Pour impulser la rupture, Brice Clotaire Oligui Nguéma ne doit  ni transiger avec les principes de la République ni se laisser séduire par des idées d’essence démagogique.

La prestation de serment est un acte hautement solennel, strictement encadré par la Constitution. Même sous le régime déchu, jamais l’investiture d’un président de la République ne s’est déroulée dans un stade et en dehors de la capitale. Toujours, elle a été organisée dans un cadre adapté et dans le respect du protocole républicain. © GabonReview (montage)

 

Un discours d’après-élection prononcé devant un public hétéroclite. Une investiture prévue au stade de l’amitié à Angondjé. Tout se passe comme si le septennat de Brice Clotaire Oligui Nguéma doit s’inscrire dans cette transgression dénoncée tout au long du règne d’Ali Bongo. Comme s’il n’existe plus de frontière entre vie institutionnelle et vie partisane, des responsables du Rassemblement des bâtisseurs (RdB) ont pris part à une activité réservée au personnel de la présidence de la République. Pis, on y a aperçu une personnalité sans fonction officielle et naguère en délicatesse avec la justice. Comme si Libreville n’est plus la capitale politique et administrative du pays, l’entrée en fonction du président de la République doit se faire dans une autre commune de plein exercice. Comme si les symboles n’indiquent plus rien, elle doit avoir lieu dans un lieu quelconque. Même si le président élu bénéficie encore d’un indéniable capital-sympathie, il faut se poser quelques questions. Quand bien même sa victoire ne souffre d’aucune contestation, il convient d’appeler au respect des normes, codes et règles de la République.

L’investiture, un acte hautement solennel

Aux yeux des républicains sincères, comme des partisans du changement, ou des chantres d’une amélioration de la gouvernance, certains actes et annonces font craindre une perpétuation des mauvaises pratiques. En quoi Anges Kevin Nzigou est-il concerné par la levée des Couleurs au sein de la présidence de la République ? Au nom de quoi peut-il y assister ? est-il agent de cette administration ? Pourquoi le président de la République doit-il prêter serment devant le tout-venant et pas uniquement devant la Cour constitutionnelle, en présence du Parlement ? Pourquoi doit-il le faire hors du centre de la vie politique, loin des sièges des institutions et administrations ? Pourquoi doit-il le faire dans un lieu manquant de solennité et pas dans l’enceinte de la présidence de la République ou de la Cour Constitutionnelle ?

Comme d’autres, formulées de manière plus ou moins explicites, ces questions attestent d’une réalité : la rupture tant annoncée tarde à se faire jour. Bien au contraire. Au fil du temps, au gré des décisions, elle semble s’éloigner, faisant craindre un retour à l’ordre ancien voire pire. Même sous le régime déchu, jamais l’investiture d’un président de la République ne s’est déroulée dans un stade et en dehors de la capitale. Toujours, elle a été organisée dans un cadre adapté et dans le respect du protocole républicain. Veut-on en faire un moment de réjouissance populaire ? Mais, la prestation de serment est un acte hautement solennel, strictement encadré par la Constitution. Pourquoi veut-on la transformer en une simple mondanité en privilégiant l’aspect festif sur la dimension institutionnelle ? Pour la faire vivre au peuple souverain ? Comme on peut le deviner, elle sera évidemment retransmise en direct à la télévision.

S’éloigner toujours plus de la «gouvernance irresponsable, imprévisible»

Pour rompre avec cette désinvolture caractéristique des années Ali Bongo, il ne faut ni minimiser ni ignorer ces réserves. La confusion entre intérêts partisans et intérêts publics, le non-respect des symboles et l’inclinaison à un certain évergétisme ont déjà causé tant de torts à notre pays. Au seuil d’un nouveau mandat et à l’orée de l’entrée en fonction du quatrième président de la République, il faut le redire : pour parvenir à cette ère de «félicité» si attendue, le Gabon doit être gouverné dans la sobriété, loin des strass et paillettes, et dans le respect des procédures. Mieux, chaque institution doit jouer son rôle et s’y conformer. Idem pour les forces sociales et citoyens. Dans cette société en quête de renouveau démocratique et institutionnel, il faut se garder du mélange des genres et des fausses bonnes idées, sans pour autant sombrer dans le rigorisme ou le conservatisme.

