Les présidents de la Commission européenne et de la Commission de l’Union africaine viennent de signer la tribune ci-après, à travers laquelle ils expliquent en quoi la coopération entre l’Europe et l’Afrique est un défi majeur du XXIème siècle.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. © D.R.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. © D.R.

 

Face aux défis du 21e siècle, l’Afrique et l’Europe ont plus de sujets qui les unissent que de sujets qui les divisent. Nous partageons une histoire commune vieille de plusieurs millénaires. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons travailler ensemble à la construction de notre avenir commun et relever conjointement les grands enjeux mondiaux de notre époque.

La présidente de la Commission de l’Union Africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma. © D.R.

La présidente de la Commission de l’Union Africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma. © D.R.

Nous connaissons bien les avantages que la coopération apporte à chacun de nos deux continents. Le parcours qu’a suivi l’Europe depuis les ravages de 1945 pour se transformer en une union forte de plus d’un demi-milliard de citoyens, fondée sur des valeurs communes et visant à favoriser la paix et la prospérité est bien connu de tous. Tout le monde sait aussi comment l’Afrique s’est libérée du joug colonial pour accéder à son indépendance et parvenir à une plus grande intégration par la création de l’Union africaine (UA). Chacun de nos deux parcours vers l’intégration est loin d’être achevé, mais en travaillant ensemble nous pourrons nous aider mutuellement, forgeant des relations plus fortes, tirant les leçons de nos expériences respectives et bâtissant une croissance durable pour nos citoyens. Nos deux institutions, la Commission de l’Union africaine et la Commission européenne, travaillent de concert pour contribuer à l’avancement de ce processus.

Une croissance et un développement durables et inclusifs à la fois pour l’Afrique et pour l’Europe ne peuvent qu’être bénéfiques pour tous. C’est précisément la raison pour laquelle, lors du dernier sommet Union européenne (UE)-Afrique, les dirigeants africains et européens ont placé le développement humain au cœur de notre coopération. La population africaine s’accroît rapidement. D’ici à 2035, le nombre de jeunes Africains, hommes et femmes, qui entreront sur le marché du travail dépassera celui du reste du monde. La participation pleine et égale des femmes est indispensable. Comme le reconnaît l’Agenda 2063 de l’Union africaine, aucune société ne peut atteindre son plein potentiel sans accorder davantage d’autonomie aux femmes et sans éliminer tous les obstacles à leur entière participation à tous les domaines de l’activité humaine. Afin de profiter pleinement des avantages du dividende démographique, l’Afrique doit, le plus rapidement possible, mettre en œuvre les politiques définies dans l’Agenda 2063.

Nous savons que le développement ne peut être durable que si les sociétés sont stables et sûres. Nous savons aussi que la sécurité sera compromise s’il n’est pas donné à tous d’avoir les mêmes chances d’accéder aux avantages qu’offre un développement durable. Cela est d’autant plus vrai alors que des groupes terroristes ciblent une jeunesse désenchantée et souvent sans emploi. Ces groupes tentent de détruire le pluralisme de nos sociétés en répandant des idéologies sectaires et violentes. Nous devons veiller à ce que tous les citoyens, et en particulier les jeunes, trouvent leur place dans la société et que chacun se voit donner les moyens de réaliser son plein potentiel.

La sécurité ne peut exister sans la justice, la démocratie, l’État de droit, la bonne gouvernance et le respect effectif des droits de l’homme pour tous les individus et pour toutes les communautés. L’année 2016 est l’année africaine des droits de l’homme; elle met cette fois plus particulièrement l’accent sur les droits des femmes. L’Union européenne a également désigné 2016 comme une année de militantisme et de campagnes mondiales en faveur des droits de l’homme. C’est l’occasion pour nous tous de joindre nos efforts et de renforcer notre collaboration en faveur de l’architecture africaine de la gouvernance et du respect des droits de l’homme universellement reconnus. L’Afrique peut être fière d’avoir l’un des cadres les plus forts en matière de droits de l’homme dans le monde. D’ici à la fin de 2016, nous devrons veiller à ce que tous les États membres aient ratifié l’ensemble des conventions relatives aux droits de l’homme.

L’architecture africaine de paix et de sécurité a pour but de permettre à l’Afrique de gérer sa propre paix et sa propre sécurité. Cela est dans notre intérêt commun et l’Union européenne est prête à poursuivre son soutien à cet objectif. Le travail qui a été fait dans des pays comme la Somalie, la République centrafricaine et le Mali en témoigne. La facilité de soutien à la paix pour l’Afrique a été l’élément fondateur d’un engagement commun de l’Union européenne et de l’Afrique pour donner à l’Afrique les moyens de développer et d’utiliser ses propres capacités afin de mener à bien un indispensable travail de médiation, prévenir les conflits et garantir la paix. Face à la connexité des menaces mondiales et des crises régionales majeures, il est essentiel d’avoir une Union africaine forte et résiliente.

