Paulette Missambo : « L’égalité femmes-hommes est une exigence pour le développement du Gabon»

À l’occasion de la Journée nationale de la femme gabonaise, célébrée le 17 avril, la présidente du Sénat, Paulette Missambo, revient sur les fondements historiques de cette journée instaurée en 1998 et les avancées enregistrées en matière de droits des femmes. Dans un contexte politique marqué par la présidentielle du 12 avril dernier, elle salue l’implication massive des femmes dans le processus électoral, réaffirme sa confiance en la Cour constitutionnelle et évoque Dans ces propos recueillis, les perspectives pour une meilleure représentativité des femmes dans les instances décisionnelles. Elle lance également un appel aux hommes : soutenir l’engagement politique et citoyen des femmes est un devoir commun.

À l’occasion de la Journée nationale de la femme gabonaise, célébrée le 17 avril, la présidente du Sénat, Paulette Missambo, revient sur les fondements historiques de cette journée instaurée en 1998 et les avancées enregistrées en matière de droits des femmes. © GabonReview
Pourquoi célébrer encore aujourd’hui la Journée nationale de la femme gabonaise ?
Paulette Missambo : Depuis sa création en 1998, cette journée répond à un besoin profond des femmes gabonaises : se retrouver, échanger, partager leurs expériences et renforcer leur solidarité. Ce besoin reste d’actualité, car les femmes n’ont pas encore atteint la plénitude de leurs droits. Cette journée est un moment d’écoute, un espace d’expression collective, et un outil pour mesurer l’évolution de la condition féminine au Gabon. Je salue d’ailleurs la restauration du ministère de la Femme et de la Protection de l’enfance, qui donne un cadre institutionnel à cette dynamique. Le thème de cette année – “Engagement communautaire pour l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes” – est un appel à l’action collective, J’estime qu’il faut continuer à faire entendre les voix des femmes, car malgré les progrès réalisés, beaucoup reste à faire.
Quels sont les acquis concrets obtenus depuis la création de cette journée ?
Paulette Missambo : Il y a eu des avancées majeures, notamment sur le plan législatif. L’obligation scolaire s’applique désormais aussi bien aux filles qu’aux garçons. Dans l’administration, le principe “à diplôme égal, salaire égal” est désormais en vigueur. Et, fait marquant, l’égalité d’accès aux fonctions politiques et administratives est désormais inscrite dans la Constitution. Cela dépasse les anciennes mesures de quotas. C’est un appel à l’ambition, à la formation et à l’implication pleine et entière des femmes dans tous les secteurs de la société.
Une autre avancée importante : l’adoption d’une loi contre les violences faites aux femmes. Mais là encore, il faut aller au-delà du cadre légal. Il est impératif de transformer les mentalités, de sensibiliser en profondeur. Nous avons encore enregistré un féminicide cette année. Cela montre l’ampleur du chemin à parcourir.
Quels sont, selon vous, les freins à une plus grande implication des femmes, notamment en politique ?

«L’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour le développement harmonieux de notre pays», affirme Paulette Missambo. © GabonReview
Paulette Missambo : Les obstacles sont multiples. Il y a d’abord la charge familiale qui pèse lourdement sur les femmes. Beaucoup hésitent à s’engager en politique car cela les expose, et elles craignent de négliger leur famille. Il manque aussi des structures de soutien : crèches, garderies, allocations. L’État doit créer un environnement favorable pour permettre aux femmes de s’engager sans sacrifier leur vie familiale.
Il faut aussi que les hommes jouent pleinement leur rôle de partenaires, notamment dans la sphère domestique. Le partage des responsabilités est la clé pour libérer du temps et de l’espace aux femmes.
Peut-on dire aujourd’hui que les droits des femmes gabonaises sont véritablement respectés ?
Paulette Missambo : Sur le plan juridique, oui, des avancées notables ont été faites. Mais dans la réalité, il reste de nombreux défis. La pauvreté touche plus durement les femmes. Elles sont souvent cheffes de famille, et donc plus exposées aux difficultés économiques. Il faut renforcer les politiques de lutte contre la pauvreté, avec une attention particulière portée à leur autonomisation.
Il y a aussi le phénomène préoccupant des grossesses précoces, qui provoquent l’abandon scolaire chez de nombreuses jeunes filles. Cela compromet gravement leur avenir. Il faut une sensibilisation accrue dans les familles et à l’école. Et surtout, il est crucial de rappeler que la parentalité est une responsabilité partagée entre garçons et filles. Éduquer nos fils à cette responsabilité est tout aussi essentiel.
Vous insistez sur l’autonomisation économique des femmes. Que faut-il faire concrètement ?
Paulette Missambo : L’accès au financement est une étape, mais ce n’est pas suffisant. Il faut accompagner les femmes : les former, les aider à structurer leurs projets, leur ouvrir des débouchés commerciaux et mettre en place un véritable suivi. L’autonomisation est un processus global qui nécessite des outils adaptés et une vision à long terme. C’est dans cette optique que les dispositifs comme les banques dédiées à l’entrepreneuriat féminin et les fonds de soutien doivent être renforcés.
Quels rôles jouent les réseaux de solidarité entre femmes dans cette dynamique ?
Paulette Missambo : Ils sont essentiels. Les coopératives, les associations et les réseaux d’entrepreneures permettent de mutualiser les ressources et les expériences. Ils renforcent la résilience économique des femmes et augmentent leurs chances de succès. À travers l’engagement communautaire – thème de cette année – c’est cette vision solidaire que nous voulons promouvoir. Les femmes doivent être actrices du changement dans leurs communautés, à l’école, dans l’économie, et au sein de la société tout entière.
Lors de la récente élection présidentielle, on a noté une forte implication des femmes. Comment l’interprétez-vous ?
Paulette Missambo : Je suis fière de constater que les femmes ont joué un rôle déterminant lors de l’élection du 12 avril. Elles se sont mobilisées comme électrices, bien sûr, mais aussi comme responsables de bureaux de vote, observatrices, militantes, relais dans les quartiers et les villages. Cette dynamique montre que les femmes ne veulent plus être de simples spectatrices du jeu politique. Elles veulent peser, décider, et participer à la refondation de notre pays.
Êtes-vous confiante quant à la validation du scrutin par la Cour constitutionnelle ?
Paulette Missambo : Oui, tout à fait. Je suis confiante dans les institutions de notre pays et dans leur capacité à dire le droit. Ce scrutin s’est déroulé dans des conditions de transparence et de calme, largement saluées. J’ai foi en la sagesse de la Cour constitutionnelle pour confirmer la légitimité issue des urnes. Ce serait un signal fort en faveur de la stabilité et du renouveau démocratique.
Votre mot de fin ?
Paulette Missambo : L’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour le développement harmonieux de notre pays. Nous devons œuvrer ensemble, femmes et hommes, pour construire une société juste, équilibrée et prospère. Ce combat est collectif. Il ne s’arrête pas au 17 avril, il doit s’incarner chaque jour dans nos institutions, nos familles, nos quartiers et nos écoles.
Propos recueillis pour la rédaction de GabonReview

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