Devenu l’argument massue des participants au Dialogue politique voulu par Ali Bongo, le toilettage des textes régissant la vie politique suscite des doutes légitimes. La viabilité des propositions avancées ne résiste ni à la confrontation avec le passé ni à l’examen de la pratique politique en vigueur.
De nombreux participants au Dialogue politique s’opposent à l’imperium ou plutôt au pouvoir extravagant de la Cour constitutionnelle. Ils pensent pouvoir recentrer son champ de compétence. © Gabonreview
 
C’est le prétexte idéal, l’argument massue de l’ensemble des participants au Dialogue politique voulu par Ali Bongo : le toilettage des textes régissant la vie politique.  De René Ndemezo’Obiang à Mike Jocktane en passant par Faustin Boukoubi ou la Diaspora unie de l’Europe, chacun y va de son couplet (lire «Les attentes de la Diaspora unie de l’Europe»). Les défenseurs de cette ligne développent moult idées mais, ils s’accordent sur la nécessité de réviser la Constitution. Généralement, ils évoquent le retour au quinquennat, à la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux, la réhabilitation du scrutin à deux tours et, la réforme de la Cour constitutionnelle. A quelques variantes près, ils disent tous la même chose.
Expérience du passé
De prime abord, cette préoccupation s’entend. Elle se soutient et semble même relever de l’urgence démocratique. Pour les tenants de cette idée, le toilettage des textes permettra de réformer les institutions. A leurs yeux, cette opération se traduira inévitablement par la fin de l’ère des élections truquées. Elle induira, par ricochet, l’amélioration de la gouvernance politique. Dénonçant les mandats à rallonges voire à vie, les participants au Dialogue politique espèrent limiter les ambitions individuelles dans le temps. Condamnant les élections couperet, ils entendent offrir aux électeurs l’opportunité de choisir avant d’éliminer. S’opposant à l’imperium ou plutôt au pouvoir extravagant de la Cour constitutionnelle, ils pensent pouvoir recentrer son champ de compétence. De leur point de vue, il serait plus simple de revenir au libellé de la Constitution issu de la Conférence nationale de 1990. Cela permettrait d’affirmer la séparation des pouvoirs, de clarifier les compétences et favoriser la transparence électorale. En définitive, tout cela devrait accoucher d’un authentique Etat de droit.
Seulement, cette argumentation résiste difficilement à une analyse minutieuse. A la lumière de l’expérience du passé, elle vole en éclats. Confrontée à la pratique politique, elle a la résonance d’un discours pour gogo. Si la limitation des mandats et le quinquennat constituaient un remède contre la présidence à vie, Omar Bongo aurait quitté le pouvoir au plus tard en 2003. Il ne serait, en conséquence, pas décédé en fonction. Si le scrutin à deux tours était l’antidote des consultations abruptes, surnommées sous certains cieux «un coup, KO», la présidentielle de 93 ne serait pas soldée par la désignation d’un vainqueur dès le premier tour. Plus éloquent, Ali Bongo n’aurait, officiellement, jamais franchi la barre des 50% en août dernier. Si la seule organisation pouvait rendre la commission électorale impartiale, cela se saurait. Quelle différence notable entre la Commission nationale électorale (CNE) et la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) ? Pas grand-chose, excepté des éléments pour se donner bonne conscience. A bien des égards, on peut même avoir le sentiment d’avoir aiguisé les appétits individuels et facilité la vassalisation du président de cette institution en lui donnant un statut permanent.  Si la Cour constitutionnelle agissait conformément aux textes, l’annulation de 21 bureaux de vote dans le 2è arrondissement de Libreville aurait donné lieu à une reprise des opérations électorales (lire «Ça s’est joué sur les procès-verbaux»), le traitement d’un cas manifeste de litispendance aurait conditionné la validation de la candidature d’Ali Bongo (lire «La Cour constitutionnelle confirme la candidature d’Ali Bongo») et, last but not least, Etienne Ngoubou et Magloire Ngambia seraient aujourd’hui devant la Haute Cour de justice (lire «Ngoubou et Ngambia, simples citoyens ?»).
Ecran de fumée
A toutes réserves, les chantres de la participation au Dialogue politique ne répondent pas. N’empêche, ils peuvent toujours défendre leurs vues. Mais, ils ne peuvent faire comme si des précédents n’éclairaient notre lanterne. Souvent adoptées en opportunité puis modifiées par des ordonnances, les lois sont interprétées en défense d’intérêts particuliers. Les institutions sont personnalisées voire privatisées. Au final, l’appareil d’Etat est instrumentalisé, au service exclusif d’un camp politique. Sauf à croire à un renoncement collectif ou à une brutale conversion des cerbères du régime aux valeurs de la République, les réformes institutionnelles ne peuvent constituer la garantie d’une meilleure gouvernance. Et pour cause : elles sont gravées dans des lois. Or, les lois reposent sur l’esprit et la lettre. Autrement dit, elles partent d’abord d’une vision à long terme, d’un rêve. Les chantres du Dialogue politique sont-ils certains d’avoir la même vision de l’avenir, les mêmes rêves pour le Gabon ? On peut en douter.
Dans le contexte actuel, l’argument des nécessaires réformes institutionnelles est un écran de fumée, un prétexte commode (lire «Fuite en avant»). Ou plutôt, il sert à camoufler les doutes des uns et des autres. Pour ainsi dire, les tenants de cette thèse ne sont pas convaincus par leur argumentation. Ils ont simplement le sentiment de faire face à un blocage de la situation politique. S’ils étaient convaincus d’une suite heureuse, ils ne participeraient pas à cette rencontre. Des initiatives gouvernementales ou parlementaires auraient suffit pour traduire en textes législatifs leurs idées. Mais, le sentiment d’être devant une impasse ne leur laisse plus le temps de la réflexion de fond, encore moins le choix. Il les condamne à la négociation. A leurs yeux, le Dialogue politique est la seule et unique voie de sortie de crise.
Au fond, le Dialogue politique donne simplement aux uns et aux autres l’illusion de faire œuvre utile. Ils émettent des idées sans être certains de les voir traduites en actes juridiques.  Et même si elles venaient à faire l’objet de lois, ils ne sont pas sûrs de les voir appliquées. Leurs doutes sont masqués par une rhétorique savante et prétendument républicaine. A moins d’un improbable retournement du rapport de forces institutionnel, les réformes tant vantées demeureront des incantations. Pour tout dire, elles relèvent typiquement de la fausse bonne idée.
 
