour à l’ordre ancien
Si l’avis du Conseil d’Etat a superbement été ignoré, le PDG a mené la barque comme bon lui semblait, violant la Constitution en plusieurs points, notamment s’agissant de la souveraineté nationale, de l’indivisibilité de la République et de la nullité du mandat impératif.
Une loi guidée par l’émotion, examinée puis votée au pas de charge. Sur la forme, jamais code électoral n’a autant ressemblé à un fourre-tout. Pourtant, agissant en sa qualité de conseiller du gouvernement, le Conseil d’Etat a été clair : tous les aspects de la matière électorale devaient être traités par des textes distincts. En clair, il fallait, dans l’immédiat, adopter une loi d’orientation portant dispositions communes à toutes les élections politiques puis, une loi spéciale relative à l’élection du président de la République. Une fois la nouvelle Constitution devenue opposable, on pouvait alors plancher sur les législatives, sénatoriales et locales. Sur le fond, jamais code électoral n’a paru aussi contraire à la Constitution et aux principes républicains. Modifié à plusieurs reprises, jamais ce texte n’a autant laissé le sentiment de porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux.
Fausses bonnes idées
Adopté au terme d’une commission mixte paritaire (CMP) décidée et conduite à la va-vite, le nouveau Code électoral n’est pas seulement contraire aux préconisations du Conseil d’État. Il va aussi à l’encontre de plusieurs principes constitutionnels, notamment la souveraineté nationale, l’indivisibilité de la République et la nullité du mandat impératif. Croyant prévenir la «transhumance électorale», rédacteurs du texte et parlementaires ont raisonné comme si on vit sous un régime de souveraineté populaire, comme si les élus représentent leurs électeurs et pas la nation, comme si les citoyens ne sont pas chez eux sur l’ensemble du territoire national. En instaurant des quotas, ils ont cru favoriser l’accès de certaines catégories de citoyens aux fonctions électives. Mais, ils ont en réalité raisonné comme si la République et l’État sont divisibles, comme si le peuple gabonais est une juxtaposition de communautés, comme si l’on doit s’accommoder de revendications identitaires et discriminations. En consacrant une période de viduité pour tout élu exclu de son parti, ils ont violé le principe de souveraineté nationale ainsi que les articles 39 et 90 des constitutions du 26 mars 1991 et du 19 décembre 2024 relatifs au mandat impératif.
Autant d’entorses à la loi et aux principes susceptibles de compromettre la jouissance des droits voire de conduire à un rejet du texte par la Cour constitutionnelle. Pourtant invité à amender le texte, le Parlement a refusé de suivre la recommandation du Conseil d’État, préférant emboiter le pas au gouvernement. Pis, croyant lutter contre certaines pratiques, notamment le transport des électeurs, les débauchages politiques ou la faible représentation des femmes et jeunes, il a repris toutes les fausses bonnes idées. S’il était prévisible, s’il trouve aussi sa cause dans certaines conclusions du Dialogue national inclusif (DNI), ce dérapage a été rendu possible par le conformisme du Parlement et de la CMP, outrageusement dominés par le Parti démocratique gabonais (PDG). Or, – il n’est pas inutile de le rappeler – ce parti n’a jamais été porteur de progrès. Bien au contraire…
L’avis du Conseil d’État, superbement ignoré
À la fois soucieux de faire la courte échelle au Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) et de ménager leurs arrières, les parlementaires issus du PDG ont mené les débats comme ils savent le faire : dans l’opacité, le refus de la contradiction et le mépris des normes. Au passage, ils ont marché sur de nombreux principes pourtant repris par la nouvelle Constitution. Pis, en violation de l’article 172 de celle-ci, ils ont légiféré sur toutes les élections, y compris le référendum. Même si la Cour constitutionnelle venait à prendre ses responsabilités, le vote de cette loi en dit long sur le fonctionnement de nos institutions : si l’avis du Conseil d’État a superbement été ignoré par le gouvernement et le Parlement, le PDG a mené la barque comme bon lui semblait. Comme un retour à l’ordre ancien.
Le 30 août 2023, le CTRI avait dénoncé une «gouvernance irresponsable, imprévisible», pointant une «grave crise institutionnelle, politique, économique et sociale», avant de prononcer la dissolution de «toutes les institutions». Dans la Charte de la Transition, il s’est fixé des objectifs, notamment «la refondation de l’État afin de bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit» et, la conduite «de réformes majeures sur les plans politique, économique, culturel, administratif et électoral». Entre un délai de 10 jours, soit environ quatre par Chambre, la surdité à certaines recommandations et les entorses à la Constitution, est-il encore sur cette ligne ? L’avenir le dira…
1 Commentaire
Le Gabon est le seul pays où des Putchistes élaborent une constitution et un code électoral. Que pouvait-on attendre d’un pays de moutons bénis oui-oui.
40 ans après la mort de Franco en Espagne, la Constitution fut élaborée par des partis politiques y compris le Parti Communiste.
Le Gabon est sur la voie d’une dictature qui ne dit pas son nom. L’arrogance va battre son plein. Vive le Messie-Sauveur!