Covid-19 au Gabon : À quoi joue le Copil ?
Alors que la première phase de l’épidémie de Covid-19 touche à sa fin au Gabon, le Copil, chargé d’orchestrer la riposte à la pandémie, doit repenser son action et, surtout, rendre des comptes aux Gabonais. Le pays a enregistré “seulement” 53 morts alors que le paludisme a tué 505 personnes en 2018, la tuberculose 1487 et la mortalité infantile (<5 ans) 2925.
Il faut le reconnaître, le Gabon s’est bien sorti de la crise du Covid-19. Avec “seulement” 53 morts et très peu de nouvelles infections à ce jour (5 nouveaux malades enregistrés le 3 septembre, soit le chiffre le plus bas depuis fin avril), le pire est sans doute passé sur le plan sanitaire. Si bien qu’aujourd’hui, l’heure n’est plus à la réaction, mais à la réflexion. Cela implique une évaluation rigoureuse et pragmatique de l’action du gouvernement. Car ce qui commence à poser problème, ce n’est pas tant la gestion du virus que la gestion de l’après-Covid, particulièrement en ce qui concerne la remise en route de l’économie gabonaise.
Malheureusement, dans ce domaine, le Comité de pilotage du plan de veille et de riposte contre l’épidémie à coronavirus au Gabon (Copil) fait preuve d’un manque de pragmatisme inquiétant en préconisant des solutions qui risquent à la fois d’être contre-productives sur le plan sanitaire et de compromettre la santé économique à long terme du Gabon. Directement copiées collées depuis l’Europe, ces mesures ne tiennent absolument pas compte de la situation réelle du pays à ce jour. Le Copil, qui opère en toute opacité, doit aussi rendre des comptes sur la gestion des fonds qui lui ont été alloués.
Pour rappel, le Covid au Gabon a été beaucoup moins violent qu’ailleurs dans le monde. On recense 53 décès. Ce sont 53 décès de trop, mais il convient de comparer cette morbidité à d’autres fléaux dont souffre le Gabon : par exemple le paludisme, la tuberculose ou la mortalité infantile (<5 ans) qui ont respectivement provoqué la mort de 505, 1487 et 2925 Gabonais en 2018. Ceux-ci n’ont jamais suscité un tel déploiement de moyens de la part des autorités publiques ni une telle paralysie de l’activité.
Les travailleurs du secteur informel sont livrés à eux-mêmes, obligés d’évoluer dans une zone grise sur le plan juridique et soumis à encore plus de précarité. Laisser la vie économique reprendre ses droits est essentiel à la bonne marche du pays. Mais il n’y a pas que le secteur informel qui souffre inutilement de l’inadéquation des mesures qui leur sont imposées. Les entreprises du secteur formel alertent aussi sur les difficultés à opérer alors que leurs employés se sont persuadés qu’il était dangereux de travailler depuis leurs bureaux.
En réalité, les personnels sont bien mieux protégés dans les environnements sécurisés mis en place par les entreprises que dans leur vie quotidienne où ils prennent beaucoup moins de précautions. Le Copil souffre de son incapacité à analyser la situation telle qu’elle évolue au Gabon. Il n’existe actuellement dans le pays aucun argument de sécurité ou une quelconque justification qui impose l’utilisation permanente des masques comme mesure de protection contre le Covid-19 sur les sites opérationnels ou dans les bureaux. Les masques se sont ainsi avérés être une mesure barrière faible par rapport à la distanciation sociale et aux bonnes pratiques d’hygiène.
Les insuffisances du Copil sont également flagrantes dans sa politique de tests, qui a notamment pour effet de désavantager les travailleurs Gabonais par rapport aux expatriés qui sont soumis à des règles beaucoup plus souples. Par exemple, les travailleurs du secteur pétrolier qui se rendent sur site à l’intérieur du pays sont obligés de passer 14 jours en isolation, même s’ils sont testés négatif. Ce temps pourrait être réduit à une semaine sans difficulté en testant en amont puis deux ou trois jours après l’arrivée, puisqu’il faut au virus un maximum de 72 heures pour être détecté. Ces dispositions ralentissent considérablement l’activité économique et mettent en péril la bonne marche des sociétés pétrolières, comme le prouve l’exemple d’Addax qui a été obligé de suspendre son activité depuis plusieurs semaines.