 

 
GR
 

0 Commentaires

  1. Doly imossi dit :

    Exellente analyse.
    Comme si on avait jamais vu quelqu’un se faire déclarer président au premier tour avec plus de 60%.
    Ces soit disantes réforme sont juste un moyen d’ôter au peuple la volonté de changer de régime. Avant c’était le fichier électorale qui était responsable du manque d’alternance, ensuite il ont inventé le concept de la candidature unique et maintenant ils nous creent le concept du toilettage des institutions pour distraire le peuple.

    • Le Rapporteur du Palais dit :

      -« ôter au peuple la volonté de changer de régime » !
      Ce régime aurait-il pu durer et s’enraciner 50 ans sans le consentement tacite du peuple ?
      -« fichier électoral, alternance, toilettage.. » sont vos lubies d’Afro-Occidentaux, dont le peuple se moque, mais propres à vous distraire vous, pseudo-intello scribouillards.

  2. AGORA dit :

    Et voilà le dialogue de BOA…on continu dans le mensonge. ..

  3. mèguèngnamè dit :

    A la question de savoir quel sera l’organe chargé de contraindre les parties au respect des résolutions issue de ce dialogue? Et de quels moyens dissuasifs dispose t-il en cas de violation de ces résolutions par une partie? je propose que tous les présidents des institutions soient votés par tout le peuple afin que ces derniers agissent en toue indépendance et dans l’intérêt général le contraire nous enfoncera vers un mur de Berlin. Nous avons dans ce dialogue d’un côté des illusionnistes qui croient à un avenir meilleur et de l’autre des anarchistes qui croient à une monarchisation du pouvoir qui sont prêts à le défendre quoi qu’il en coute par conséquent on ne doit rien attendre de ce dialogue.

    • Le Rapporteur du Palais dit :

      Monsieur le Constitutionnaliste par amateurisme,
      Y a comme une dichotomie entre « anarchisme » -désordre, insécurité et Monarchie -La loi, l’ordre et l’autorité…
      Bon, je ne fais que passer.

  4. Samuel dit :

    Distraction, vous avez dit distraction? Une de plus. Pauvre peuple gabonais nourri avec des miettes que les Maîtres donnent aux « chiens ». PITOYABLE ! !!!

  5. LA POUBELLE PULLANTE dit :

    ROXANE , tes analyses sont d’une raricime clarté ; que te lire devient une obsession . Que dieu le tout puissant veille sur toi ; pour que d’avantage tes écrits nous entrainent à mieux comprendre tout ce que les politiques vereux complotent sur le dos du peuple .

  6. la jeunesse consciente et integre dit :

    le dialogue lààààà me fait trop plaisir tellement ca sent le n’importe quoi! ceux qui sont allés se porter caution de ce genre de sorcellerie sont tous des sorciers!

  7. Le Rapporteur du Palais dit :

    La Monarchie de facto instituée au Gabon par la dynastie Bongo n’aurait pu perdurer 50 ans, un demi siècle !- sans le consentement tacite des masses populaires de la Majorité Silencieuse, et en dépit des « Bolcheviques » locaux, une Minorité d’agitateurs persifleurs.
    Le fait Monarchique -les faits sont têtus- est le point de départ incontournable de toute réforme institutionnelle au Gabon.
    Toute autre dissertation, quelque brillante qu’elle paraisse, n’est que vain bavardage.

