Pourtant prompts à parler du Gabon comme d’un État de droit, les institutions ont déployé des trésors d’ingéniosité pour contourner la loi. Ni les dispositions constitutionnelles relatives à l’empêchement ni celles du Code de procédure civile ne leur ont paru opposables en l’espèce.

Comment les institutions ont-elles compris la tirade d’Ali Bongo sur ses «cinq ans d’absence» ? Comment l’ont-ils reçue ? N’ont-elles pas eu le sentiment d’avoir été dénoncés à la face du monde ? © Montage/Gabonreview

 

Pour les institutions de la République, l’état de santé d’Ali Bongo est assurément un boulet. Dans le traitement de ce dossier, elles ruinent leur crédibilité, jour après jour. Décision après décision, elles y laissent tout prestige. En octobre 2018, aucune d’elles n’avait eu le courage de faire le déplacement de Riyad, se contentant de la fable contée par le porte-parole de la présidence de la République. En novembre 2018, la Cour constitutionnelle se livrait à un gymkhana juridique, créant la notion d’«indisponibilité temporaire», jusque-là inconnue de la littérature spécialisée. En janvier 2021, le gouvernement et le Parlement s’adonnaient à une inédite contorsion, concevant et validant l’exercice de l’intérim par un triumvirat à la viabilité discutable. Statuant en ses chambres réunies en février 2022, la Cour de cassation se réfugia derrière des arguties pour ne pas se prononcer. Toutes ces manigances visaient un but : donner l’illusion d’un fonctionnement régulier des pouvoirs publics.

Lâcheté et peur

C’était sans compter sur Ali Bongo lui-même, sur un lapsus linguae ou une révélation de sa part. Dimanche dernier, à la faveur de la célébration du 55ème anniversaire du Parti démocratique gabonais (PDG), il a affirmé avoir eu «cinq ans d’absence». Comme on pouvait s’y attendre, ce propos a suscité de l’émoi, ravivant le débat sur la responsabilité de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassation. Comme on pouvait l’anticiper, des questions ont aussitôt été reprises en boucle. Au nombre de celles-ci, la paternité des décisions, singulièrement les changements de chefs du gouvernement et la valse des ministres. Comme on pouvait le prévoir, d’aucuns ont parlé de forfaiture voire pire. Les bénéficiaires des actes querellés l’entendent-ils ? En mesurent-ils la portée et la gravité ?

Droits et devoirs vont de pair. L’aveu d’Ali Bongo montre combien les institutions ont failli, se contentant des privilèges sans assumer leurs responsabilités. De même, il pointe la lâcheté de nombreuses personnalités. Les assertions sur un homme «en phase de recouvrement de la plénitude de ses capacités» ?  Elles relevaient ou de la méthode Coué ou du déni. Les interprétations spécieuses des textes ? Elles exprimaient la peur. Éloquents à souhait, les déboires de Paulette Ayo Akolly ont intimidé bien de gens. Témoins ou initiateurs des brimades infligées à l’ancienne présidente de la Cour d’appel, les dirigeants d’institutions ont unanimement choisi la fuite en avant, tournant le dos aux principes de la République. Les conséquences juridiques et institutionnelles de cette attitude ? Elles leur importaient peu. En leur entendement, seuls leurs intérêts devaient être protégés.

Examen de conscience

En se débinant ainsi, les institutions ont fait le lit de l’usurpation de pouvoir. En se défilant, leurs dirigeants ont mis l’État en grand danger. Pourtant prompts à parler du Gabon comme d’un État de droit, elles ont déployé des trésors d’ingéniosité pour contourner la loi. Ni les dispositions constitutionnelles relatives à l’empêchement ni celles du Code de procédure civile ne leur ont paru opposables en l’espèce. Bien au contraire. Comment ont-elles compris la tirade d’Ali Bongo sur ses «cinq ans d’absence» ? Comment l’ont-ils reçue ? N’ont-ils pas eu le sentiment d’avoir été dénoncés à la face du monde ? Que comptent-ils faire maintenant ? Si personne ne les voit se dédire, nul ne peut se satisfaire de leur mutisme. Fonctionnant avec de l’argent public, les institutions sont théoriquement au service de l’intérêt général et pas d’un parti, d’un camp ou d’une personnalité. Censée garantir un fonctionnement harmonieux de la société, la justice est rendue au nom du peuple et pas d’une institution, fusse le président de la République.

On pourra toujours évoquer le secret médical, les doutes sur la régularité de tous les actes pris entre-temps ne s’en trouveront pas levés. On pourra même dénoncer un certain voyeurisme, la confiance ne s’en trouvera pas restaurée pour autant. Si elles veulent regagner un peu de crédibilité, les institutions doivent faire leur examen de conscience. Cette remise en cause est rendue nécessaire par l’éventualité d’une nouvelle candidature d’Ali Bongo. Comme chacun s’en doute, le retour au scrutin uninominal majoritaire à un tour visait un seul objectif : lui épargner une éprouvante campagne électorale. Or, sur le chemin de la présidentielle, il devra apporter la preuve de son aptitude. En clair, il devra se soumettre à cette expertise médicale tant redoutée. Comme le Centre gabonais des élections (CGE), le ministère de l’Intérieur et la Cour constitutionnelle devraient l’avoir à l’esprit.

 
GR
 

6 Commentaires

  1. barbevi dit :

    vous comprenez à cet instant que les choses ne peuvent pas changer au Gabon, la mort du Gabon vient de la constitution qui n’est pas appliquée comme cela se doit, car un pays sans loi est un pays en agoni.

    Les Personnes qui sont à la charge de gérer les élections ne seront jamais capables de déclarer le PDG vaincu dans toutes les élections au détriment de leurs intérêts.

  2. barbe dit :

    vous comprenez à cet instant que les choses ne peuvent pas changer au Gabon, la mort du Gabon vient de la constitution qui n’est pas appliquée comme cela se doit, car un pays sans loi est un pays en agoni.

    Les Personnes qui sont à la charge de gérer les élections ne seront jamais capables de déclarer le PDG vaincu dans toutes les élections au détriment de leurs intérêts.

  3. Malho dit :

    Tous les juges constitutionnels doivent être jetés en taule sans procès car c’est une bande de corrompus.

  4. udfr dit :

    Quel pays accepterais que son président soit « absent » pendant 5 ans….bah aucun hormis le Gabon , à bon entendeur….

  5. ikwangayossa3@gmail.com dit :

    Les membres de toutes les institutions constitutionnelles, les ministres et autres affidés du régime avaient pensé à tout, sauf à cette « prise de conscience de leur DCP.
    En clair, bien malin sera le médecin qui confirmera son aptitude à se porter candidat.

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