Green Business : qu’attend l’Afrique pour saisir sa chance?
Parler de Business en Afrique, c’est déjà prêter le flan aux critiques les plus acerbes de la diaspora, des occidentaux et parfois même des entrepreneurs locaux. Longtemps, et l’époque n’est peut être pas encore révolue, intégrer un européen à son équipe dirigeante était un gage de sérieux aux yeux des africains eux-même. Néocolonialisme ou conséquence d’errements budgétaires par une génération plus habituée à se servir qu’à gagner son salaire ? Au fond, l’Afrique était considérée comme immature aux yeux même de ceux qui la construisaient.
Mêmes causes, mêmes effets… Le secteur de l’environnement a été abandonné aux mains d’ONG occidentales qui le considèrent aujourd’hui comme leur domaine protégé. Elles sont si bien implantées, sur le terrain et dans les esprits, que l’État ou un entrepreneur local aura toutes les peines du monde à développer des activités économiques dans certaines régions, même en prenant en compte les impératifs environnementaux. C’est ainsi que des projets vitaux pour le développement de certaines zones rurales sont tués dans l’œuf par des instances européennes ou américaines, alors même qu’elles fleurissent dans leurs pays.
Lorsque vous leur parlez de “faire des bénéfices”, “gagner de l’argent” ou “d’améliorer la rentabilité”, ces mêmes ONG vous répondent avec des mots comme “développement durable”, “réduction de la pauvreté” et “respect des traditions”. Comme si elles voulaient imposer à l’Afrique qu’elles “aiment avec passion” les freins que personne n’a jamais pris en compte dans les pays du Nord. Les entreprises étrangères sont déclarées “pilleuses de ressources naturelles” et “profiteuses” par ceux-là même qui produisent des rapports destinés à promouvoir les “investissements durables” dans les pays du Sud. C’est à se demander si le Green Business ne serait pas encore une invention pour exploiter l’Afrique ! Parlez de “bonne gouvernance”, d’“humanitaire” ou de “micro-crédit” et vous aurez grâce à leurs yeux. Mais osez évoquer l’”entrepreneuriat”, le “marché local” ou l’”industrialisation” et vous voici frappé d’anathème. Ainsi, lorsqu’un consortium d’entreprises allemandes projette de construire une immense centrale électrique solaire dans le Sahara pour alimenter l’Europe, on parle d’exploit technologique, d’idée novatrice et d’opportunité de développement. Si les études de faisabilité avaient été initiées par des gouvernements et des financements africains, on aurait immédiatement stigmatisé ce nouvel “éléphant blanc” destiné à détourner des fonds destinés à la “réduction de la pauvreté en Afrique” !
Un capital disponible et encore vierge
L’énergie est le sujet le plus médiatisé, mais cinq ans après les émeutes de la faim, le rachat et la location de terres agricoles par des entreprises internationales, chinoises en particulier, font grincer des dents. Pourtant, en dehors du Malawi, quel gouvernement africain a eu le courage de démarrer une véritable révolution verte ? Le Malawi, aujourd’hui, exporte le surplus de sa production alimentaire. Les autres, lorsqu’ils exportent, c’est au détriment de leurs populations. Faut-il étendre les terres agricoles, et donc couper des forêts, ou vendre ses grumes et importer des bananes ? La réponse, implicite, des ONG est claire : pas touche aux forêts qui permettent au monde de respirer. Bien. Mais que fait le monde pour mériter cet oxygène ?
Après avoir raté le coche de l’industrialisation, celui du développement des services puis celui des équipements collectifs, l’Afrique doit elle laisser passer l’opportunité du Geen Business pour préserver le mode de vie de l’occident quelques années encore ? Aux États-Unis, en Europe, en Asie, la course à l’innovation est lancée. Les investissements dans les technologies environnementales explosent. Serons-nous, dans ce domaine aussi, de simples consommateurs de produits de seconde main, comme c’est le cas avec Google, FaceBook ou les séries télévisées ou déciderons-nous enfin de prendre le train de la modernité et de profiter de notre capital environnement pour nous hisser à la tête des futures industries qui façonneront le monde de nos enfants ?
