Nombre de positions traduisent une volonté de s’exonérer à peu de frais, les dérives du passé ayant éclos sur un mélange d’arbitraire, d’irresponsabilité, d’opacité et, de sectarisme.

«L’analyse du projet de constitution est essentiellement guidée par l’émotion et les considérations identitaires». «Derrière une rhétorique aux accents patriotiques, mais aux relents nationalistes, se cache en réalité le refus d’assumer un certain passé.» © GabonReview

 

Tout a été dit sur le projet de constitution. Sur la répartition des compétences comme sur la remise en jeu du pouvoir, le contrôle de l’action publique, le fonctionnement de la justice, les droits et libertés, la responsabilité des détenteurs de mandats électifs, tant de choses ont été écrites. De mémoire de citoyen, jamais la société ne se sera autant saisie d’un texte. De mémoire de journaliste, jamais une loi n’aura suscité autant de commentaires et analyses. Dans ce foisonnement d’idées, deux thèmes auront tenu la vedette : les critères d’éligibilité à la présidence de la République et, l’accès à la propriété foncière. Entre arguments par analogie et demi-vérités, nombre de commentateurs se sont livrés à une surenchère verbale, maniant des théories pas toujours maîtrisées.

Refus d’assumer un certain passé

De prime abord, une impression se dégage de ces échanges : l’analyse du projet de constitution est essentiellement guidée par l’émotion et les considérations identitaires. Mais, en y regardant bien, une autre conviction émerge : nombre de positions relèvent ou d’une logique du bouc émissaire ou de l’irresponsabilité et, peut-être même de la rouerie politicienne. En tout cas, elles traduisent une volonté de s’exonérer à peu de frais. Comme le dit en substance l’universitaire Romuald Assogho Obiang : «Ils ont cautionné le système déchu (…) Ce sont eux qui trouvent le plus leur compte dans ce texte (…) Ils ont violé la loi, les règles administratives et maintenant ils accusent la Constitution parce que ça les dédouane». Derrière une rhétorique aux accents patriotiques, mais aux relents nationalistes, se cache en réalité le refus d’assumer un certain passé.

Depuis la fuite de la mouture initiale du texte constitutionnel, il paraît risqué d’en appeler à la raison, cette faculté caractéristique de l’esprit humain et si nécessaire en pareille circonstance. Jour après jour, l’argument logique semble de moins en moins usité, de plus en plus irrecevable. Dans ce dialogue de sourds, l’argument d’autorité et l’attaque ad hominem surviennent très rapidement. Pourtant, comme en médecine, les problèmes se traitent par les causes et non par les effets. Or, au cœur de la nuit du 30 août 2023, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) avait été clair : son intervention visait à mettre un terme à une «gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se (traduisait) par une dégradation continue de la cohésion sociale (…)»  Autrement dit, même si la Constitution en vigueur avait perdu toute substance du fait de manipulations successives, le fond du problème résidait dans la pratique politico-administrative et le rapport à la chose publique.

Un terreau fertile

Le texte à soumettre à référendum étant désormais connu, on peut le rappeler : les abus et dérives du passé ont éclos sur un terreau fertile, mélange d’arbitraire, d’irresponsabilité politico-institutionnelle, d’opacité et, de sectarisme partisan. Jugeant Ali Bongo trop puissant, les autres détenteurs de l’autorité de l’Etat ont laissé s’installer un pouvoir personnel. Lui vouant un quasi-culte, ils ont cautionné et validé tous ses caprices, se livrant à des interprétations spécieuses des lois. Désireux de tirer, eux aussi, profit de cette situation, ils ont entretenu une culture de la dissimulation, saccageant le bien public dans leur seul intérêt. Dans de nombreux cas, ils se sont mués en exégètes d’une pensée hors-sol, élaborée par des bureaux d’études off-shore. De la purge administrative de septembre 2009 aux nominations controversées, en passant par l’affaiblissement de l’administration au profit des fameuses agences ou les incarcérations arbitraires, ils ont tout soutenu, se rendant complices ou bénéficiaires de tant d’outrances.

Ce rappel ne doit pas être compris comme un appel à la vendetta, mais comme une invite à ne pas pervertir le débat par des arrière-pensées fondées sur la volonté de se dédouaner. Depuis la mise en place du Comité constitutionnel national (CCN), GabonReview s’est efforcé de contribuer à la réflexion et d’éclairer la lanterne de ses lecteurs. Convaincus de la nécessité de tirer les leçons du passé, nous demeurons de fervents défenseurs de l’argument logique et du lien de cause à effet. Cela nous incite à toujours nous demander comment et pourquoi certains dérapages ont-ils été possibles. À tous et à chacun, cela nous commande de recommander un examen de conscience. L’analyse du projet de constitution ne saurait se fonder ni sur la substitution ni sur l’exclusion. Pour ainsi dire, elle ne saurait être réduite à un processus de réconciliation collective momentanée.

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GR
 

1 Commentaire

  1. Akoma Mba dit :

    Comme le Gabonais bon mouton qu’il est, ils voteront oui et après ils joueront aux victimes comme tout non noir qui se respecte, car les Noirs ne sont jamais responsables de rien mais des victimes de leur sort. Votez la Constitution et buvez-en jusqu’à la lie et surtout, Priez et priez davantage mais ne faisons aucun effort. Tout nous tombera du ciel. Les plantations sont vides mais les églises et pseudo-églises, pour ne pas dire Sectes, sont bondées de monde

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