  8. Félix Ayenet dit :

    Ce dialogue politique est tout simplement une foire aux diables. Tous les participants à voir clair défendent leurs mêmes intérêts égoïstes au détriment de la volonté des gabonais. Ils veulent encore une fois rouler le pauvre peuple dans la farine de manioc de Lébammba. Si nous nous retournons un peu. Nous verrons derrière nous la Conférence nationale, les Accords de Paris, les accords d’Arambo. Qu’est que nous avons gagner de ces grandes messes? Rien du tout. Alors si nous n’y avons rien gagné, ce sulfureux dialogue politique géré par les imergents eux mêmes peut nous apporter quoi? Le jeu consiste tout simplement à vouloir distraire le peuple. A gagner du temps, à vouloir apaiser sa colère. Aujourd’hui, le Gabonais ne se reconnait plus dans son pays. Le peuple a parlé. Mais il n’a pas été entendu. C’est beaucoup plus un problème de volonté politique que de changement ou de refonte d’institutions.

  9. Diogene dit :

    Puisque le réformisme a échoué jusqu’á present que reste t il?
    Un putch militaire, une révolte populaire, une révoluton?

  10. Cassandre de Troie dit :

    Devant l’évidence, prendre la parole est certainement sans objet.Face aux sourds, à quoi bon parler. Et puis, on est gabonais, on préfère voir, entendre, et ne rien dire.
    C’est évident que, autant pour l’organisation politique et administrative, nous avons des beaux textes, mais les textes de lois, les institutions, etc, ne valent que par les Hommes qui les appliquent, et qui les dirigent.
    Il se trouve qu’on peut tout faire dire à un texte juridique, comme à un chapitre de la Bible.
    Tenez, sous Omar, les textes de la fonction publique interdisait qu’une personne non gabonaise, non fonctionnaire A1, soit nommée à la tête d’une DG. Eh bien! Emile Ndoumba l’a fait. Personne n’a trouvé à redire. Et lorsque nous nous retrouvons avec un étranger à la tête du 1er cabinet du pays, c’est la répétition, la continuité de ce que E. Ndoumba avait instauré.
    Nous voulons refaire le Gabon? Revenons au village, revenons en 1960. Recensons les interdits du village, et ceux applicables dans les années 60.
    Je termine: comment peut on expliquer que la plupart de ceux qui aujourd’hui sont nos dirigeants, y compris dans l’administration, sont ceux là qui n’ont réussis leur cursus scolaire?
    Donc, au lieu de modifier telle ou telle loi, commençons par dégager les principes de base de gestion de notre Gabon; donnons un contenu, une âme au mot Gabon, de sorte que quand on le prononce, on a des frisons. Le Gabon doit avoir un contenu qui dépasse chaque gabonais, puisqu’Il est au dessus de chacun de nous.
    Le reste c’est de l’amusement.

    • Le Rapporteur du Palais dit :

      En voila une de ces personnes qui ne digèrent pas de n’avoir pas eu la promotion a un poste qu’ils croient dur comme fer en être le seul et le plus méritant, que tous les autres sont ou étrangers ou incompétents .

  11. jean bille dit :

    Assurément l’article porte bien son intitulé. Il s’agit d’une fausse bonne idée. Il ne faut pas être moyennenemnt intelligent pour le comprendre parfaitement.
    Le problème qui se pose à nos institutions est un problème d’hommes. Voire un problème de valeurs humaines et démocratiques.
    Tout le reste n’est que bavardage et invention de la roue. Vous verrez qu’à ce train là, les meilleurs « intellectuels », « savants » et « omniscients » d’entre eux arboderont la question de la taille et de la police des caractères de leurs imprimantes devant systématiquement leur imposer une droiture,une honnêteté et un courage qui les ont quitté depuis que les hommes politiques sont devenus des entrepeneurs de la politique; notamment avec l’avènement d’omar bongo et sa descendance.
    Ne nous fait-on pas croire qu’il est bon et généreux de voler le trésor public à condition de se substituer à l’Etat en investissant localement le produit de son larcin?
    Dit-on que certains pays n’ont pas de constitutions écrites. Comment font-ils alors pour les respecter? Il y a donc une dimension culturelle que l’homme politique ne désire pas voir de peur de ne pas supporter le renvoi de son image.
    La classe politique et son cortège d’administrateurs en tous genres ne sont rien d’autre qu’une bande de jouisseurs et d’irresponsables doublés, pour certains, de tueurs et de malfaiteurs. c’est brutalement dit mais la vérité ne s’accomode pas autrement.
    Cette hypocrisie portée par les « réformes »se retrouve, toujours au Gabon,dans le règlement judiciaire des successions. Les magistrats attendent la loi successorale « miracle » qui devraient les rendre subitement vertueux, indépendants de leurs multiples intérêts…..
    Commençons par améliorer la justice gabonaise en les rendant, si nécessaire multimilliardaires (à défaut de les virer). Seule une justice impartiale, rigoureuse avec elle-même, attachée aux intérêts du peuple peut par son action continue et pérenne vider les intitutions et les administrations de ces hommes et femmes qui ont pris en otage le devenir de tout un peuple……….
    Mais çà c’est une autre paire de manches sinon comment un voleur pourrait-il se mettre en difficulté de lui-même?

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