Voulue par Emmanuel Macron, cette rencontre permettra à l’opinion de se forger son idée des relations franco-africaines.

Avant de songer à délocaliser son initiative, Emmanuel Macron aurait dû réfléchir. Ne l’ayant pas fait, il expose son pays à tous les procès. Ni la note conceptuelle ni les explications des diplomates ni la campagne de presse en cours n’empêcheront l’opinion de se faire sa religion. © Gabonreview

 

A Libreville en mars prochain, se dessineront les contours de la nouvelle image de la France. Pas indifférente au narratif de certains influenceurs, l’opinion ne manquera pas de mettre les choses en perspective. A travers les discours et attitudes, elle essaiera de se forger son idée. Bon gré, mal gré, c’est l’un des principaux enjeux du One Forest Summit, cette rencontre controversée. D’abord en raison de son initiateur : une ancienne puissance coloniale accusée d’avoir construit «des réseaux d’influence et des lobbies (…) pour détourner (…) les richesses issues des matières premières». Ensuite à cause du moment choisi : cinq mois avant une présidentielle à hauts risques. Enfin du fait de la nature des organisateurs : des gouvernements et pas la Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac), définie comme l’«unique instance d’orientation, de décision et de coordination des actions et initiatives sous-régionales en matière de conservation et de gestion durable des écosystèmes forestiers».

La portée du déplacement d’Emmanuel Macron

Dès la fin de cette rencontre, la portée du voyage d’Emmanuel Macron sera recherchée. Ce déplacement s’inscrit-il dans la perpétuation de la Françafrique ? Procède-t-il d’une tentative d’en ravaler la façade ? Ou traduit-il une volonté de la solder ? La France aura beau vanter la nécessité de «permettre (aux pays forestiers) de tirer des bénéfices (…) de politiques plus protectrices des forêts». On lui rappellera le rôle trouble naguère joué par ses entreprises, accusées d’avoir pillé les forêts d’Afrique centrale, en dépit des certifications délivrées sur le tard. Elle pourra toujours mettre en avant la nécessité de «renforcer la coopération scientifique». On lui opposera les accusations portées par Greenpeace contre le Centre international pour la recherche agronomique et le développement (Cirad), soupçonné de soutenir des activités d’écoblanchiment.

Au moins jusqu’à la prochaine présidentielle, l’opinion ergotera sur le rôle de la France. A coup sûr, l’on cherchera à savoir si le One Planet Summit ne poursuit pas d’autres objectifs, au risque de surévaluer ses intérêts. Pourquoi promouvoir le cross-laminated timber ? Pour «réduire l’empreinte carbone» ou pour tuer l’industrie du contreplaqué ? Pourquoi défendre l’agroforesterie ? Pour encourager la culture du cacao et du café ou pour freiner l’expansion du palmier à huile ? Pourquoi militer pour la protection des mangroves ? Pour préserver ces «réserves vitales de carbone et de biodiversité» ou pour influencer les négociations sur la pêche ? Voire pour déloger la Chine et le Japon de ce secteur ? Pourquoi cartographier nos fonds marins ? N’y a-t-il pas déjà trop à faire dans le plateau continental français, l’un des plus vastes du monde ? Des réponses à ces questions, émergera une doxa populaire, pas forcément pertinente mais suffisamment intelligible pour se répandre.

Retour de manivelle

Avant de songer à délocaliser son initiative, Emmanuel Macron aurait dû réfléchir à tout cela. Ne l’ayant pas fait, il expose son pays à tous les procès. Ni la note conceptuelle ni les explications des diplomates ni la campagne de presse en cours n’empêcheront l’opinion de se faire sa religion. S’étant posé en expert en psychanalyse sociale, le président français a minimisé le principe de causalité, refusant de voir dans la «montée du sentiment anti-français» une conséquence de la Françafrique. Ayant tout analysé sous le prisme des luttes d’influence avec la Russie, il a circonscrit sa lecture aux pays du Sahel, ne percevant pas les sournoises métastases. S’il avait voulu «faire entendre la voix de l’Afrique sur le climat et la biodiversité», il aurait sans doute pris la mesure des risques.

La «nouvelle histoire des relations franco-africaines» ne s’écrira pas en frayant avec des régimes aux légitimités sujettes à caution. Encore moins en se montrant sourd aux récriminations de la société civile. Comme pour la construction européenne, elle se fera en définissant puis en respectant des critères de convergence politiques, économiques, sociaux, ou environnementaux. Pour cela, il ne faut ni céder au prêt-à-penser ni entretenir de propagande. A l’inverse, il faut regarder la réalité en face et avoir le courage de nommer les choses. Autrement, l’on s’expose à un retour de manivelle. Présenté comme un haut-lieu de la lutte contre le réchauffement planétaire et l’érosion de la biodiversité, le Gabon vit pourtant au rythme des scandales de corruption dans le secteur forestier. Pour cette seule raison, on peine à comprendre cet engouement international. Du coup, certains y voient le signe d’une renaissance de cette Françafrique de triste réputation. Pour le plus grand malheur de la cause écologique, et au détriment du One Forest Summit.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. CYR Moundounga dit :

    Bjr. Ce qui nous intéresse nous c’est ce qui va se passer en marge du sommet. Voilà une occasion vraiment idéale et pas hasardeuse pour le PR Français de clore définitivement le débat politique à Gabao. Amen.

    • Fiona Fiona dit :

      @cyr Moundounga. Il va clore le débat parce que c’est son pays ? Vous-memes réfléchissez comme des esclaves. Après vous les insultez et appelez la Russie. Si vous pensez que c’est lui qui décide au Gabon, alors organisez vous pour lui dire votre part de vérité, au lieu de perorer inutilement

Poster un commentaire