Surtout, et c’est le plus grave, le Copil est manifestement incapable de remplir sa mission qui devrait être de tester massivement la population qui, rappelons-le, dépasse à peine les 2 millions d’habitants au Gabon. À quoi servent les sommes d’argent considérables dont il a été doté (plus de 419 milliards de FCFA, de sources médiatiques) ? Il est à craindre que le Copil ne soit devenu une nouvelle manière de s’enrichir au Gabon pour ceux qui ont accès à la caisse. D’ailleurs, le Comité refuse que les compagnies pétrolières l’aident à mener les campagnes de test. Drôle de façon de combattre le virus quand on sait que ces dernières affichent parmi les meilleurs résultats en matière de santé et de sécurité au travail.
Plusieurs médias à travers l’Afrique ont rapporté que nombre d’organismes en charge de la lutte contre l’épidémie ont été accusés de détournements de fonds, notamment en Ouganda et au Kenya. Au Gabon, la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI), l’agence anti-corruption de l’État, a diligenté une enquête sur le Copil et ses membres dirigeants. Malgré cette enquête, le Dr Guy Patrick Obiang, directeur du Copil, a été maintenu dans ses fonctions, puis nommé ministre de la Santé. On n’a évidemment plus entendu parler de l’enquête, enterrée en bonne et due forme.
Une chose est sûre, le Copil et son management échappent à tout effort de transparence alors même que les montants mobilisés sont considérables. Les citoyens gabonais n’ont évidemment aucun moyen de savoir comment cette somme a été employée. L’on ne peut que s’étonner que les structures sanitaires dans les provinces ne disposent pas de lits avec appareils d’assistance respiratoire, scanners, tests de dépistage, etc. De même, le gouvernement se montre incapable de verser les primes exceptionnelles pour le Covid, pourtant promises par le président Ali Bongo.
Aujourd’hui, le travail du Copil devrait consister à apprendre à vivre avec le virus en diffusant les bons messages de sensibilisation auprès de la population, en testant massivement afin d’anticiper toute résurgence et en pensant des règles adaptées à la situation sanitaire propre au Gabon. Le pays a maintenant le choix : soit le gouvernement recadre le Copil, soit il continue de laisser des intérêts et problématiques de court terme guider son action. Il en va non seulement de la santé des citoyens gabonais, mais aussi de la santé économique du pays à long terme.
Sources :
Paludisme : https://www.who.int/malaria/publications/country-profiles/profile_gab_en.pdf?ua=1
Tuberculose : https://www.worldlifeexpectancy.com/gabon-tuberculosis
Mortalité infantile : https://data.unicef.org/resources/data_explorer/unicef_f/?ag=UNICEF&df=GLOBAL_DATAFLOW&ver=1.0&dq=GAB.CME_TMY0T4.&startPeriod=1970&endPeriod=2020
.
2 Commentaires
Le COPIL est aux ordres du Quai d’Orsay. Ce long confinement s’explique du fait qu’ils sont déjà en train Dr tout manigancer l’après BOA décédé à Riyad en octobre 2018. Croyez-moi, ce genre de scénario, j’en ai vu Tout au long de la longue carrière au B2.
ALI BONGO EST BIEN MORT. Cela n’est plus discutable.
JEAN PING EST NOTRE PRÉSIDENT ÉLU DU GABON. Si vous allez à l’élection présidentielle de 2023, vous allez vous retrouver avec un nouveau VALET du Quai d’Orsay. C’est ce que j’essaye de vous faire comprendre depuis plusieurs mois. A Ntare Nzame!!
Il y a des fois je n’aime pas intervenir parceque c’est prendre la part des émergents.
Votre courrier a bien commencé en mettant en avant des maux qui tuent plus que le covid et les difficultés rencontrées dans le secteur informel.
Mais vous ne pouvez pas dire que le covid a été incompétent dans la gestion du covid au regard des chiffres.
Vous avez constaté que les task force mise en place dans les CHU ont été démantelés, que les contaminations sont faibles et que le nombre cas cliniquement actifs est inférieur a 150.
Vous avez tenu 7 mois,vous pouvez attendre encore attendre 1 semaine ou 2.
La réalité des chiffres va les obliger à déconfiner.