En vue de renforcer sa souveraineté énergétique, le Gabon a récemment acquis Assala Energy pour 1,3 milliard de dollars, avec le soutien financier du géant suisse du négoce, Gunvor. Saluée comme une victoire nationale, cette transaction soulève pourtant de nombreuses questions. Entre opacité des accords, dépendance financière et défis opérationnels, l’acquisition pourrait se révéler n’être qu’un miroir aux alouettes plutôt qu’une véritable prise de contrôle. Regard froid sur une opération qui pourrait redessiner le paysage pétrolier gabonais, pour le meilleur ou pour le pire.

Bien que le Gabon soit désormais propriétaire d’Assala Energy sur le papier, le contrôle effectif de la production et des revenus pourrait être limité par les engagements pris envers Gunvor. © GabonReview

 

Le 21 juin dernier, le Gabon a finalisé l’acquisition d’Assala Energy, filiale pétrolière et gazière du groupe Carlyle, pour 1,3 milliard de dollars. Cette opération, menée par la Gabon Oil Company (GOC), a été saluée comme une avancée majeure vers la souveraineté énergétique du pays. Cependant, un examen approfondi de la transaction soulève des interrogations quant à la réalité de l’indépendance tant vantée.

Un financement crucial, mais opaque

Au cœur de cette acquisition se trouve un acteur inattendu : Gunvor Group, géant suisse du négoce pétrolier. Face à l’incapacité du Gabon à obtenir un financement bancaire classique, Gunvor est intervenu pour aider au financement de l’opération. Si cette intervention a permis la concrétisation de l’achat, elle soulève également de nombreuses questions sur les conditions de ce partenariat.

Malgré les obligations de transparence liées au retour du Gabon au sein de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), les détails de l’accord avec Gunvor demeurent confidentiels. Cette opacité alimente les spéculations sur les contreparties exigées par le négociant suisse.

Cité par Jeune Afrique, Aly Sy, ancien trader chez Vitol, met en garde : «Gunvor ne fait pas la charité. Il va automatiquement s’octroyer les prochaines ventes de brut pour se faire rembourser les montants injectés dans l’opération.» Cette lecture suggère que le Gabon pourrait avoir troqué une dépendance envers Carlyle contre une autre envers Gunvor.

Une souveraineté sous conditions, un pari risqué dans un marché volatil

En effet, les sociétés de négoce comme Gunvor ne sont pas des prêteurs traditionnels. Leur implication dans de telles transactions s’accompagne généralement de droits préférentiels sur la commercialisation du pétrole produit. Ainsi, bien que le Gabon soit désormais propriétaire d’Assala Energy sur le papier, le contrôle effectif de la production et des revenus pourrait être limité par les engagements pris envers Gunvor.

L’acquisition d’Assala Energy représente un investissement considérable pour le Gabon, équivalent à environ 7% de son PIB. Dans un contexte de volatilité des prix du pétrole, cette dette importante pourrait peser lourdement sur les finances publiques si les cours venaient à baisser significativement. De plus, la capacité du Gabon à gérer efficacement ces actifs reste à prouver. La GOC, bien que motivée, n’a pas l’expérience opérationnelle d’un major pétrolier international. Le risque d’une baisse de la production ou d’une augmentation des coûts d’exploitation ne peut être écarté.

Au vu de ces éléments, la souveraineté acquise par le Gabon sur Assala Energy apparaît plus symbolique que réelle. Si le pays détient désormais formellement les actifs, son autonomie décisionnelle et financière semble fortement contrainte par l’accord avec Gunvor.

Ingérence extérieure ?

La véritable souveraineté énergétique impliquerait non seulement la propriété totale des actifs, mais aussi la liberté de les exploiter et d’en commercialiser la production sans ingérence extérieure. Or, le manque de transparence sur les termes de l’accord avec Gunvor laisse penser que cette liberté pourrait être significativement restreinte.

L’acquisition d’Assala Energy par le Gabon, bien que présentée comme une victoire pour la souveraineté nationale, soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Sans une clarification des termes de l’accord avec Gunvor et une démonstration de la capacité du Gabon à gérer efficacement ces actifs, il est difficile d’affirmer que le pays a véritablement acquis une souveraineté sur cette compagnie pétrolière.

Cette opération pourrait in fine s’avérer être un simple transfert de dépendance, d’un acteur à un autre, plutôt qu’une véritable prise de contrôle nationale. Seul le temps, et une plus grande transparence, permettront de déterminer si cette acquisition marque réellement un pas vers l’indépendance énergétique du Gabon ou si elle n’est qu’un changement de façade dans la gestion de ses ressources pétrolières.

 
GR
 

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