Parce que peu de pays africains sont à l’abri de la catastrophe survenue à Brazzaville, le 4 mars dernier, avec l’explosion d’une armurerie, chaque État, surtout du continent noir, doit pouvoir en tirer des enseignements. Leçons de Brazzaville pour le Gabon.

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Le Congo a connu, le 4 mars dernier, une tragédie due à l’explosion d’un dépôt de munitions à Mpila, un quartier de Brazzaville. Le bilan, avancé par le gouvernement, fait état de 220 morts, 2.300 blessés, 14.000 sans abris, des centaines de maisons et d’immeubles rasés ou endommagés. L’apocalypse, en l’espace d’une fin de matinée. Comme pour le Sida, cela n’arrive pas qu’aux autres. Aussi, les gouvernants de bien d’autres pays africains devraient commencer à y réfléchir et à en tirer des leçons.

Des poudrières dans la foule

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La presse congolaise n’a cessé depuis lors d’appeler au démantèlement de toutes les armureries et au ramassage des armes et munitions qui seraient stockées à la périphérie ou dans les quartiers populaires. Ce qui amène, pour le cas du Gabon, à relever que le camp De Gaulle, base qui abrite à Libreville le 6e Bataillon d’Infanterie de Marine (6e BIMa), dispose sur place de tous les moyens de projection et de stocks conséquents. Une poudrière, certainement bien entretenue, qui n’est pas moins située dans une zone de résidence comportant le quartier d’Okala.

Dans le même ordre d’idée, il revient à l’esprit que la plus grande base de la Garde Républicaine (GR) du Gabon se trouve à la cité de la Démocratie, du côté Nzeng-Ayong, le plus grand quartier de Libreville (près de 150 000 habitants). De même, le camp N’Tchoréré, la plus grande caserne militaire du Gabon, également dénommé camp Baraka, est situé au milieu des quartiers populaires d’Akébé Plaine et Frontière, de Plaine-Niger et de Toulon. On n’oubliera pas de mentionner que le Bataillon de reconnaissance et de combat (BRC) des Forces armées gabonaises, est situé à Melen, une zone également populaire ; de même que la cavalerie blindée de la GR est adossée au quartier résidentiel de La sablière. On doit mentionner, dans cette énumération, le palais présidentiel de Libreville qui, en toute logique doit disposer d’un important stock d’armes. Il ne faudrait donc pas, ainsi que l’a noté un bloggeur Congolais, se «contenter des infrastructures héritées de la colonisation concernant l’armée, la police et (avoir) à l’esprit que ces installations peuvent être obsolètes avec le temps

Leçons politiques et organisationnelles

Congo brazzaville explosion de munitionsGlosant et tentant d’expliquer comment et pourquoi on peut conserver dans un quartier populaire des explosifs, des munitions, des obus et des missiles, Emmanuel Dongala, écrivain et chimiste congolais, note sur Slateafrique : «Convaincus qu’ils ne perdront jamais le pouvoir par les urnes car ils savent comment ne pas perdre des élections, il ne leur reste que la peur de le perdre par la force des baïonnettes. Alors ils vivent dans l’insécurité permanente, nourrie par la psychose du complot et du coup d’état. Voire, ils vivent de cette insécurité qu’ils distillent, suggèrent ou alimentent, pour mieux apparaître comme les seuls à pouvoir la juguler.» Une explication transposable dans bien de pays d’Afrique et qui amène à quelques remarques.

La première leçon de Brazzaville concerne le rôle de l’armée. Dans les républiques respectueuses de certains principes universels de gouvernance, celle-ci n’a pas pour mission d’amener les gens au pouvoir ou de servir à les y maintenir. La mission de l’armée est de sécuriser le territoire national. Dans ce cas, les caches d’armes en pleine ville ne se justifient que par l’obsession du maintien au pouvoir. Car, il s’agit toujours de pouvoir réagir au plus vite, surtout dans un contexte tel que celui du Congo dont on n’a pas oublié le scénario de retour au pouvoir des actuels dirigeants. Il y avait nécessairement des caches d’armes en pleine ville qui avaient permis de réagit avec rapidité.