Depuis l’annonce des résultats de la présidentielle du 12 avril courant, certaines révélations et initiatives réveillent les fantômes du passé, faisant craindre pour la suite. S’il veut maintenir la confiance pour impulser la rupture, Brice Clotaire Oligui Nguéma ne doit  ni transiger avec les principes de la République ni se laisser séduire par des idées d’essence démagogique. Dans le respect des symboles et bonnes pratiques, le président nouvellement élu doit tirer les leçons des critiques entendues au sujet de sa campagne. Pour ainsi dire, il doit s’éloigner toujours plus de cette «gouvernance irresponsable, imprévisible» dénoncée par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) au cœur de la nuit du 30 août 2023.

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Les symboles, les symboles, les symboles.! Eh bien l’investiture des Bongos ne pouvait jamais se faire dans un stade, peut être parce qu’après avoir abusé de la confiance du peuple et fraudé, sans légitimité, il ne leur restait qu’à se retrouver entre copains et coquins et courtesans, les mêmes qui confisquent le pays depuis 65 ans. Alors, on n’est pas obligé de rester rigide avec des traditions qui ne sont imposées par la loi. Je reste d’accord, qu’il ne faut pas transiger avec l’éthique républicaine. Mais après toute la souffrance, le baillonnement qu’on a eu sous les Bongo, les gabonais veulent continuer à célébrer cette libération. Cette célébration qui s’est aussi marqué par ce score fleuve de 94% de l’auteur principal de cette nouvelle ère, ce serait une belle réjouissance pour ce peuple longtemps martyrisé d’avoir droit à une telle investiture au stage. On ne trahit pas la république avec une investiture au stade. Pour cette occasion unique de notre histoire, on honnore ce peuple qui a honnoré sa transition vers une nouvelle page de sa vie nationale. Les valeurs de la républiques poursuivent un but, honnorer une nation, honnorer un peuple. Dès lors qu’on ne vise plus ce but, on parle de choses inutiles. Cette investiture mérite de se faire devant ce peuple qui n’était plus autant uni et rassemblé depuis des decennies. Vive la république!!!

  2. leance dit :

    Je ne vois pas la ou est le soucis, d’autres l’ont fait dans les autres pays non ( RDC et RWANDA)

    • La Rédaction dit :

      Le texte de la Constitution gabonaise de 2024 indique que le Président de la République prête serment devant la Cour Constitutionnelle, en présence du Parlement. Même s’il ne précise pas explicitement le lieu où cette cérémonie doit se dérouler (ça devrait être au palais présidentiel ou à la Cour constitutionnelle), il n’est pas dit que c’est devant le peuple. Un peu de rigueur comme avec les codes militaires, ferait bien.

      • Alum Ndong Minko dit :

        Non, Non et Non, dans la mesure ou il n’est nullement précisé le lieu cette prestation de serment pouvait meme se faire dans une autre province que celle de l’estuaire, la prestation de serment se fera bien devant la CC et en présence du parlement, ces deux institutions ne sont pas statiques elles vont donc se deplacer pour aller communier avec le peuple qui est lui au dessus de ces deux institutions… il faut pas tous le temps chercher à voir des anomalies partout meme quand ce n’est pas le cas.

        que les Gabonais se dirrigent massivement au stade d’Angondje samedi pour la prestation de serment. c’est leur pouvoir et ce sont eux qui decident.
        Merci

  3. Mezzah dit :

    On est là encore dans le populisme comme on nous a habitués.
    Au moment où le gabonais normal s’inquiète de l’état des finances du pays, on va encore organiser une manifestation qui va assécher un peu plus ces finances alors que les enfants pleurent leurs bourses, certains travaux sont à l’arrêt, l’eau et l’électricité manquent toujours dans les maisons.
    Un peu de bon sens fera bu bien.

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