Depuis quelques semaines, les habitants de Libreville sont confrontés à la raréfaction des taxis, déjà insuffisants en temps normal. Une situation exacerbée par la guéguerre que se livrent, pour l’argent, les municipalités de Libreville et d’Owendo. Enjeu : 300 millions de francs CFA.

Ce qui reste des taxis d’Owendo en fourrière à la mairie de Libreville. © Gabonreview
Ce qui reste des taxis d’Owendo en fourrière à la mairie de Libreville. © Gabonreview

 

Au-delà des véhicules de la Société gabonaise de transport (Sogatra) qui essaient, tant bien que mal, d’apporter une solution à la problématique du transport dans la capitale gabonaise, les taxis identifiés dans la commune d’Owendo et dont les propriétaires ne se pas acquittés du paiement de la vignette leur donnant accès au territoire municipal de Libreville, ne savent plus à quel saint se vouer. La mairie de Libreville a déployé ses agents dans les rues de la ville afin d’interpeller ces véhicules, mais surtout de leur infliger une sanction de 100.000 francs CFA pour les taxis et 200.000 francs CFA pour les taxis-bus.

© Gabonreview
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En aout dernier, le maire de la commune de Libreville, Rose Christiane Ossouka Raponda, informait, par communiqué, les «transporteurs de personnes ayant peint leurs véhicules aux couleurs de la Commune d’Owendo et exerçant dans la commune de Libreville que suite aux accords en matière de transport urbain entre les deux communes, le quota d’immatriculation qui est de 1500 ayant été atteint, tout véhicule taxi arborant les couleurs d’Owendo et circulant sans le numéro de portière 2014 ou ayant un numéro supérieur à 1500 sera arraisonné et parqué à l’hôtel de ville jusqu’à régularisation de l’infraction».

Il circulerait donc, à Libreville, un grand nombre de taxis affiliés à la mairie d’Owendo, au-delà des 1500 convenus, pour lesquels l’opération «coup de poing» a été lancée. Là se trouve l’explication de la «disparition» ou de la réduction du nombre de taxis dans la ville. Il y a une dizaine de jour, en effet, l’arrière de l’hôtel de ville de Libreville, transformée en fourrière, était bondé des taxis mauves d’Owendo. Si tous les véhicules en surplus n’ont pas été interpellés et mis en fourrière, certains des transporteurs n’étant pas en conformité avec la norme des quotas «ont choisi de planquer leur véhicule pour ne les sortir qu’aux moments où ils sont sûrs que les agents de la marie ont déserté le terrain», confie un taximan de Libreville.

«Le problème entre la mairie de Libreville et celle d’Owendo ne date pas d’aujourd’hui à cause de la proximité des communes. Or, vous savez que le paiement d’un impôt est conditionné par un problème de territorialité. Si vous habitez une zone, vous devez payer pour cette zone et travailler dans cette zone. Il se trouve que la commune voisine d’Owendo n’a pas un grand espace pour avoir un si grand nombre de taxis. La loi dit donc ceci : lorsqu’il y a une commune voisine, si vous voulez travailler dans les deux communes, vous devez payer dans l’autre commune l’équivalent de la taxe municipale et on va donc vous coller une vignette sur la pare brise», a expliqué une source de la municipalité de Libreville, sous couvert de l’anonymat. Le taximan sus cité explique, lui, que nombreux d’entre eux préfèrent se faire immatriculer à Owendo où le service est plus fluide et le coût de 50.000 francs moins qu’à Libreville.

L’on note que l’équivalent de la taxe municipale à la mairie de Libreville est de 110.000 francs CFA lorsque l’on se situe entre le 1er janvier et le 31 mars de l’année en cours. Or, si un taximan décide de circuler à Owendo et à Libreville, il doit les payer cette somme Libreville après s’être acquitté de toutes les autres taxes. Pour l’agent municipal sus cité, le principe de quota n’a pas été respecté : «Nous sommes aujourd’hui, tenant compte des chiffres officiels, à plus de 2800 taxis pour Owendo. Soit un dépassement de 1300». Or, ayant tablé sur 4000 taxis cette année, soit une recette de 400 millions de francs CFA, le nouveau maire de Libreville déchante sur ses prévisions. Une raison suffisante pour que les taxis d’Owendo marqués de numéros dépassant chiffre 1500, soient interpellés et contraints à l’amende. Un autre agent municipal interrogé rappelle que les propriétaires de ces véhicules peuvent toujours aller revendiquer auprès de la mairie d’Owendo qui n’a pas respecté l’accord. Plus de 500 taxis ont ainsi été arraisonnés alors que les autres «jouent à cache-cache».

