Adaptation : Nous ne sommes pas prêts !
Face à l’urgence climatique, la France a opté pour une approche radicale : toutes ses politiques publiques devront désormais intégrer un scénario de réchauffement de +4°C d’ici 2100. Un choix qui devrait inspirer le Gabon, estime Adrien NKoghe-Mba*, pour qui son pays doit impérativement se doter d’une trajectoire d’adaptation similaire. Le directeur général de l’Institut Léon Mba appelle à une mobilisation nationale immédiate, soulignant que sans vision commune et action concertée, le pays restera vulnérable face aux menaces spécifiques qui le guettent, notamment les vagues de chaleur humide caractéristiques des tropiques.
Le 25 octobre dernier, à Eveux dans le Rhône, le Premier ministre français, Michel Barnier, dévoilait le troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC) de la France. Ce n’est pas une “bonne initiative” de plus. C’est une sonnette d’alarme. Le message ? La France envisage un réchauffement à +2°C dès 2030 et à +4°C en 2100. Et pour s’y préparer, la France a fait un choix radical : toutes les politiques publiques devront intégrer cette trajectoire. Tout. Que ce soit la santé, l’éducation, les infrastructures ou le logement, tout doit passer par le prisme de l’adaptation au réchauffement.
Le Gabon doit tirer une leçon urgente de ce plan : nous avons besoin, nous aussi, d’une Trajectoire de Réchauffement de Référence pour l’Adaptation au Changement Climatique (TRACC). Sans cela, nous avançons à l’aveugle dans un monde qui se réchauffe. Le Gabon, face à des menaces spécifiques comme les vagues de chaleur humide – véritable poison lent des tropiques – doit définir et adopter un plan d’adaptation, non pas dans quelques années, mais maintenant.
Le climat tue déjà – et nous ne faisons rien
Les chiffres parlent. Selon World Weather Attribution, les catastrophes climatiques exacerbées par le réchauffement ont déjà fait plus de 570 000 morts au cours des deux dernières décennies. Le changement climatique n’est pas une “menace de demain” ; c’est une réalité qui tue aujourd’hui. Ce n’est pas un “risque de plus” pour nos sociétés ; c’est un catalyseur de crise qui amplifie chaque défi. Au Gabon, l’air chaud et humide va frapper notre santé publique, notre économie, nos infrastructures. Et soyons clairs : on ne peut pas s’adapter sans une vision commune, et surtout sans agir ensemble. La réponse est radicale mais évidente : chaque politique publique gabonaise doit intégrer l’adaptation au changement climatique, sans exception. Le PNACC français a bien raison de conditionner tout investissement public à cette trajectoire ; nous devons faire de même, et vite.
Se préparer aux chocs climatiques : sans adaptation, pas de survie
Les infrastructures ? On doit les repenser, maintenant. Écoles, hôpitaux, routes, tout doit être prêt pour des températures extrêmes, des sécheresses plus longues et des inondations soudaines. Imaginez un Gabon où les bâtiments actuels sont impuissants contre les vagues de chaleur – c’est notre avenir si nous restons inactifs. Il ne s’agit pas seulement de construire en “dur” ; il s’agit d’intégrer des stratégies de résilience dans chaque choix de développement. La France a fixé des échéances pour adapter ses infrastructures ; nous n’avons même pas encore commencé.
Mobiliser tous les Gabonais pour faire face aux menaces climatiques
Le changement climatique ne concerne pas qu’un ministère ou une poignée d’experts ; il doit être une affaire nationale. Au Gabon, nous devons mobiliser chaque acteur, chaque secteur, chaque citoyen. Nos solutions d’adaptation doivent être enracinées dans notre réalité locale : reforestation, préservation des zones humides, gestion durable de l’eau et des sols. Car face à la montée des températures, chaque écosystème est une barrière vitale, et chaque action compte.
Financer l’adaptation, ou en payer le prix fort
La question n’est pas de savoir “si” nous allons payer pour cette adaptation, mais “quand et combien”. Au Gabon, sans une trajectoire de référence et sans financement dédié, chaque crise climatique aggravera notre dette climatique. Le PNACC de la France, avec ses investissements d’urgence et sa vision à long terme, montre la voie. Au Gabon, nous ne pouvons plus compter uniquement sur des financements étrangers ; nous devons créer et structurer nos propres mécanismes de financement pour anticiper les impacts à venir.
L’heure est venue de repenser toute notre gouvernance sous le prisme de l’adaptation. Le PNACC français n’est pas parfait, mais il nous envoie un message limpide : une vision sans action est un mirage. Alors, Gabon, il est temps de se doter d’une trajectoire de réchauffement locale et de mettre l’adaptation au cœur de toutes nos décisions.
*Directeur général de l’Institut Léon Mba et président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo
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