Cette nouvelle économie du développement durable, que nous nommons Green Business, s’inscrit dans la convergence, assez rare, de trois forces majeures : l’opinion publique, prête à financer les efforts sur la préservation des espaces naturels et sa qualité de vie en “surpayant” des produits estampillés “Bio” ou “commerce équitable”, le monde politique, conscient qu’il ne devra sa crédibilité future qu’à une restructuration profonde des modes de production, de financement et de consommation, et le monde de la recherche, particulièrement motivé par ces changement qui redonnent un sens à leurs travaux, un lustre terni par 50 ans d’accidents industriels, de production de déchets encombrants et de course à la rentabilité qui les avaient fait passer au second plan.
Mais l’économie du développement durable s’apparente aussi à un “New Deal” qui suscite l’enthousiasme, valorise ceux qui s’en prévalent et ressemble de plus en plus à un véritable “projet de société”, d’autant plus irrésistible qu’il est mondial.
La question cruciale de la rentabilité
Se pose alors la question de la rentabilité dans un secteur qui, en occident, bénéficie encore largement des aides publiques, sous la forme de déductions fiscales, d’aides directes ou de commandes d’État. La réponse des économistes est formelles : le coût à long terme d’une poursuite des tendances actuelles autour d’une économie “carbonée” sera beaucoup plus élevé que le développement immédiat d’alternatives “durables et environnementales”. Et c’est là que le bât blesse. Sans intervention des États, l’Afrique restera à la traîne. Une entreprise raisonne à court terme, sauf si elle est obligée d’obéir à des normes environnementales sévères. Renforcer ces contraintes sera suicidaire pour les fragiles PME africaines, et très certainement inapplicable. Seul l’État peut aider à maintenir cet équilibre entre les contraintes imposées par un développement économique respectueux de l’environnement et celles de rentabilité dictées par les règles de bonne gestion d’une entreprise. Les aides publiques pourraient être issues, par exemple, de l’immense marché du carbone qui se met en place et pour lequel l’Afrique a des atouts non négligeables à faire valoir.
Des eco-entreprises africaines
Dans cette nouvelle industrie verte, l’Afrique a de formidables atouts dans son jeu. Des initiatives commencent à fleurir au Cameroun, par exemple, où l’entreprise Bocom International s’est spécialisée depuis 2004 dans le recyclage des batteries de véhicules avec un faible impact sur l’environnement. Créée en 1988, Biotropical est une industrie spécialisée dans la production, la transformation et la commercialisation des produits biologiques et équitables avec des labels internationaux. Agrinergy SA est une PME qui produit des biocarburants et du savon à partir du jatropha. A l’initiative d’un jeune camerounais, Ecosun Solutions, dont le siège est basé à Dakar, est le leader de la technologie solaire en Afrique centrale et de l’Ouest. Les Maka pads, qui sont des serviettes hygiéniques 100% écologiques, ont été inventées par un chercheur ougandais. Le succès est tel que l’entreprise n’arrive pas à répondre à la demande nationale. Au Togo, Esso Kandja exporte en Europe des ananas biologiques. L’entreprise tchadienne Briqueterie Helico produit des briques en argile pure grâce à l’énergie produite à partir de la valorisation énergétique des graines de coton.
Au Gabon, les projets sont encore au stade de l’intention et de la promesse électorale, et on attend avec impatience les premières réalisation concrètes du “Gabon Vert” annoncé par le Président. Certaines décisions, comme l’effort demandé à la filière bois, vont peut-être dans le bon sens, mais les rêves d’“emplois verts” se traduisent surtout, pour le moment, par du chômage de masse…
1 Commentaire
merçi pour le partage.