Les deux communes sont pourtant gérées par les membres d’un même parti politique qui, du reste, est au pouvoir. Mais au parti du «Dialogue – Tolérance – Paix», devise du PDG, les choses semblent encore loin de s’arranger. «Aujourd’hui, chacun prêche pour sa chapelle. Lorsqu’Owendo prend 1000 taxis en plus, je vous fais un calcul simple : la patente à la mairie de Libreville c’est 300.000 francs CFA. Cela fait 300 millions de francs CFA de perte», tente d’expliquer l’agent municipal qui se demande si l’appartenance au même bord politique que le maire d’Owendo, doit contraindre celui de Libreville à accepter de perdre 300 millions de francs CFA. «Si Owendo prend 300 millions, ils vont développer leur commune. Or, il y a aussi des projets pour Libreville. Il y a aussi un besoin d’argent ici pour les projets. Il y a un dépassement et l’erreur doit être réparée», relève l’agent municipal.

Les taximen, pour ce qui les concerne, ne comprennent pas cette situation qui les saigne, en plus de tout ce qu’ils étaient déjà obligés de débourser pour mettre leur véhicule en service. «Pour mettre un taxi en route ce n’est pas facile. Mais si après ça il y a encore des problèmes de ce type, ce n’est pas la peine», estime un taximan dépité qui se demande si les encaissements des deux municipalités n’aboutissent pas au même Trésor public. Il estime avoir payé cette amende pour ne pas perdre son investissement. Mais, il invite le gouvernement à revoir la situation. «Nous, on perd et on cherche à récupérer ça sur le dos des clients. Voilà pourquoi avec 100 francs CFA vous ne pouvez plus avoir de taxi», lance-t-il.

Une chose reste certaine : cette guéguerre n’est pas du goût des citoyens dont les enfants ont repris, le lundi 29 septembre dernier, le chemin de l’école. Dès lors, il y a lieu de revoir cette situation qui accable, en réalité, tout le monde.

 

 
GR
 

3 Commentaires

  1. L' Economiste dit :

    Il faut etre Nul pour investir dans le business de Taxi a Libreville. Quand c’est pas les policiers Ripoux, c’est les mairesses lionesses chasseresses qui vous poursuivent pour leur part de cash. Taxent lourdement puis ensuite Immobilisent votre outil de travail. Sans compter les routes qui ne donnent pas plus de 2 ans a votre voiture neuve. Faut etre fou ou nul pour faire taxi a Libreville..

  2. Bil Ngana dit :

    Les responsables municipaux sont élus par le peuple pour résoudre les problèmes du peuple. C’est une lapalissade. Mais on observe souvent, une fois confortablement installés dans leurs nouveaux habits, que nos élus discutent davantage de questions se rapportant uniquement à l’accroissement des recettes municipales. C’est normal. Mais ce qui l’est moins, c’est qu’on ne puisse pas dire à quoi exactement servent ces recettes : les problèmes que ces élus trouvent à leur arrivée, trois, quatre ans après, existent toujours ; parfois, ils existent encore jusqu’à ce qu’ils soient obligés de rendre leur tablier. Parfois, à la fin du mandat, ils se sont aggravés. Tel est ce problème de transport urbain. Libreville et Owendo, est-on tenté de dire, constituent une seule et même ville qui, tous deux réunies, ne sont même pas plus grands qu’un quartier de n’importe quelle grande ville du monde, où on n’entend même pas parler de problèmes de transport. A Libreville et Owendo, les populations sont les mêmes, confrontés aux mêmes problèmes dont le plus pernicieux, dans le cas d’espèce, reste la mise aux enchères publiques de la course de taxi. Plutôt que d’en examiner les tenants et les aboutissants pour les clarifier, en proposant à l’examen du conseil municipal une nouvelle tarification de la course de taxi, en l’uniformisant afin, d’une part que les ménages soient fixés sur les budgets à prévoir pour cette charge, et que d’autre part, les opérateurs engagés dans ce secteur y trouvent leur compte, on nous parle d’une sorte d’embrouillamini entre des municipalités voisines en évoquant des raisons fallacieux concernant de simples quotas en terme de nombre de véhicules acceptés dans le périmètre de l’autre. Ces municipalités ne sont pas en opposition, que l’on sache ; elles devraient se compléter, se concerter régulièrement pour éviter de bloquer l’économie sur leur territoire commun. A la fin, les choses sont claires. Avec la mise en circulation des taxis-compteurs, qui obèrent le coût du transport, les autorités donnent l’impression que leur préférence va à ce type de transport. Mais alors, qu’elles cessent de tergiverser et disent clairement, publiquement, que c’est le seul mode de transport désormais autorisé dans le périmètre urbain. Dans le cas contraire, qu’elles mettent un terme à cette espèce de « brouillamini » et libèrent le service et ses usagers. Car, comme dit un autre internaute, « le commerce de taxi, c’est n’importe quoi ». Nous attendons de nos élus municipaux plus d’inventivité, plus de créativité et d’implication dans les problèmes auxquels sont confrontés leurs concitoyens. Il y a plusieurs manières d’accroître les recettes municipales sans que cela gêne les usagers. L’autre n’a-t-il pas parlé d’émergence ? A Libreville et à Owendo, ne restez pas immergées, Mmes les Maires !

  3. Ismael dit :

    La guerre des dames à commencée. Lol!

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