La crise migratoire que nous connaissons actuellement, partiellement enracinée dans des conflits violents, plaide incontestablement pour un renforcement de la coopération. L’Europe est confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés et de demandeurs d’asile. En Afrique également, de nombreuses personnes prennent la route, quittant leurs villages pour les villes, pour les pays voisins et parfois pour l’Europe. Ces déplacements sont essentiellement motivés par la peur et par l’espoir. La peur des conflits et de la pauvreté, l’espoir de la paix, de la sécurité et de nouvelles perspectives. Nous devons nous occuper à la fois des peurs et des espoirs. Si nous voulons garantir l’intégration, nous devons gérer la mobilité humaine. Nos deux commissions continueront à collaborer sur les questions de migration et la mobilité. Nous travaillerons de concert pour lutter contre les causes profondes des migrations illégales, favoriser la mobilité et la migration de la main-d’œuvre, réduire le coût des envois de fonds, renforcer la protection internationale, faciliter les retours et lutter contre le trafic d’êtres humains.

L’optimisme est de mise – et à juste titre – quant à l’avenir du continent africain. Pendant plus d’une décennie, l’Afrique a connu une croissance économique soutenue. Elle est devenue de plus en plus attrayante pour les entreprises. Les échanges avec l’Union européenne ont augmenté de 50 % depuis 2007. Environ 40 % des exportations de l’Afrique sont constituées de produits transformés et ces exportations génèrent un excédent commercial important en faveur de l’Afrique. L’UE demeure son principal partenaire commercial. Les investissements des entreprises européennes et de leurs filiales en Afrique s’élèvent au total à plus de 200 milliards d’euros par an, ce qui fait de l’UE le premier partenaire de l’Afrique dans ce domaine. Les échanges commerciaux et les investissements entre l’Afrique et l’UE peuvent encore être améliorés par une coopération plus étroite, une coordination politique et la conclusion des négociations de l’OMC. L’Europe reste également le principal partenaire de l’Afrique en matière de développement avec une aide publique au développement qui atteint plus de 20 milliards d’euros chaque année

Cependant, la poursuite de la croissance ne peut être considérée comme acquise. La baisse des prix du pétrole et d’autres matières premières, ainsi que l’affaiblissement de la demande chinoise comme celle d’autres économies émergentes se traduiront par des effets négatifs. La dépendance de l’Afrique aux exportations de matières premières la rende vulnérable aux baisses de la demande sur les marchés étrangers, d’où la nécessité de l’industrialisation comme facteur de valeur ajoutée

Nos deux commissions travaillent ensemble pour promouvoir l’industrialisation, la diversification et l’accroissement de la valeur ajoutée. Nous œuvrons de concert pour encourager les investissements dans les infrastructures africaines, faciliter les transferts de technologie et intensifier la recherche et le développement en commun. Dernier point, mais non des moindres, nous travaillons ensemble pour développer l’agriculture afin de promouvoir une croissance économique durable et inclusive. C’est pourquoi la création d’une zone continentale de libre-échange, qui favorise le commerce libre et équitable, est si importante.

Nos Unions, nos deux continents, sont confrontés à des défis communs. Du changement climatique à la migration ou de la mise en place d’une croissance économique durable à la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, ce sont là autant de défis que nous devons relever ensemble. Nous savons bien que nous sommes plus forts lorsque nous travaillons main dans la main. C’est avec ces objectifs bien présents à l’esprit, que nous entamons les préparatifs du 5e sommet UE-Afrique qui se tiendra en Afrique en 2017.

 

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Robert Liris dit :

    Les affinités culturelles entre l’Europe et l’Afrique fondées sur la coopération économique et la recherche de la sécurité commune ne doivent pas négliger ces résonances communes venues de notre Deep History d’errance depuis des millénaires. (« la sortie d’Afrique ») L’art est un langage qui dit plus. L’expressionnisme africain contemporain trouve ses lignes de forces non dans le »cri »(Munch) de révolte des apocalypses européennes et mondiales des années trente jusqu’en 1945 mais aussi et surtout l’art africain contemporain est un mouvement figuratif de réapparition qui tient compte du vieil et précieux animisme que l’Européen ressent encore sans le retrouver le partager et le vivre en harmonie avec la nature. O Africa te admiror ! Partageons les champs du possible au nom d’une neuve vision « afropéenne. R.Liris

  2. KOUMBWAMI MA-FWAT dit :

    Tout en nous parlant d’avenir, la Tribune situe les principaux enjeux du partenariat Union-européenne-Afrique (j’aurais dit UE-UA pour plus de clarté) : la croissance, la paix, la sécurité et les mobilités humaines. Mais tout cela manque de précision. Nous apprenons par exemple, que l’Union européenne et l’Union africaine « [travaillent] de concert pour […] favoriser la mobilité et la migration de la main-d’œuvre ». Dans quel (s) sens cette mobilité s’organise-elle ? Des campagnes aux villes africaines ? Des villes africaines vers d’autres villes africaines ? À moins que ce soit des pays africains vers ceux de l’Union européenne ? À propos d’un possible déplacement organisé d’une main-d’œuvre noire vers quelque pays de l’Union européenne, je vois déjà certains nationaux du « vieux continent » pousser plus que des cris d’orfraie. Ce fut déjà le cas en France, il y a un peu plus de dix ans, lors du référendum sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe, quand une certaine opinion s’était mobilisée contre ce « plombier polonais » peu payé qui allait venir mettre à mal les avantages sociaux de l’ouvrier de l’Hexagone (Dumping social). Je doute aussi qu’une telle mobilité (main-d’œuvre africaine vers les pays de l’Union européenne) soit officiellement organisée (ou encadrée) dans la mesure où certains pays comme la France, l’Italie ou encore l’Espagne sont en proie au chômage de masse (même si les derniers cités ont, l’année précédente, créé plus d’emplois que le premier).

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