Alors que la polémique enfle autour de la gestion jugée opaque de la subvention publique à la presse gabonaise, Guy Pierre Biteghe, directeur du journal Le Mbandja, livre une contre-offensive implacable contre l’activiste Stéphane Nzeng et, en creux, contre la ministre Laurence Ndong. Dans une déclaration sans détour, il exige que la lumière soit faite sur les bénéficiaires et les montants attribués. Une exigence de transparence devenue symbole d’un pouvoir qui promettait la rupture, mais recycle les pratiques opaques d’antan.

Le directeur du journal Le Mbandja, Guy Pierre Biteghe (à gauche), s’élève contre l’opacité, exigeant une transparence que le nouveau pouvoir avait promise mais peine à livrer. © GabonReview

 

C’est un direct en apparence anodin publié par Stéphane Nzeng sur Facebook qui a mis le feu aux poudres. Dans ladite intervention, l’activiste, désormais proche du pouvoir, tentait de disculper la ministre de la Communication Laurence Ndong, accusée d’avoir distribué la subvention publique à la presse de manière arbitraire et opaque. Mais la réplique de Guy Pierre Biteghe, patron du journal Le Mbandja, a éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel déjà chargé.

Guy Pierre Biteghe, la voix de ceux qu’on veut faire taire

«Vous, M. Stéphane Nzeng, vous n’êtes ni journaliste ni éditeur de presse et vous venez raconter n’importe quoi», tacle d’entrée le directeur de publication. Puis, incisif, il enfonce le clou : «Vous voulez défendre votre coéquipière activiste, mais en voulant la défendre, vous ne lui rendez malheureusement pas service

Dans un ton mêlant colère contenue et rigueur professionnelle, Biteghe démonte point par point la ligne de défense du camp ministériel. Il souligne l’absurdité d’un système où «des journaux qui n’ont pas paru, aussi bien en presse papier qu’en ligne, durant l’année 2024 ont eu la subvention», pendant que d’autres, bien plus actifs, ont été relégués au second plan. «On sait qui avait droit et qui n’avait pas droit.» Et surtout : «nous passons dans les mêmes banques pour chercher l’argent. On sait qui avait droit et qui n’avait pas droit

Une ministre en rupture de promesses… de rupture

Ce que dénonce Biteghe n’est pas seulement une injustice comptable ; c’est une méthode. Celle de la dissimulation, du clientélisme et de l’opacité, exercée sous les habits neufs d’un pouvoir de transition qui avait promis la transparence comme boussole. Or, depuis plusieurs semaines, Laurence Ndong, ministre de la Communication, refuse obstinément de publier la liste complète des bénéficiaires et les sommes versées. «Avant elle, d’autres ministres l’ont fait», rappelle le patron de presse. Pourquoi cette exception aujourd’hui ? Que cherche-t-on à cacher ?

D’autant plus ironique, voire cynique, que Mme Ndong fut elle-même une activiste exilée, voix vibrante de la lutte contre les abus du régime Bongo. Aujourd’hui au pouvoir, elle reproduit les mêmes silences, les mêmes pratiques, allant jusqu’à instrumentaliser un autre activiste de l’ancien temps, Stéphane Nzeng, devenu pour l’occasion procureur improvisé contre la presse libre.

«Ça ressemble à de la corruption», ose Biteghe. «Elle a dû graisser la patte à certains bénéficiaires qui ne veulent pas qu’on sache les montants qu’ils ont perçus.(…) parce qu’ils savent qu’ils ont reçu des montants qu’ils ne devaient normalement pas percevoir». Une accusation grave, mais qu’il relie à une exigence simple : «Rendez publique la liste. Que chacun prenne sa calculatrice. On verra si on tombe sur le montant total décaissé par le Trésor public

Un enjeu de crédibilité nationale

L’affaire dépasse les querelles de clans. Elle étale en public une tension fondamentale : celle entre un État de droit promis après le coup d’État du 30 août 2023, et les vieilles habitudes d’un pouvoir qui sélectionne ses alliés, récompense ses courtisans, punit ses critiques.

« Le fait de camoufler la liste comme elle le fait, fait en sorte que le soupçon va toujours peser sur elle», martèle Biteghe. «Et en venant la défendre, vous voulez plutôt la couler», assène le directeur de publication à l’activiste rentré dans les rangs. L’alerte est claire : ce n’est pas la presse qui est en tort, c’est la ministre qui met le régime en danger par sa volonté de tout contrôler. Ce que réclament les éditeurs n’est pas un privilège : «On demande quelque chose de simple […] que la loi soit respectée.» Et si, comme le dit le patron du Mbandja, «quelqu’un qui n’a fait paraître que deux numéros au cours de l’année [a reçu] plus que quelqu’un qui en a fait 40», alors ce n’est plus une subvention, c’est une mascarade.

La colère des patrons de presse, incarnée par la verve mordante de Guy Pierre Biteghe, dit tout d’un malaise profond : celui d’une transition qui risque de rater le rendez-vous avec la justice et la transparence. Dans un Gabon en reconstruction, la ministre Laurence Ndong serait bien inspirée de se rappeler d’où elle vient, et de ne pas trahir ce pourquoi elle a été portée au pouvoir.

Car à force de dissimuler les montants, d’acheter les silences et de nier les évidences, ce n’est pas seulement sa crédibilité qui s’effondre, c’est celle d’un État qui prétendait tourner la page.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Jean Jacques dit :

    Entre un serpent et un gabonais c’est mieux de donner le pouvoir au serpent qu’un gabonais, même ceux qui soulèvent les glissières jambon de camerounaise Mbango et se disent conseiller, oligui,Mbango où est l’argent de la presse? Les affamés comme Stéphane.

Poster un commentaire