La deuxième leçon à tirer des explosions de Brazzaville est le respect des règles et des normes dans la construction. Il existe, pour ce qui est de la conservation des armes, des chambres fortes dont la construction doit obéir à des règles précises. Ailleurs dans le monde, ces chambres fortes sont souvent souterraines. De même, il y la manière d’entreposer et de conserver les armes. Celles-ci exigent en effet quelques précautions, surtout que leurs normes de fabrication sont celles des climats tempérés, alors que sous l’équateur le climat est chaud et humide. Il y a quelques années, au Gabon, la police avait échoué à faire reculer les élèves du lycée technique parce que les grenades lacrymogènes dégoupillées ne fonctionnaient pas. Ce qui était la résultante de mauvaises conditions de conservation. Il faut non seulement respecter les notices de conservation mais aussi les réadapter précautionneusement au contexte des climats africains.

Il faut, par ailleurs, penser à une urbanisation traduisant des schémas d’aménagement efficients et opératoires ; penser à créer des plans d’urgence et d’évacuation fonctionnels. Ce qui fait penser à l’organisation de l’administration, notamment de la protection civile. Dans de nombreux pays africains, la protection civile n’existe que de nom. Au Gabon, par exemple, la direction de la protection civile compte un trio de fonctionnaires entassés dans un même bureau étriqué. Or, c’est la protection civile qui, généralement, réagi en cas de problème. On note également que le Corps des sapeurs pompiers est souvent mal équipé en Afrique. Parce qu’il ne permet pas de mater les émeutes et les révoltes, on semble préférer de suréquiper les armées au détriment de ce corps pourtant très important.

La troisième leçon de Brazzaville concerne la formation et la gestion efficiente des ressources humaines. Il faut former et affecter les gens outillés là où ils méritent d’être, en fonction de leur savoir-faire ou de leur instruction. Un armurier devra donc travailler à l’armurerie, même s’il n’est pas de bonne accointance tribale ou provinciale avec sa hiérarchie. Ceux qui ont été formés au combat de terrain devront être affectés à l’infanterie. Ceux qui ont été formés au renseignement devront faire du renseignement. Il y a des responsabilités qu’on ne doit pas confier aux cousins et oncles sans formation idoine ou adéquate.

Secouristes Brazzaville CongoLa quatrième leçon se rapportera aux plans d’urgence sanitaires et d’évacuation. On a vu qu’au Congo Brazzaville les hôpitaux ont très vite été débordés. Ce qui, naturellement, arrivera toujours en cas de catastrophe soudaine. Quel est le plan d’urgence en cas de catastrophe dans un quartier de Libreville ? Comment évacuer la capitale gabonaise en cas d’annonce d’un raz-de-marée par exemple ? La direction de la protection civile devrait y réfléchir et se préparer à parer toute éventualité.

On note que durant la CAN 2012, le Gabon avait mis en place un plan d’urgence médical. Celui-ci comprenait l’érection d’un hôpital de campagne sur les sites des stades, la mobilisation de 22 ambulances et 2 hélicoptères médicalisés pour les évacuations en urgence des cas les plus graves, un réseau de surveillance épidémiologique et, pour la seule ville de Libreville, des réservations de lits à l’hôpital militaire, au centre hospitalier et universitaire (CHU) d’Angondjé, au centre hospitalier de Libreville (CHL) et à la clinique El Rapha. Un dispositif toutefois insuffisant en cas de catastrophe de grande ampleur.

Pour prévenir le débordement des hôpitaux, en cas d’urgence de grande amplitude, tel qu’à Brazzaville, le Gabon doit penser à former chaque année toujours plus de secouristes et se doter d’une réserve d’hôpitaux mobiles. Egalement appelés hôpitaux de campagne, il s’agit ici d’un concept né de la médecine de guerre consistant à reproduire, sous forme d’abris modulaires et autonomes réunis en réseau, au plus près des zones sinistrées, des infrastructures médicales performantes permettant de traiter les blessés dans les meilleures conditions de rapidité et d’efficacité. Ce sont des choses qui se stockent et s’entretiennent. Même si cela doit mobiliser des capitaux, il faut y investir et comprendre : l’homme est rare, l’homme coûte cher et il est la plus grande richesse d’une nation. A quand la fin de cette Afrique qui manque de l’essentiel, cette Afrique des pays qui attendent toujours la solidarité internationale même pour les petits rien comme les médicaments de première nécessité ? Brazzaville est si proche de nous.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Yves dit :

    L’article oublie la problématique des responsabilités. C’est-à-dire qu’en cas de catastrophes comme celle-là, les responsables qui évidement sont au pouvoir, devraient être identifiés et punis. Mais en Afrique c’est la totale impunité et des centaines de morts et millier de blessés peuvent être la résultante de telle négligences criminelles sans que les auteurs soient le moindrement inquiétés. Voilà le grand mal.

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