À l’orée de la campagne présidentielle : Faire échec au kounabélisme

Non seulement il faut rappeler à l’ordre tout contrevenant au contenu du communiqué relatif à l’utilisation de l’image du président de la Transition, mais il faut surtout faire œuvre de pédagogie en rappelant les valeurs républicaines et principes de bonne gouvernance.

Entonner un joyeux anniversaire au président de la Transition, durant la levée des Couleurs, revient à ne pas établir de frontière entre vie publique et vie privée. Cela revient aussi à ne pas faire le distinguo entre l’institution président de la République et le titulaire de la fonction. © GabonReview (captures d’écrans)
Était-ce opportun ? Était-ce nécessaire ? Dans ce Gabon en transition démocratique, des fonctionnaires ont été invités à entonner un joyeux anniversaire au président de la Transition, durant la levée des Couleurs. Au ministère de l’Éducation nationale, la scène a été consignée dans une vidéo, où l’on peut voir la ministre s’adresser à des adultes sur un ton infantilisant, à la manière d’une enseignante du pré-primaire face à des bambins. Était-ce conforme aux valeurs républicaines et principes de l’État de droit ? Peu importe. Cette initiative déroute, faisant craindre une banalisation du mélange des genres. Sans sombrer dans des attaques ad hominem ni faire dans le procès d’intention, encore moins céder aux circonvolutions rhétoriques, il faut se demander si tout cela contribue à «l’instauration d’une culture de bonne gouvernance et de citoyenneté responsable». Au-delà, il faut chercher à savoir à qui cela profite.
Une lutte de positionnement
Par définition, l’anniversaire relève de la vie privée. Si certains chefs d’État organisent des cérémonies somptueuses, d’autres préfèrent l’intimité familiale. Même en Corée du Nord, l’anniversaire du dirigeant s’inscrit de moins en moins dans le calendrier républicain, Kim Jong-un s’étant affranchi de cette coutume par «retenue» et pour «souligner sa simplicité et son humilité». Or, la levée des couleurs, elle, est un instant solennel, éminemment républicain, les participants étant censés adopter un comportement exemplaire, fait de déférence et d’égards pour l’emblème du pays. Mener les deux événements concomitamment revient à ne pas établir de frontière entre vie publique et vie privée. Cela revient aussi à ne pas faire le distinguo entre l’institution président de la République et le titulaire de la fonction. Cela revient enfin à œuvrer à l’instauration d’un culte de la personnalité contraire à l’objectif de «restauration des institutions».
Communément appelé «kounabélisme», le culte de la personnalité s’exprime aujourd’hui de diverses manières, avec une intensité rarement atteinte. Sans en évaluer les conséquences sur leur santé, des compatriotes décidaient, fin janvier, d’entrer en grève de la faim pour contraindre le président de la Transition à faire acte de candidature. Quelques jours plus tard, un syndicaliste parlait d’ester en justice pour les mêmes raisons, sans citer les dispositions juridiques pouvant soutenir son acte. Entre-temps, on a assisté à un foisonnement d’associations, opportunément créées à la même fin. Prétextant un soutien au président de la Transition, d’aucuns se livrent en réalité à une lutte de positionnement. Dévorés par l’ambition, ils étalent leur faible imprégnation aux valeurs de la République. Habités par l’envie de plaire, ils affichent leur mauvaise compréhension des fondamentaux de la bonne gouvernance. Dans leur agitation, ils recyclent toutes les méthodes décriées, y compris celles ayant eu cours aux heures les plus sombres du parti unique.
Un sournois révisionnisme historique
Entre curée et odes à la gloire du chef, ce culte de la personnalité poursuit aussi une auto-absolution. Autrement dit, il vise à occulter la complicité des uns voire leur responsabilité dans les dérives du régime déchu, singulièrement après l’accident vasculaire cérébral d’Ali Bongo. Au-delà, il tend à minimiser voire à passer sous silence les luttes politiques, syndicales et sociales menées par d’autres. Pour tout dire, il participe d’un sournois révisionnisme historique, c’est-à-dire d’une volonté de réinterpréter les faits ou de les remettre en perspective, quitte à les triturer. Comme dans toutes les sociétés ayant vécu sous des régimes liberticides, il y a là une propension à discréditer certaines idées, groupes ou personnalités à l’engagement éprouvé. Même de manière inconsciente, cet objectif habite les praticiens du «kounabélisme» ambiant.
Comment faire échec à cette pratique ? Comment l’empêcher de polluer la campagne présidentielle à venir ? Comment créer les conditions d’un débat serein, fondé sur les idées et non sur les personnes ? En mars 2024, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) s’élevait contre «l’utilisation abusive sinon malveillante de l’image (du) président de la Transition» , invitant les uns et les autres à «mener leurs activités dans le cadre des lois et règlements en vigueur». Au vu des résultats, il faut se montrer plus ferme et aller plus loin : non seulement il faut rappeler à l’ordre tout contrevenant, mais il faut surtout faire œuvre de pédagogie en rappelant les valeurs républicaines et principes de bonne gouvernance. C’est la seule manière de mettre un terme au culte de la personnalité et prévenir les dérives y associées.

5 Commentaires
Si Oligui avait une poussière intégrité, de valeurs républicaines et démocratiques, il virerait Ntountoume Leclerc et son esprit foncièrement PDGiste. C’est un déni de démocratie parce que tous les fonctionnaires de ce département ne sont pas obligé d’aimer et louer Oligui. Le Gabon nous appartient tous et ils sont la pour servir leur pays et non le PDG-CTRI et Oligui. On est reparti avec les brimades qui feront que bientôt Oligui sera aussi honni que Ali Bongo. Le minimum que l’on puisse donner aux gabonais c’est le respect. Forcer les gabonais a chanter pour Oligui c’est leur manquer de respect. Nous ne sommes pas sortis du Bongoisme.
« O yayoooo ! à la façon de Kounabéli ». Comme c’est loin.
Le groupe d’animation ‘kounabéli’ a eu ses moments de popularité sous Albert. La diffusion des groupes d’animations était programmée les jeudi (je crois) dès 20h30.
« La minute du parti » était diffusée le mardi avant ou après le journal du 20h.
Ce qui est nommé ‘kounablisme’ n’est que l’expression de la joie que ressente les militants – c’est une composante de l’ADN du parti démocratique gabonais.
C’est un mode (une liberté) d’expression qui caractérisait les membres de ce parti.
C’est illusoire de vouloir le réprimer.
Camélia Ntoutoume-Leclercq tu as raison de venir narguer les gens. On a tord de ne pas comprendre qu’Oligui et le CTRI sont venu restaurer le PDG, ses valeurs et sa culture rétrogrades qui empêchent notre pays et son peuple de progresser.
Camélia Ntoutoume-Leclercq ce qu’on vous demande c’est de faire votre « O yayoooo ! à la façon de Kounabéli » dans le cadre des activités folklorique de votre parti et de ne pas contraindre les gabonais qui servent leur pays dans l’éducation dans votre délire. Dans un pays normal où vous sanctionnerait pour avoir porter atteinte à la nature républicaine du service publique parce que vous vous croyez sous le parti unique.
En pays de moutons où tout revient à une nomination ou â percevoir 5000 francs, t le Kounabélisme ne peut que continuer. La mentalité République bananière est ancrée en Afrique n’en déplaise à tous ceux-là qui avaient crié au scandale lorsque Jacques Chirac avait dit que la Démocratie était un luxe pour l’Afrique.