Le dernier chapitre du Forum citoyen du Gabon organisé par Libération, du 9 au 10 octobre 2015 à Libreville, a été consacré à l’activité des journalistes en Afrique sur le thème du défi de l’indépendance. Un atelier qui a permis de tout dire, sans tabou, sur le cas du Gabon.

Vue générale des panelistes de cet atelier. © Gabonreview

Vue générale des panelistes de cet atelier. © Gabonreview

 

Au terme des quarante-huit heures de débats et d’échanges, les journalistes finalement ont été à l’honneur pour la clôture du Forum citoyen de Libreville. Sur le panel qui leur était dédié on retrouvait Jean Bosco Talla (directeur de publication du journal Germinal au Cameroun), Maximilienne Ngo Mbe (directrice exécutive du REDHAC), Janis Otsiemi (écrivain Gabonais), Martine Ostrovsky (membre du conseil d’administration de Reporter Sans Frontières) et Jacques Sima (président du Conseil d’administration de l’Agence gabonaise de presse), pour débattre des questions relatives à l’indépendance, à la liberté et aux droits et devoirs des journalistes.

Photo de famille : les stagiaires et le ministre de la Communication. © Gabonreview

Photo de famille : les stagiaires et le ministre de la Communication. © Gabonreview

Comme on pouvait s’y attendre, le débat a été parfois houleux. Ce, en présence du ministre de la Communication, Porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Billie By Nzé. Entre autres, on retiendra néanmoins que Janis Otsiémi, très en verve, a fait remarquer que «la chose la mieux partagée au Gabon par les journalistes, c’est bien la censure». L’écrivain a essayé, à sa façon d’expliquer que la presse n’est pas libre au Gabon et, surtout, qu’elle est aux ordres des hommes politiques. «On est plus dans un registre de partis politiques et les pressions viennent de partout, et même des rédactions elles-mêmes», a dit le romancier.

Pour sa part, Martine Ostrovsky a indiqué que selon son organisation, «l’Afrique n’est pas merveilleusement classée (Gabon 95e)» en matière de liberté de la presse. Et le membre du Conseil d’administration de Reporter Sans Frontières (RSF) de réitérer l’idée selon laquelle pour qu’un journaliste soit libre, il faut d’abord qu’il soit bien formé (à l’université, dans les instituts ou alors coaché par les plus expérimentés). Ainsi, la bonne formation entraine la liberté et l’indépendance qui, elles, entrainent un bon salaire. «Si un journaliste est bien payé», il y a moins de risque qu’il soit aux ordres, a-t-on entendu.

Réagissant, Jean Bosco Talla a indiqué que «les seules et uniques limites que doivent se fixer les journalistes sont l’éthique et la déontologie». «Au-delà, il n’y a pas d’autres limites», a-t-lancé avant que le président du Conseil d’administration de l’Agence gabonaise de presse (AGP) ne précise que les journalistes appartiennent à une même communauté de destin, en ce sens qu’ils ont pour rôle d’informer, d’instruire et de divertir dans les règles. Pour lui, «l’indépendance renvoie un peu au mythe de Sisyphe parce qu’il est une recherche perpétuelle». Notant qu’au Gabon «il existe un pluralisme dans les journaux, avec plus de 110 titres», Jacques Sima a indiqué qu’il «faut trouver des voies pour que les journalistes restent ce qu’ils sont et qu’ils remplissent leur mission».

Un stagiaire de Gabonreview recevant son parchemin. © Gabonreview

Un stagiaire de Gabonreview recevant son parchemin. © Gabonreview

Toutes choses qui ont débouché sur la corruption qui sévit au sein de la corporation et dont les conséquences (diffamation, mensonges et informations non vérifiées) amènent, parfois, à la détention des journalistes. C’est à cet effet que refusant l’appellation «entreprises de presse», Jean Bosco Talla a plutôt parlé d’«officines de communication» dont le rôle est parfois de servir une personnalité.

Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du REDHAC, n’a pas manqué de rappeler que «tous les pays ont ratifié la charte africaine de la liberté d’expression». Celle-ci est cependant «mise à l’épreuve en Afrique centrale, et encore plus avec la question du terrorisme». «Le journalisme n’est pas le quatrième pouvoir. Le journalisme est le contre-pouvoir», a-t-elle lancé avant d’ajouter que «certains pays d’Afrique centrale ont compris la nécessité d’une protection des journalistes». Une idée corroborée par Alain-Claude Billie-By-Nzé qui, rebondissant, a soutenu que le Gabon qui aspire à plus de démocratie «se bat pour la démocratie. On a dépénalisé les délits de presse. On a un vrai problème de formation et la subvention sert à s’acheter des voitures», a dénoncé le ministre de la Communication, qui a annoncé que cette subvention servira désormais pour les formations.

Benjamin des panélistes, Dina Koussou, étudiante en communication à l’université Omar-Bongo de Libreville, n’est pas passée par quatre chemins pour affirmer qu’«il est difficile d’exercer ce métier. On voit parfois des journalistes arrêtés arbitrairement. On peut aller en prison pour des propos. Parfois, on peut se dire qu’on n’aurait pas dû choisir un métier comme celui-là. La passion pour ce métier est peut-être en train de s’enfuir». Et le ministre de la Communication de recadrer : «Il y a des dérives commises par les journalistes eux-mêmes».

S’il y avait à boire et à manger sous ce thème, il reste que le pluralisme médiatique et la liberté d’expression sur le continent ont encore du chemin à faire. Au regard de tout ce qui a été relevé comme problèmes (manque de formation, corruption, diffamation, etc.) tout est encore fragile et l’indépendance est loin d’être acquise. Par ailleurs et finish, dans le sillon de la nécessité de former, les journalistes et stagiaires ayant pris part au master class organisé durant ce forum citoyen ont reçu leur parchemin des mains du ministre de la Communication qui a mis un terme à ce forum.

 

 
GR
 

1 Commentaire

  1. isidore dit :

    plus généralement, les risques professionnels des journalistes sont effectivement nombreux et fréquents :  » Les journalistes doivent faire face aux risques psychosociaux et physiques d’une profession soumise au stress à la fois de la rapidité et de la qualité de l’information à délivrer, aux dangers des déplacements fréquents …  » : http://www.officiel-prevention.com/formation/fiches-metier/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=206&dossid=562

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